our les domaines Baron Philippe de Rothschild, s’il y avait un message à transmettre à la presse durant cette première semaine d’avril, ce n’était pas tant la qualité des primeurs 2015 que la renaissance du Château Clerc Milon (grand cru classé de Pauillac). Une annonce qui s’est matérialisée avec le lancement, ce 7 avril, de son second vin millésimé 2009. Baptisée « Pastourelle », cette nouvelle étiquette rend hommage à des danses médiévales légères (voir encadré).
Jusque-là gardée secrète, cette cuvée est le résultat « d’un projet de longue haleine, couronnant quarante-cinq ans de réaménagement. Pastourelle est conçu comme une introduction au premier vin, avec des assemblages plus gourmands et peut-être plus coquins », résume Jean-Emmanuel Danjoy, le directeur du Château Clerc Milon (propriété de BPR depuis 1970). 40 000 à 50 000 cols de ce second vin seront produits annuellement, pour 160 000 cols de premier vin (sachant qu’un troisième lot continuera à être utilisé pour les vins de marque de la baronnie, notamment Mouton Cadet).
Accessoires en volume, les seconds vins des grands crus de Bordeaux sont loin d’être anecdotiques dans la stratégie de marque. Il s’agit de fines pièces marketing, calibrées pour des réseaux sélectifs (CHR, cavistes, export…). « Le second vin est un vecteur de communication pour faire connaître le premier vin », pose Jean-Louis Triaud, gérant du Château Saint-Pierre (cru classé de Saint-Julien), qui lance 9 000 cols d’Esprit de Saint-Pierre (en exclusivité pour la maison Duclot sur le millésime 2014). Issus de sélection de jeunes parcelles, ces vins étaient jusqu’à présent réservés à la seconde cuvée de son autre propriété, Château Gloria (sous l’étiquette Château Pey-Martin*).
« Stratégiquement, il est intéressant de cumuler sur une image. C’est positif pour la reconnaissance de la marque », confirme le négociant Philippe Castéja (maison Borie-Manoux), sous la casquette de dirigeant du Château Batailley (cru classé de Pauillac). À l’occasion d’un dîner d’ouverture à la Semaine des primeurs, ce 3 avril, il en a présenté le second vin : Lions de Batailley. Cette fin d’année, Borie-Manoux commercialisera en exclusivité le millésime 2014 de cette nouvelle étiquette (4 000 caisses), le négoce ayant jusqu’à présent absorbé en vrac ces vins n’allant pas dans la première cuvée.
Pour Philippe Castéja, « un deuxième vin doit être une introduction au grand vin. Pour cela, il doit être dans le même style ». Une approche totalement opposée à celle du Château Clerc Milon, qui rejette toute idée d’avoir copié-collé le style du premier vin sur le second. « Nous avons cherché un style de Pauillac plus gourmand et accessible. Avec moins de profondeur et de grain de tanin que le premier vin », explique Frédéric Faure, le maître de chai du Château Clerc Milon. « On n’a pas les mêmes entrailles, donc on ne réalise pas les mêmes vinifications et élevages », rapporte-t-il, ajoutant que cette sélection permet de tirer l’assemblage du premier vin par le haut. Une précision qui a son importance, quand Château Cheval-Blanc fait l’événement en annonçant ne pas produire de second vin en 2015 (Petit Cheval). Ceci afin de profiter de tout le potentiel de ce millésime 2015, comme le dévoilait la revue Decanter fin mars.
* : À noter que les Châteaux Batailley et Clerc Milon ont agrémenté leur lancement d’un second vin par une dégustation verticale de leurs premiers vins. Face à la série 2005-2015 proposée par la baronnie, Philippe Castéja gagne haut la main, ayant fait remonter ses convives jusqu’en… 1881 !
** : Baptisé Château Pey-Martin, le second vin du Château Saint-Pierre doit son nom au fondateur du Château Gloria, Henri Martin. Le grand-père de Jean-Louis Triaud, qui n’envisage donc pas de changer de nom, malgré l’apparente incohérence marketing.
Terme médiéval, une pastourelle désigne une bergère et, par extension, les poèmes chantés et dansés racontant ses amours. « C’est une approche plus charnelle des chansons de geste », s’amuse Julien Sereys de Rothschild. Il souligne que l’étiquette de Pastourelle fait écho à celle des deux danseurs de la commedia dell’arte choisie par la baronne Philippine de Rothschild en 1985. À noter que le vignoble du Château Clerc Milon est toujours en cours de restructuration (avec 41 hectares). Mais le prochain projet majeur de BPR est la remise à neuf de l’appareil de vinification et d’élevage du Château d’Armailhac (cru classé de Pauillac).