Au niveau mondial, il est estimé que 4% des vins sont achetés sur internet. Pour la Chine, ce pourcentage monte à 10% et le circuit continue de se développer à un rythme sans égal dans le monde, selon l’étude de Wine Intelligence. « Dans le monde occidental, il est souvent facile de supposer que nous sommes naturellement à l’avant-garde du progrès sociétal et technologique et que nous bénéficions d’un accès illimité à tout ce que le monde moderne peut nous offrir », note Chris Giles, auteur de l’étude. « Il est difficile d’imaginer comment nous pourrions mieux nous porter en termes de technologie et de connectivité, mais 1,3 milliard de personnes vivent dans un pays où la plus grande ville – Shanghai –…donne l’impression que vivre à New York, c’est comme si on vivait dans un pays du tiers monde ». Toujours énigmatique vue depuis l’Occident, la Chine a fait d’énormes bonds en avant sur le plan technologique ces dernières années, faisant dire à Chris Giles : « En l’espace d’environ 5 ans, la Chine est devenue un pays où internet, notamment via un accès mobile, s’est placé au coeur des activités professionnelles et des affaires personnelles ».
Un réseau de confianceL’importance d’internet, des réseaux sociaux et de la technologie mobile a naturellement eu des répercussions sur les achats de vins en ligne. Selon John Isacs, directeur de la société Enjoy Gourmet, « les importateurs traditionnels minimisent l’importance du e-commerce dans le domaine des vins, mais nous savons que ce circuit est important. Ces mêmes importateurs ont également une présence sur internet, mais là encore, il est difficile d’évaluer leur volume de ventes ». L’analyse s’avère d’autant plus complexe que les motivations d’achat et les plateformes utilisées ne sont pas nécessairement les mêmes que dans le monde occidental. « Dans l’esprit du consommateur chinois, l’authenticité du produit revêt une importance capitale. Internet attire une multitude de commentaires sur les vins et si le consommateur chinois moyen ne fait pas forcément confiance à une seule personne, par exemple à un caviste, il a l’habitude de se servir des commentaires sur internet pour juger de la véracité du produit. Il est indispensable pour un Chinois d’acheter un produit qui n’a pas été copié et ne nuira pas à la santé. Si internet n’est certes pas parfait dans ce domaine-là, il est néanmoins considéré comme un débouché plus sûr que le petit caviste du coin », explique encore John Isacs.
Une longueur d’avanceComme le fait remarquer par ailleurs Chris Giles, les plateformes chinoises ne peuvent être comparées à nos références occidentales. Premièrement, en termes de pénétration, elles engrangent des résultats époustouflants : « Le réseau social le plus important en Chine, l’application mobile WeChat, a dépassé les 700 millions d’utilisateurs actifs par mois en mars de cette année… 93% des habitants des villes de premier rang utilisant cette application, chiffre invraisemblable ». Par ailleurs, cette plateforme propose des services bien plus diversifiés que des équivalents occidentaux comme WhatsApp ou Facebook. Ainsi, l’appli « domine… la vie de ses utilisateurs de manière beaucoup plus importante que tous les réseaux que nous connaissons dans l’Occident ».
Des prix très accessiblesIl est donc tout à fait logique qu’internet joue un rôle primordial dans les ventes de vins. Selon l’étude de Wine Intelligence, environ 21 millions de personnes achètent du vin en ligne en Chine. Internet a donc « dépassé les hypermarchés et les grands magasins pour devenir le deuxième réseau le plus utilisé pour les achats de vins. 49% des consommateurs chinois urbains de vins importés issus des classes moyenne-supérieure que nous avons interrogés ont déjà acheté du vin en ligne, un nombre nettement plus élevé que sur tous les autres marchés que nous avons étudiés ». Parmi les raisons de ce succès figure le prix. Comme le constate le Dr Liz Thach, professeur de marketing à l’Université de Sonoma en Californie, « une grande partie des vins commercialisés sur internet en Chine le sont à travers de petits magasins de proximité qui livrent à domicile dans les plus grandes villes à des prix très accessibles, de l’ordre d’un dollar la livraison ». Mais si les prix bas ont longtemps représenté la principale motivation d’achat en ligne, ce ne serait pas toujours le cas aujourd’hui selon Wine Intelligence. « Il s’agit de plus en plus de la qualité des produits et du rapport qualité-prix », note Chris Giles. « Les clients futés s’attendent à acheter des vins au même prix que dans les boutiques conventionnelles mais d’une qualité supérieure. De cette façon, ils ont l’impression d’en avoir pour leur argent ».
JD.com un acteur majeurParmi les entreprises les mieux placées pour les ventes de vins en ligne figurent le site généraliste JD.com. Lancée il y a cinq ans, la branche vin de JD.com a commercialisé 22 millions de bouteilles en 2015, soit deux fois plus qu’en 2014. Selon une interview du responsable du service vins du site, Zhao Dabin, dans Decanter, les ventes devraient tripler en 2016. Par ailleurs, le site sert de place de marché à d’autres marchands de vins, dont les ventes cumulées en 2016 devraient atteindre 1,5 milliard de yuan, toujours selon Decanter. L’étude de Wine Intelligence montre que 35% des consommateurs chinois de vins importés l’utilisent pour acheter du vin.
Un rôle précurseur au niveau internationalDans le même temps, d’autres entreprises de commerce électronique comme Tmall.com et Amazon voient leurs ventes de vins se développer, impulsées par l’utilisation des réseaux sociaux. « Il ne faut pas sous-estimer l’importance d’internet », insiste Li Zhu, président de Beijing International Wine & Spirit Exchange. « Les jeunes Chinois ne regardent pas la télévision, ils regardent internet. Il faut utiliser les jeunes prescripteurs sur internet – le 1 sur 100 qui écrit des choses sur le vin sur Weixin – et s’appuyer sur cette personne pour faire de la communication ». Son avis est partagé par Chris Giles : « Même dans les villes de premier plan où le taux d’adoption du e-commerce est élevé, il reste encore beaucoup de potentiel pour encourager les internautes à acheter du vin plus régulièrement et à augmenter leur panier moyen. Cela se fera, au fur et à mesure que les commerçants répondent aux préoccupations de leurs clients, proposent de meilleurs rapports qualité-prix et expériences clients, et utilisent l’effet de levier des réseaux sociaux pour influer sur les décisions d’achat des consommateurs ». Et de conclure : « La révolution qui s’opère au niveau du commerce en ligne et sur téléphone mobile en Chine nous donne un aperçu de ce qui risque de se produire ailleurs de manière imminente ».