La RVF lui consacre un dossier avec « 20 vignerons à découvrir absolument ». Ainsi que Vitisphere. Le site met en exergue « un secteur qui s’est fortement professionnalisé et internationalisé ». Sharon Nagel a traîné son crayon dans les allées de Millesime Bio et dresse un état des lieux circonstancié. Le vin bio séduit « des opérateurs du monde entier qui raisonnent, non pas en centaines de bouteilles destinées à de petites boutiques spécialisées, mais en millions », observe la journaliste. Sharon Nagel a rencontré Sebastian Beemelmans, responsable export chez Peter Riegel, pionnier dans l’importation de vins bios en Allemagne. Ce dernier pointe : « Désormais, les GMS conventionnelles allemandes commencent à développer un vrai rayon bio. On assiste de plus en plus à la mise en place du concept de ‘magasin dans un magasin’. C’est chic et beau. Il faut que le rayon soit attirant et convaincant – c’est le cas en Allemagne mais pas en France ». Le développement des bio est à deux chiffres aux USA. Du côté des producteurs, « la préservation du patrimoine variétal représente bien souvent un leitmotiv ». Le succès est tel que selon Jacques Frelin, il faudra de nouveau encourager les conversions en agriculture biologique. « Une vague de vins bios issus des dernières conversions est arrivée sur le marché il y a environ 2 ans. Mais ils sont en train d’être absorbés et ne rencontrent pas de problèmes de commercialisation. Le marché bio continue de se développer. En l’absence de nouvelles conversions, on pourrait manquer de vins bios dans certaines catégories d’ici quelques années ». Le journaliste viticole Hervé Lalau confirme lui aussi dans son blog l’internationalisation du vin bio. « Avec plus de 4.500 visiteurs uniques, et malgré un contexte difficile, la 23ème édition de Millésime Bio a confirmé l'attractivité de ce salon, notamment auprès des étrangers, qui représentent à présent plus de 25% des visiteurs. Les Belges, les Néerlandais, les Allemands et les Scandinaves sont les plus représentés ».
Labelliser bio ou pas ?Dans le Huffington Post Fabrizio Bucella pose la question qui a longtemps tué : « Le vin bio est-il meilleur ? ». Il nous renvoie à un document de travail de l'American Assocation of Wine Economists (AAWE). Et rapporte : « Les auteurs, issus de l’Université de Californie à Los Angeles (Magali A. Delmas et Jinghui Lim) et de la Kedge Business School de Bordeaux (Olivier Gergaud), rendent compte d'un travail récent. Les notes de dégustation produites par trois revues anglo-saxonnes ont été compilées pour évaluer la qualité de 74.148 vins californiens produits entre 1998 et 2009 (Wine Advocate, Wine Spectator et Wine Enthusiast). Les notes de ces vins sont comparées avec les données des associations qui certifient la qualité biologique et biodynamique des vins afin d'établir une éventuelle corrélation statistique si le vin est certifié (California Certified Organic Farmers et Demeter). La conclusion des auteurs est sans appel: la certification bio a un effet statistique significatif sur la qualité des vins, c'est-à-dire sur le jugement qui est rendu par les experts ! Cela bat en brèche le sentiment, plutôt diffus outre-Atlantique et moins en France, que les vins bios seraient de moins bonne qualité ». Cette étude soulève in fine une autre caractéristique de cette conversion: « Les deux tiers des exploitations californiennes certifiées bios ne mettent pas le logo sur l'étiquette ». Les explications, car elles sont plusieurs, ne manquent pas d’intérêt : « Les experts ne représentent pas le dégustateur moyen (le fameux ''homme de la rue'' dont me parlaient les professeurs à l'université). Les experts seraient plus ouverts à l'innovation et plus sensibles aux arguments des producteurs qu'ils connaissent mieux ». Fabrizio Bucella conclut par une citation : « Le socle des arômes dans le vin ce sont les minéraux dans le sol. Le recours à la chimie dans le sol bouleverse ces minéraux. La seule voie pour exprimer réellement le terroir est de cultiver un sol sain ». On pourrait métaphoriquement prolonger : « Un esprit sain dans un corps sain ».
