Surpris par la relance gouvernementale du projet de Lignes à Grande Vitesse reliant Bordeaux à Dax et Toulouse, le vignoble bordelais reprend du poil de la bête maintenant que ses vendanges sont achevées. Partisans du principe de précaution, les vignerons de Sauternes et Barsac craignent que les ponts et ouvrages d’art du projet actuel perturbent les équilibres agroclimatiques de leur fleuve emblématique, le Ciron. Le Grand Projet Ferroviaire du Sud-Ouest (GPSO) serait l’épée de Damoclès mettant en péril les brumes permettant le bon développement de la pourriture noble, typique des vins liquoreux de Sauternes. Pour trancher la question, Laurent Gapenne (président de la Fédération des Grands Vins de Bordeaux) n’est pas loin de se montrer vindicatif. Dans un communiqué, il réclame « du porteur de projet qu’il nous apporte […] une étude approfondie des conséquences du projet sur le régime hydrologique et climatique local ».
Si le représentant du vignoble est prêt à taper du poing sur la table pour être « véritablement pris en compte par ce projet », Réseau SNCF (maître d’oeuvre du GPSO), fait savoir qu’il a posé sur la table une étude répondant à ces inquiétudes et questions. Publié discrètement ce 12 octobre, ce rapport a été finalisé en juillet, faisant suite à l’engagement de Réseau SNCF pris en mars dernier (à la suite de la publication de l’enquête d’utilité publique). Unanimement, les trois bureaux d’études mandatés « concluent à l’absence d’impact prévisible pour les AOC Sauternes et Barsac, tant sur le climat, que de manière indirecte sur le régime des eaux du Ciron », comme le résume réseau SNCF. D'après leurs modèles et recherches bibliographiques*, les experts minimisent en effet l’impact des ouvrages de franchissement sur l'écoulement du Ciron et son effet sur les phénomènes d’inversion de températures (et du brouillard propice à la pourriture noble).
A noter que la FGVB ne demande pas l’arrêt du projet, mais l’établissement d’un tracé alternatif, épargnant les terroirs viticoles.
* : « La localisation de la LGV à environ une dizaine de kilomètres de ces appellations n'aura pas d'impact décelable sur les microclimats de ces terroirs » pose le laboratoire universitaire Terra Clima (Rennes, Ille et Vilaine). « Les analyses effectuées à ce stade ont montré que le projet de LGV n’aurait pas d’impact (autre que local) sur l’hydraulique du Ciron. La LGV projetée ne peut donc avoir d’incidence pour ce qui est de la contribution du Ciron à la formation et la dissipation des brouillards à l’origine de la moisissure noble » ajoute Artelia (Le Haillan, Gironde). « Les impacts, qui devraient être minimes, seront encore plus atténués concernant les débits automnaux du Ciron au droit des vignobles AOC » conclut GéoDiag (Gan, Pyrénées Atlantique).
[Photo : Travaux cet été sur le pont rail de la ligne Reims-Epernay ; Réseau SNCF]