Le cerveau humain est fait de telle manière qu’il vend quand le marché baisse. Et qu’il achète quand il est en hausse » philosophe Franck Noguès, cofondateur en 2010 du site de placement alternatif Patriwine, dont il est l’actuel coprésident (avec Philippe Bureau). Habitué des enjeux de placement patrimonial, Franck Noguès connaît bien ce paradoxe financier, qu’il rencontre depuis deux ans au sein de Patriwine. « Avec les grands de vins de Bordeaux, nous sommes sur un marché d’actifs réels, et chaque baisse engendre une campagne de ventes. Ce qui nous a débordés » reconnaît-il.
Premier site d’investissements dans les grands crus du vignoble bordelais, il faut reconnaître que Patriwine a joué de malchance. En rentrant en activité en 2011, la société a vu l’aspiration du marché chinois se transformer en trou d’air, puis a vu une série de millésimes délicats s’enchaîner. Les difficultés se sont accumulées pour Patriwine, qui les voit désormais exposées au grand jour. Un article de l'UFC Que Choisir rapporte ainsi la centralisation des plaintes de clients par la Direction départementale de protection des populations de Gironde (dépendant de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes).
Sur un forum du site Que Choisir, des clients de Patriwine donnent libre cours à leur déception. Comme Ninolo67, qui se plaint des difficultés de revente de ses vins, ou à de fortes décotes, alors que Patriwine continue de lui facturer des frais de gestion. Il estime désormais « qu'il vaut mieux acheter les bouteilles pour soi, les garder dans sa cave et pourquoi pas les revendre sur e-bay un jour, ou aux enchères, ce sera à mon avis beaucoup plus intelligent ».


L’enjeu de la reprise des vins est au cœur de la polémique entre Patriwine et ses clients mécontents. « Tant qu’on l’a pu, nous avons racheté tous les vins de nos clients. Aujourd’hui, le schéma de rachat est moins dense, mais je propose à tous les clients qui le souhaitent de leur livrer leurs caisses » affirme Patrick Noguès. Reconnaissant que sa société a été mise en difficulté par ces opérations (passant de 12 à 6 salariés), il assume donc pleinement son changement de politique clients.
Pesant évidemment sur ce dossier, le précédent qu’est l’affaire 1855.com pousse également Patriwine à balayer rapidement les doutes émis sur la réalité de son stock. Franck Noguès reste catégorique sur son ampleur, tenant à disposition ses factures de stockage à Blanquefort (au Bordeaux City Bond, BCB) et à Genève (dans le Port Franc, PFG). Au 31 août, la société revendique 52 840 bouteilles entreposées au BCB, 48 728 cols à PFG (auxquelles vont s’ajouter 966 bouteilles acquises en ventes aux enchères). En tout, cela représenterait 9,69 millions d’euros.
Le dirigeant balaie également les critiques récurrentes sur les difficultés de sa clientèle à joindre ses services. Quant aux prix annoncés par Patriwine, il estime qu’ils sont bien dans le marché, n’étant pas surévalués mais proches de ceux pratiqués par les sites de vente de vins en ligne. En ce qui concerne les frais de gestion (18 euros par caisse et par an, plus une assurance de 0,4 %), il souligne que « dans un marché baissier, les frais de gestion pèsent plus que dans un marché haussier. Mais c’était un montant annoncé par contrat. Ceux qui le critiquent n’assument pas d’avoir fait le choix d’aller sur des actifs réels » tranche-t-il.
Si Patriwine visait à ses débuts un chiffre d’affaires de 10 millions d’euros en 2015, ses difficultés l’ont conduit à se contenter de 3 millions €. Mais les perspectives seraient bonnes pour 2016, avec une prévision de 5 millions €. « Les cours repartent et des agents patrimoniaux sentent la tendance. Il y a des perspectives de plus-value pour de nouveaux clients » estime prudemment Franck Noguès. En attendant, l’entreprise cherche à se diversifier, adoptant un repositionnement hédoniste (site Patriwine Plaisir pour la vente à l’unité, offre Patriwine Génération pour les cadeaux de naissance, offre d’investissement treize à la douzaine…). « Nous ne sommes pas des financiers sanguinaires, mais des passionnés de vins » se convainc Franck Noguès.