Espagne

Sortir du carcan du cava avec un effervescent bio 0 %

La tendance mondiale en faveur des effervescents est telle qu’elle suscite ambitions et convoitises dans tous les pays producteurs. En Espagne, diversité accrue et améliorations qualitatives traduisent une volonté de répondre à cette demande. La gamme des cavas s’éloigne de plus en plus des seules cuvées signées Codorniu et Freixenet pour englober pléthore de petits producteurs et toutes les tranches de prix. En dehors du berceau du cava, en Catalogne, d’autres régions manifestent leur désir de surfer sur la vague des bulles. Faute de notoriété, elles doivent redoubler d’ingéniosité et d’imagination. C’est le cas de la société Bodegas Bocopa, basée à Alicante, qui vient de lancer Marina Espumante, une collection d’effervescents aux habillages accrocheurs et aux profils gustatifs originaux. Outre son packaging, sa particularité réside dans une déclinaison comprenant plusieurs teneurs en alcool différentes, y compris 0%. « Nous avons mis longtemps à mettre l’habillage au point », reconnaît Karine Jurado, responsable export de cette cave qui préfère se décrire comme l’acteur d’une « économie sociale » qu’une coopérative. « Au départ, nous nous sommes trompés. Nous avons utilisé une étiquette classique avant de nous orienter vers la bouteille métallisée ». Synonyme de fête qui rompt avec les codes classiques que l’on associe aux cavas, plutôt traditionnels en termes d’habillage à l’instar des Champagnes, la bouteille a l’avantage de se distinguer aisément en rayon ou dans les établissements du secteur CHR.  

La gamme comporte un 0% et un 7% issus du cépage muscat d’Alexandrie et un 10% en rouge et en rosé à base de monastrell. « Nous n’utilisons pas de procédé de désalcoolisation » insiste Karine Jurado, « les vins sont élaborés de façon naturelle avec arrêt de la fermentation par le froid ». Pour le 0%, les raisins sont issus de l’agriculture biologique, l’objectif étant d’élaborer à terme l’ensemble de la gamme en bio. Une volonté qui n’est pas sans poser quelques problèmes de certification à l’heure actuelle, d’où une mise en bouteille retardée, mais qui n’entame en rien les ambitions pour cette nouvelle marque. Grâce à une implantation forte sur le territoire national, les effervescents devraient être commercialisés pour plus de moitié en Espagne où leur prix de vente consommateur se situera autour de 5 euros la bouteille. Le positionnement est plus élevé en dehors du marché espagnol : aux alentours de 12-15$ aux Etats-Unis et de 7-8 euros dans des pays européens comme la Hollande. « Nous sommes positionnés au dessus du prix du cava parce que celui-ci ne génère pas de bénéfices », estime-t-on chez Bodegas Bocopa. La cave est optimiste quant au potentiel commercial du 0% : « Tout le monde a envie de se faire plaisir, quel que soit le pays de consommation », martèle Karine Jurado, qui laisse entendre que le développement d’une gamme de pétillants est également à l’étude au sein de la cave. « C’est un très bon créneau », estime le responsable export qui précise que « nous travaillons tous les jours sur de nouveaux produits ».

Si Bodegas Bocopa en est arrivé là, ce n’est pas par hasard. La cave illustre bien une prise de conscience parmi les producteurs espagnols de la nécessité d’innover et de monter en gamme. « Il y a trente ans, le vignoble était dans un triste état. Malgré un potentiel qualitatif certain, nous étions donc condamnés à commercialiser nos vins en vrac ». Aujourd’hui, avec 1 000 hectares de vignes dont 325 ha en bio, la cave vend quasiment toute sa production en bouteilles, soit 4 millions de cols. Ce succès, elle le doit pour beaucoup à la marque Marina Alta, prédécesseur de Marina Espumante.  « Cette marque, lancée en 1991, a fait la réputation de l’entreprise », explique Karine Jurado. « Nous sommes passés de 20 000 litres au départ à 1 million de bouteilles en 2015. Nous continuons d’augmenter la production de ce vin 100% muscat d’Alexandrie pour répondre à la demande mais souhaitons que notre développement passe désormais par Marina Espumante. Nous aurions d’ailleurs voulu lancer d’emblée un effervescent, mais n’en avions pas les moyens. L’élaboration d’un effervescent est très coûteux ». Qu’à cela ne tienne, il y a fort à parier que les effervescents espagnols n’ont pas dit leur dernier mot…