u téléphone, Christophe Lacarin a une voix posée et calme. Aucune nervosité ne se dévoile malgré les événements qui ont secoué sa propriété le 14 janvier dernier. « Ce jour-là, un jeune couple est venu me rendre visite sur l’exploitation pour visiter la cave. Ils ont goûté les vins. Puis, la jeune femme a demandé si elle pouvait acheter quatre bouteilles. J’ai refusé car légalement, je n’ai pas le droit de commercialiser du vin en mon nom propre. Elle a insisté et… j’ai craqué » se souvient-il. Alors qu’il raccompagne le couple, il voit débarquer « plusieurs voitures de police et un minibus, moteur ronflant. Des hommes cagoulés et armés de kalachnikovs sont sortis, et nous ont arrêté, ma femme et moi». Christophe Lacarin s’est fait prendre à un piège tendu par l’administration fiscale.
Celle-ci lui confisque son matériel viticole et 20 000 L de vin. Elle lui notifie également qu’elle le soupçonne de production illégale, de vente de gros volumes sans licence, sans certificats de qualité et sans acquittement de la taxe imposée sur les vins.
Le vigneron réfute en bloc toutes ces accusations et fait le lien entre la descente du fisc et des projets immobiliers. « Le domaine est situé à 12 minutes de la mer » explique-t-il. Or certaines vignes ont fait l’objet dans un classement municipal en terrain immobilier, classement qui reste suspendu, depuis 2009, à la validation par l’administration régionale. De quoi contrarier, certaines velléités immobilières locales.
Par ailleurs, ce n’est pas la première fois que Christophe Lacarin doit affronter des difficultés. Ses vignes ont été victimes de 23 incendies criminels depuis son installation en 2006. Du coup, sur les 132 hectares qu’il loue, il n’en exploite que 45 hectares. « Sur certaines parcelles incendiées auxquelles je tenais, j’ai bien tenté de reformer les ceps. Mais ces parcelles ont été incendiées une seconde fois » explique celui, qui, en mai dernier, a pris un incendiaire sur le fait. Et ce n’est pas au tribunal que Christophe Lacarin va recroiser l’homme car, « je n’ai jamais réussi à le faire condamner », mais devant son domaine, ce fameux 14 janvier. « Lors de telles opérations, il faut que deux témoins issus de la société civile soient présents. C’était l’un d’entre-eux » assure-t-il.
Reste que Christophe Lacarin n’utilisait pas les voies administratives classiques, reconnaît-il. En effet, la législation impose des normes drastiques aux producteurs de vin, qui rend l’existence de petit producteur quasi-impossible. « Il faut être équipé d’un laboratoire répondant à des normes, avoir du personnel formé pour utiliser ce matériel » cite-t-il en exemple. Le vigneron a donc cherché dans le droit ukrainien comment produire sans être inquiété. Et, c’est avec l’appui de la juriste de la sous-direction des accises d’Odessa qu’il est parvenu à réaliser un montage juridique dans les clous, comprenant une longue liste de contrats de location de vigne, de sous-location de vigne, de location de cave, de location de matériel ainsi qu’un contrat de conseil à la production. Et Christophe Lacarin d’ajouter : « tout le monde était au courant de ce montage juridique ».
L’intervention du fisc ukrainien a déclenché un fort intérêt des médias ukrainiens et internationaux. Elle a ému jusqu’au gouverneur de la région, Mikheil Saakachvili, ancien président de la Géorgie. Ce dernier a provoqué une réunion extraordinaire des dirigeants du fisc, du parquet et de la police afin de faire la lumière sur cette histoire. Il faut préciser que Christophe Lacarin n’est pas le premier homme d’affaires à devoir affronter les pressions du fisc.