Il y a un risque différent de cancers en milieu agricole par rapport au reste de la population » a expliqué Pierre Lebailly. L’expert du centre de lutte contre le cancer François Baclesse s’est exprimé le 13 octobre lors du colloque Ecophyto Recherche organisé à Paris par le ministère de l’Agriculture et l’Inra.
L’étude Agrican en France (menée sur plus de 180 000 affiliés au régime agricole) et l'étude AHS aux Etats-Unis (plus de 50 000 agriculteurs) montrent que les agriculteurs sont globalement moins atteints de cancers que le reste de la population.
Par exemple, les hommes travaillant en milieu agricole ont moins de cancers pulmonaires, de la vessie et du colon Cependant, on observe chez eux un excès de cancers de la prostate, des cancers hématologiques et, dans une moindre mesure, du cancer des lèvres.
Y-a-t-il un lien avec l’exposition aux pesticides ? « C’est difficile à établir. Certaines maladies sont complexes. De même, les expositions sont complexes et encore mal définies. Il faut améliorer les outils épidémiologiques », a reconnu le chercheur. D’où la nécessité de mettre en place des projets collaboratifs.
C’est l’objectif de l’étude Agricoh qui vise à établir si l’exposition aux pesticides augmente le risque de lymphome et de leucémie sur une population de plus de 300 000 agriculteurs en France, aux Etats-Unis et en Norvège. Les données sont encore en cours d’analyse, mais les résultats préliminaires montrent que l’exposition à certains insecticides et herbicides est associée à un risque accru de cancers lymphatiques hématopoïétiques.
A la lecture des derniers résultats Agrican, l’élevage porcin et le recours aux insecticides pour désinfecter les locaux des élevages bovins favoriseraient les cancers de la prostate. Les cancers pulmonaires quant à eux paraissent plus fréquents chez les individus amenés à récolter des pois fourragers mais aussi dans l’arboriculture, la production de légumes et les cultures sous serres.
Pour l’instant, les chercheurs n’ont mis en évidence aucun lien entre la viticulture et l’augmentation du risque de certains cancers. « C’est assez surprenant », nous a glissé en aparté Pierre Lebailly. Mais les études se poursuivent.
Christelle Stef La Vigne - Vitisphere
Encadré : L’analyse des cheveux : un bon indicateur
Brice Appenzeller, de l’institut de santé au Luxembourg, a montré que l’analyse des cheveux est plus pertinente que l’analyse d’urine pour évaluer l’exposition chronique aux pesticides. Il a comparé les résultats de ces deux analyses sur 31 volontaires, et il apparaît que les prélèvements effectués dans les cheveux rendent mieux compte de l’exposition des sujets. « Cela permet de couvrir une période plus large », a-t-il ajouté. Sur 93 femmes enceintes, la même expérience a mis en évidence la présence dans leurs cheveux de 18 résidus de pesticides différents sur une quarantaine recherchés.