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Revue de presse
Une très longue saison

Ce sera la dernière de huit années de revues de presse. La fin d’un cycle. Le début d’une nouvelle saison. Pour cette dernière, j’ai réservé un livre, pas n’importe lequel, « Les femmes et la vigne » de Jean-Louis Escudier. Jusqu’à la seconde guerre mondiale, les femmes ont massivement travaillé dans les vignes, mais ont été socialement discriminées et occultées. La mécanisation les en a chassées, et quand elles y étaient, elles étaient transparentes. Au détour des années 80 quelque-chose s’est fissuré. Les femmes retournent dans les vignes, rentrent dans les chais. Au revoir.
Par Catherine Bernard Le 24 juin 2016
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Une très longue saison
L

es femmes et la vigne

Une histoire économique et sociale

Jean-Louis Escudier

Presses Universitaires du Midi

370p, 25€

 

 

C’est un document qui tombe à une époque charnière et parle d’un temps (presque) révolu. Il dit que l’on, ou plus exactement que, pour ce qui est de la vigne et du vin, les femmes reviennent de loin. De très loin. Chargé de recherche au CNRS, Jean-Louis Escudier, fils d’un viticulteur et d’une viticultrice, socialement occultée comme l’ont été presque toutes les femmes, reconstitue dans un livre nourri d’archives, l’histoire économique et sociale des femmes dans la vigne, de la seconde moitié du XIXème siècle à nos jours. C’est aussi l’histoire d’un grand malentendu. Car les femmes, « les oubliées de la statistique », ont toujours travaillé la vigne et dans les vignes. Jusqu’à la seconde guerre mondiale, elles représentent même « une main d’œuvre pléthorique ». Pléthorique, mais socialement et statutairement invisible. Cette occultation épouse un autre mouvement, celui d’une viticulture productive, elle-même concomitante à la crise du phylloxéra. « La vigne abandonne son statut séculaire de culture rustique, complétant l’ordinaire des productions végétales frumentaires (…) Sa culture fait désormais l’objet de toutes les attentions : sélection des cépages, intensification des fumures, généralisation des labours tractés (…) Dès lors, la division sexuée des tâches s’accentue jusqu’à faire l’objet, selon les saisons, selon les types d’exploitation et selon les terroirs, d’une profonde différenciation », note Jean-Louis Escudier. Siècle de la révolution industrielle et de la famille nucléaire, le XIXème nous a durablement inscrits dans une drôle de notion du progrès. Reprenons. Les hommes ne furent jamais seuls à travailler dans les vignes. C’est même, quel que soit le statut, exploitant, ouvrier ou journalier, une histoire de couple, comme le boulanger et la boulangère, le boucher et la bouchère. « Aucun propriétaire ne s’aventurerait à contracter avec un homme célibataire ou veuf. Vers 1900 le contrat de vigneronnage est souvent signé devant notaire le même jour que le contrat de mariage ». Une histoire de couple et donc de division des tâches. Les hommes taillent, les femmes ramassent les sarments. Dans la lutte contre la pryale, les hommes « déplacent et surveillent la chaudière, pendant que les femmes munies de cafetières, aspergent l’écorce d’eau bouillante ». Les hommes greffent à la vigne, les femmes greffent les boutures dans les pépinières. Elles sont aussi « au cœur des vendanges », sollicitées pour la cueillette du raisin et l’intendance, mais elles ne pénètrent pas dans les chais où elles sont frappées d’interdit au prétexte que pendant leurs règles elles feraient tourner le vin. Jean-Louis Escudier défait le mythe : « L’exclusion des femmes du cuvier, du vendangeoir et du chai nous paraît relever d’une construction sociale qui s’ancre au cours de la seconde moitié du XIXème siècle. Curieusement c’est au moment où le corps médical dénie tout fondement scientifique à cet interdit social qu’il semble avoir été le plus revendiqué et instrumentalisé par les viticulteurs », observe Jean-Louis Escudier. Présentes dans les vignes, elles n’existent cependant pas dans la terminologie. Le chercheur s’amuse à relever que dans le Petit Larousse, « l’ouvrier est une personne qui œuvre, qui travaille, surtout pour autrui », mais « l’ouvrière », une fourmi ou une abeille. Arrive la première guerre mondiale. Les femmes prennent le relais des hommes et la place qu’elles y prennent leur vaudra reconnaissance. Exceptionnellement, elles représenteront 73% des récipiendaires du Mérite Agricole en 1920. Mais sitôt le retour des hommes à la terre, elles retourneront à la « négation » et à « l’infériorisation ». A « la force physique » des hommes s’oppose « le bavardage » des femmes. Et quand, par décès de l’époux, une femme devient de fait exploitante, elle « attend le gendre ». Jean-Louis Escudier dégotte cette anecdote qui rétrospectivement prend toute sa saveur: « La fête des vins, dont l’initiative revient à la rédaction de la Revue du vin de France revêt une ampleur considérable dès son origine en 1933. Le genre féminin y est largement sollicité,  à l’heure où les cercles oenophiles, dont la Paulée de Meursault, ne sont pas encore ouverts aux dames. L’élection d’une reine de la Fête des vins marque un temps fort des réjouissances. Si ces jeunes filles sont distinguées pour être les ambassadrices de leur terroir viticole, leur rôle se cantonne au paraître. Elles président les cérémonies, saluent le chef de l’Etat, qui honore de sa présence chacune de ces fêtes, mais restent muettes sur le vin et la vigne ». Après la seconde guerre mondiale, la mécanisation va, cette fois, numériquement marginaliser l’emploi féminin agricole. Et l’exclusion des chais reste hautement revendiquée. En la matière, il existe même « un florilège d’anthologie sexiste » qui perdure jusque dans les années 80. C’est là que quelque chose de cette division sexuée du travail commence à se fissurer. En 1992, pour la première fois les filles furent plus nombreuses que les garçons à intégrer l’Ecole nationale supérieure d’agronomie de Montpellier. La discrimination salariale à l’égard des ouvrières agricoles s’est amoindrie. Un vigneron au-dessus de tout soupçon de misogynie disait néanmoins il y a peu : « Je pense que le père du vin c’est le vigneron, et que sa mère, c’est la vigne ».

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