lors que la chaleur commençait à baigner les vignes résistantes du Domaine de La Colombette, plus d’une centaine de viticulteurs ont arpenté les rangs de vigne ce 20 juillet au matin. Cabernet jura, prior, muscaris, souvignier gris, villard blanc, cabernet cortis,… : la collection de Vincent Pugibet, du Domaine de la Colombette, s’étend sur une petite quarantaine d’hectares et provient d’Allemagne, de Suisse ou d’Italie. « Nous avons essayé de ne pas être trop sectaires » glisse, avec une pointe d’espièglerie, celui qui est aussi le président de Piwi France, association à l’origine de l’organisation de cette journée baptisée Les Estivales. Après avoir vu les résultats sanitaires excellents (en matière de mildiou et d’oïdium), les participants ont pu assister à une conférence qui commençait par l’intervention de Laurent Terregrosa, chercheur à l’Inra.
Venu présenter les travaux de recherche menés par l’Institut, le chercheur a donné son point de vue dans le débat, souvent soulevé par les viticulteurs de Piwi et d’ailleurs : l’Inra ne freine-t-il pas trop l’introduction des résistances en prétextant l’impériale nécessité d’une poly-résistance pour assurer sa durabilité ? Laurent Terregrosa a fait preuve d’un certain mea culpa, reconnaissant que l’Inra aurait pu adopter une attitude plus souple. « Il semble que le pyramidage des gènes soit une bonne technique pour assurer la pérennité de la résistance mais sa durabilité, comme le montrent des travaux américains, est impossible à garantir » reconnaît-il. En revanche, il plaide pour une certaine modération face à l’engouement que peut provoquer ces cépages. S’ils sont parfaitement résistants à l’oïdium et au mildiou, ils ne résistent pas au black rot. Ils semblent également être sujets à l’érinose ainsi qu’au phylloxera gallicole. « Il faut aussi voir leur compatibilité aux systèmes de culture, leur adaptation au climat, leur intérêt dans le processus œnologique » énumère-t-il. Bref, en un mot, le sujet est « complexe » insiste-t-il et il faudra encore des dizaines d’années pour maîtriser parfaitement la conduite de vignoble résistant.
Le chercheur a, par ailleurs, souligné la récente ouverture de l’Inra en matière d’expérimentation : les obtentions françaises (Alain Bouquet et Restdur) pourront faire l’objet de plantations expérimentales dès cet automne. « Des viticulteurs ou des groupements de viticulteurs se sont d’ailleurs déjà faits connaître pour les planter » indique-t-il. Ces expérimentations rentreront dans le cadre d’un Observatoire national sur les cépages. « L’Inra et l’IFV doivent-ils aller au-delà de leurs rôles d’obtenteurs et étudier les innovations d’où qu’elles viennent ?» questionne-t-il.
Toujours, à propos des expérimentations, la question de l’organisation de la recherche est posée. Tout comme pour les maladies du bois en leur temps, il semble que les cépages résistants pâtissent d’une absence de coordination des différents programmes de recherche lancés. Cognac, Champagne, Bordeaux, Provence… : chacun expérimente sans concertation. Et Laurent Terregrosa de plaider pour le lancement « d’un programme national qui pourrait être coordonné par les instituts nationaux ».
Egalement présent, Loïc Breton, de la société VCR a, quant à lui, milité pour que l’Europe autorise l’édition génomique, technique de transgénèse à partir d’une même espèce. « Cela permettrait d’accélérer les créations végétales et la technique est au point» explique-t-il. Mais passer de l’hybridation naturelle à celle génomique sera-t-elle possible et acceptée ?
Les membres de Piwi France ne digèrent toujours pas la nouvelle règlementation en matière d’expérimentation qui a largement refermé les possibilités pour les viticulteurs de planter des résistants. Et la centaine d’hectares de résistants plantés en France va, sans doute, augmenter faiblement dans les prochaines années. Pour Patrice Bersac, de Piwi France, il faut aller sur le champ de la bataille juridique et explorer la légalité des textes. Quant à Vincent Pugibet, il souligne que les véritables responsables de cette nouvelle règlementation ne sont pas à Paris ou Bruxelles. « Nos problèmes sont locaux. Dans l’administration et les institutions, il y a des personnes qui bloquent. Quand on voit que l’on a inscrit des cépages grecs alors que la majorité des viticulteurs demandent des résistants. Il y a un vrai problème. »