L’ère de l’écolonomieC’est un nouveau mot qui fait cette semaine son apparition dans l’actualité : « l’écolonomie ». De la conférence tenue à Paris par Gérard Mermet, directeur du cabinet d’étude Francoscopie, pour le Ceres (Cercle de réflexion pour une fertilisation efficace et responsable), Vitisphere retient : « On est entré dans l’ère de « l'écolonomie » contraction entre écologie et économie. Les préoccupations environnementales sont de plus en plus exprimées et larges : ne pas polluer mais aussi ne pas gaspiller, partager, recycler faire des achats groupés, du troc, du partage. Ils consomment collaboratif grâce aux blogs, réseaux sociaux, sites de partage ». Et, selon le sociologue, « l’économie collaborative ne sera pas qu’un feu de paille ». L’écolonomie n’est pas le seul vocable créé pour traduire cette évolution structurelle. S’ajoutent : « développement durable mais aussi économie circulaire, traçabilité, commerce équitable, croissance verte, agriculture raisonnée, agroécologie ». Toujours selon le sociologue cité par Vitisphere : « Les produits alimentaires montent en gamme. Il y a une prise de conscience croissante sur l’importance du bio, du lieu où l’aliment a été produit. Les consommateurs raisonnent « légitime dépense, parlent non seulement de rapport qualité/prix mais de plus en plus de valeurs/coûts. « Ils sont dans l’idée que nous n’héritons pas de la terre de nos parents mais nous l’empruntons à nos enfants ». On attend le jour où les chambres d’agriculture remplaceront « les exploitants agricoles » par un nouveau vocable. Le retour des paysans ? D’une certaine manière Le Monde enfonce le clou. Rémi Barroux signe un reportage à Bordeaux. D’abord chez les vignerons coopérateurs de Tutiac à Marcillac en Gironde. « Bien visible en bordure de vignes, l’hôtel à insectes, une petite maison de bois aux alvéoles comme autant de chambres destinées à accueillir diptères, abeilles isolées ou encore chrysopes, des insectes délicats aux ailes translucides. Au sol, l’intense végétation, phacélie, rumex et trèfle incarnat, témoigne de la volonté de laisser la biodiversité s’exprimer entre les rangs de ceps. De son côté, « le Comité interprofessionnel du vin de Bordeaux (CIVB) présentait dans la capitale girondine, mercredi 20 janvier, son « Rapport de développement durable 2015 », lors du 8e Forum environnemental de la filière des vins de Bordeaux ». Selon Rémi Barroux, « le premier poste de réduction (− 22 %) a porté sur les matériaux utilisés et, d’abord, le poids de la bouteille traditionnelle, réduit de 550 g à 450 g ». Il y a trois ans, le journaliste britannique Tim Atkin annonçait dans ses vœux ne plus vouloir goûter de « lourdes bouteilles ». Souvent nécessité fait loi. Les producteurs de Bordeaux admettent volontiers que « la plainte de Valérie Murat, dont le père, viticulteur girondin, est mort en décembre 2012 d’un cancer et « la cohabitation délicate avec les riverains », ont beaucoup contribué à cette prise de conscience. Vingt-trois enfants et leur enseignante avaient été pris de malaises, le 5 mai 2014, après l’épandage de fongicides sur des parcelles voisines de leur école, dans le Blayais. Autre exemple, cité cette fois par Vitisphere : la maison de Champagne Drappier. « La société EcoAct vient de certifier la Maison comme n’émettant pas de carbone. Le Champagne Drappier s’est engagé dans une démarche de réduction de ses émissions de carbone depuis 10 ans », prolongement du travail bio à la vigne. Nous entrons dans une nouvelle ère.