lors que les vendanges 2015 touchent à leur fin, et promettent un millésime mémorable, la cave coopérative de Saint-Emilion se creuse la tête. « Il faut trouver les moyens d’attirer plus de nouveaux coopérateurs » résume Alain Naulet, le directeur général de l’Union des Producteurs de Saint-Emilion (UDPSE). Les résultats commerciaux de la coopérative sur la campagne 2014-2015 auraient pourtant de quoi apaiser les dirigeants les plus soucieux, mais le repli ininterrompu des surfaces apportées à la cave pèse sur l’avenir de l’UDPSE.
Et pousse à de véritables tempêtes sous les crânes.
Les performances commerciales restent précaires face aux enjeux d'approvisionnementSur l’année mobile s’achevant au 31 juillet dernier, l’UDPSE a en effet réalisé un chiffre d’affaires consolidé de 30,2 millions d’euros (en hausse de 26 % par rapport à 2014-2015), avec 25 millions € pour l’UDPSE et 4,8 millions € pour sa filiale de négoce, Artevino (commercialisant uniquement des bouteilles, respectivement 4,5 millions et 500 000 cols). Des performances qui témoignent d’une politique commerciale efficace, portée par la croissance de l’export (qui pèse pour 47 % de l’activité de l’UDPSE) et l’ouverture aux foires aux vins d’Artevino (qui a vu ses volumes bondir de 66 % sur l’année).
Mais une baisse de l’activité est déjà annoncée pour la campagne 2015-2016, trou d’air de la petite récolte 2013 oblige. L’UDPSE n’ayant pas encore commencé à la commercialiser ses vins de 2013, les 30 % de pertes de récolte devraient durement se faire sentir. Au-delà de ce déficit conjoncturel, c’est un manque structurel qui préoccupe la direction de l’UDPSE. « On commence à manquer de vins » résume Alain Naulet. « Notre problème, c’est d’avoir une commercialisation acquise pour plus d’hectares. Aujourd’hui nous en traitons 750 hectares, nous pourrions en vendre pour 900 ou 1 000 ha » précise-t-il.
Si l’UDPSE se réjouit de voir 52 hectares de vigne rejoindre son potentiel de production en 2014, elle constate la perte d'une centaine d’hectares sur la dernière décennie. Les raisons de cette effusion ? Il n’y aurait qu’un cas de figure pour Alain Naulet : « la cessation d’activité et la vente auprès de voisins non-coopérateurs. Nous sommes les victimes du prix du foncier. Aujourd’hui une propriété se vend 250 à 300 000 €/ha. »
Du renouveau coopératif pour redevenir attractifComme nombre d’autres coopératives, l’enjeu pour l’UDPSE est le développement de son attractivité sur le long terme. En pleine réflexion, la cave de Saint-Emilion multiplie les pistes, allant des modalités de paiement avantageux pour les nouveaux entrants aux possibilités offertes en terme de portages par les Sociétés d'Aménagement Foncier et d'Etablissement Rural (SAFER). Son autre filiale, la SCEA les vignobles d’Artevino, gère également 30 hectares de vignobles, et lance des partenariats de fermage avec des investisseurs de Groupement Fonciers Agricoles (aujourd’hui 2 propriétés ont fait ce choix, pour 6 hectares).
Surnommée « les filles de la misère » à sa création en 1931, la cave coopérative de Saint-Emilion se retrouve désormais confrontée à une activité viticole rémunératrice, portée par la valorisation des AOC et la professionnalisation des travaux à la vigne et à la cave. « Tous ceux qui vendent en vrac devraient être dans la cave coopérative » estime Alain Naulet, qui reste persuadé de la pertinence du modèle coopératif pour la valorisation des petites surfaces.
La cave de Saint-Emilion réunit actuellement 145 adhérents, leur reversant en moyenne 13 millions d’euros par an (pour 36 000 hectolitres produits). Si l’ensemble représente 12 % de la production des AOC Saint-Emilion et Saint-Emilion Grand Cru, l’UDPSE est tout au plus une PME selon Alain Naulet. Convenant être passé à côté de la création d’un véritable groupe. Avec son approche des caves coopératives voisines de Puisseguin et Montage (qui ont préféré fusionner entre elles au printemps dernier), l’UDPSE aurait en effet pu voir ses volumes bondir à 100 000 hl. « Des personnes n’ont pas prix la mesure de l’importance du projet » conclue-t-il, se projetant sur d'autres projets, non moins ambitieux.
L'adaptation en attendant l'évolutionEn attendant un rebond de l’attractivité coopérative, les stratégies commerciales s’adaptent à ses volumes restreints. « Dans la mesure où nous manquons de vins, aujourd’hui, la seule possibilité de dégager une marge supplémentaire, c’est de trouver de nouveaux clients, en dehors des marchés récurrents (qui pèsent pour 95 % de notre activité). Mais il ne faut pas tout casser, les marchés historiques sont compliqués, mais rassurants » nuance Alain Naulet. A l’export, ses principaux marchés restent ainsi historiques : l’Allemagne, le Royaume-Uni, la Belgique, le Canada et la Chine (par ordre d’importance). Et l’UDPSE tente des incursions sur les marchés prometteurs (actuellement le Cameroun, après des essais infructueux au Brésil ou en Italie).
Pour se distinguer, l’UDPSE préfère miser sur son AOC emblématique, ses marques et sa collection de normes témoignant de sa traçabilité pointue. Aux normes ISO, IFS et BRC, s’ajoutent désormais celle d’Opérateur Economique Agréée, décernée par les Douanes et signifiant une simplification documentaire pour le grande export. « On est audités dix fois par an » s’amuse à souligner Anne-Sophie Larvor (responsable de la communication et du marketing de l’UDPSE), qui n’oublie pas l’importance du marché français. En dehors de la grande distribution, la coopérative maintient également son réseau traditionnel, tout en développant la vente directe (1,2 millions euros). En terme d’oenotourisme, « nous misons sur la pédagogie pour l'instant. L'oenotourisme en tant que projet stratégique, viendra dans un second temps, d'autres enjeux sont actuellement prioritaires » ajoute Anne-Sophie Larvor.
[Photos : Vendanges 2015, Alain Naulet, Cuverie inox, Chai d'élevage ; UDPSE]