ouant les cobayes, les domaines expérimentaux de trois lycées viticoles aquitains s’essaient à la technologie des panneaux récupérateurs depuis 2013, avec le soutien du SRAL et du Vinopole. Sur la dernière campagne, ont été mis à contribution de cette expérience de transfert 7 hectares du château Dillon (Haut-Médoc), 7 ha du château de La Tour Blanche (Sauternes) et 5 ha du château de La Brie (Bergerac). Au-delà des retours d’expériences techniques et pratiques, ce dispositif permet également d’étudier les impacts économiques de cet investissement, à l’échelle des trois exploitations scolaires. Dans le cas pratique du château Dillon, les coûts de traitement entre pulvérisations standard et confinés sont identiques.
En 2015, le coût d’un traitement est en effet de 98,7 €/ha avec son pulvé pneumatique classique (en dose pleine, amorti sur 40 ha) et de 99 €/ha avec les panneaux récupérateurs (amorti sur 20 ha, pour un taux de récupération de 43 %*). Comme le montre le graphique ci-dessous, les panneaux récupérateurs permettent de réduire de moitié les coûts d’intrants, tandis que doublent presque les coûts d’amortissements du matériel, du carburant, de la main d’oeuvre… Les panneaux récupérateurs Dhugues porté traitant 3 rangs au lieu de 6 pour le pneumatique Eole, le débit de chantier est divisé par deux et entraîne davantage de consommation de carburant (alors que la consommation instantanée est moindre). « Pour la pulvérisation confinée, les économies de produits phytosanitaires permettent ici de compenser les charges et investissements plus élevés. Mais cela dépend des exploitations et peut être moins vrai pour des parcours phytos moins chers » résume Cécile Moulis (chargée d’expérimentation aux lycées viticoles publics de Gironde), lors de la matinée technique du château de la Tour Blanche, ce 19 novembre à Bommes.
Graph : performances économiques Dillon 2015
Cette même campagne, les résultats économiques du château de La Tour Blanche confirment la pertinence économique de la pulvérisation confinée. En 2015, le coût d’un traitement est en effet de 92,7 €/ha avec son pulvé pneumatique classique (en dose pleine) et de 85 €/ha avec les panneaux récupérateurs (pour un taux de récupération de 48 %). Avec un prix d’achat de 32 000 € (dont 12 000 € subventionnés, voir encadré), les panneaux Dhugues traînés ne sont pas bien plus chers que le pneumatique face par face Jaguar (20 000 € la seule cellule de pulvérisation, moins 3 200 € subventionnés).
Donnant des premières indications de rentabilité, ces résultats sont encourageants pour les panneaux récupérateurs. Mais ils doivent être relativisés et ne pas être transposés tels quels, dépendant des hypothèses de modélisation et des cas particuliers. Et il ne faut pas oublier de confronter ces résultats expérimentaux à des cas de figure plus proches de la réalité. Comme l’explique Cécile Moulis, si une propriété allie pulvés confinée et standard pour optimiser sa protection phyto, il y a toujours un surcoût dans son traitement à l’hectare. Le surcoût peut évidemment être réduit en optimisant l’utilisation des panneaux récupérateurs, mais doit être pondéré par les contraintes pratiques de chaque exploitation.
Chaque domaine étant un cas particulier, la Chambre Agriculture de Gironde développe actuellement un programme de modélisation pour prévoir les impacts économiques de tout achat d’appareil de pulvérisation. « Ce sera un outil pour que chaque viticulteur puisse se rendre compte des coûts, avant de faire un investissement onéreux » explique Patrick Vasseur, vice-président de la CA 33, qui avertit que les producteurs ne doivent pas être pris de court sur cette question. Il prévient en effet qu’avec le plan « Ecophyto 2, ce n’est pas que l’eau qui sera contrôlée, mais aussi le sol et l’air. Il faut aller vers des traitements avec 0 % de dérive. »
* : Les résultats économiques sont précisément conditionnés. La durée d’amortissement est fixée à 7 ans, les frais d’entretien sont de 13 % de la valeur d'amortissement, le coût de la main d’oeuvre est de 19 €/heure…
Une conférence sur la pulvérisation comme levier à la réduction des produits phytosanitaires est organisée par l'Irstea sur le Sitévi, le 26 novembre à 10h.
Valable jusqu’en 2016, le Plan de Compétitivité d’Adaptation des Exploitations Agricoles en Aquitaine propose une aide graduée pour l’investissement dans des pulvérisateurs. Plafonné à 12 000 €, le taux de subvention est fixée à 40 % du coût d’achat de panneaux récupérateurs. Ce qui permet en partie de « compenser le différentiel de prix allant du simple au double entre un pulvé standard (15 à 20 000 euros) et des panneaux récupérateurs (30 000 €) » rapporte Yann Montmartin, le responsable des problématiques phytosanitaires pour la Chambre d'Agriculture de Gironde. Généreuse, cette subvention porte ses fruits. En 2015, Yann Montmartin a enregistré une dizaine de demandes de subventions, alors qu’auparavant, il en recevait plutôt une ou deux par an. « On sent que la filière viticole arrive à maturité : depuis l’an dernier la demande pour les panneaux récupérateurs semble progresser » confirme Sygrid Launes, de la DRAAF (qui a incité les lycées viticoles d’Aquitaine à cette expérimentation en conditions réelles). Elle se rappelle qu’au début du plan Ecophyto, les services de l’Etat communiquaient beaucoup sur l’importance des réglages des matériels. Maintenant, c’est l’évolution même des agro-équipements qui est à l’ordre du jour, « pour concilier performance technique, environnementale et sociale. La nouvelle version du plan Ecophyto l'a bien compris en renforçant la place des agroéquipements pour atteindre l'objectif de réduction de l'utilisation, des risques et des impacts des produits phytosanitaires » ajoute-t-elle. « L’intérêt de la pulvérisation en panneaux récupérateurs, ce n’est pas de récupérer un maximum de préparations, mais d’appliquer le mieux » conclut Amélie Rochas, directrice adjointe au développement des lycées viticoles de Bordeaux-Gironde.