vec des maturités alcooliques et phénoliques prometteuses à l’échelle du vignoble français*, le millésime 2015 est marqué par de petites acidités totales. Et de faibles concentrations en acide malique qui ne manquent pas d’inquiéter les vinificateurs. « On trouve un peu partout des acidités totales vraiment basses, inférieures à 1,5 g/l. En Côtes du Rhône, il y a des grenaches qui ont des concentrations en acide malique inférieures à 0,5 g/L : je n’avais jamais vu ça ! » témoigne Federica Carta, la référente oenologique du groupe Soufflet Vignes. Témoignant de cette tendance nationale, le fournisseur rapporte déjà des achats de sécurisation sur le bassin méridional (Languedoc-Roussillon et Vallée du Rhône).
Face aux faibles concentrations d’acide malique, la crainte croit dans les chais de difficiles lancements de Fermentations Malolactiques (FML). « Il est vrai que la concentration d’acide malique est très basse, mais il n’y a pas de problèmes. Au contraire, moins il y en a, mieux c’est ! » pose, en toute confiance, le consultant Michel Rolland. Faisant face à une maturité qu’il n’avait plus vu depuis 2010, l’oenologue bordelais estime « sans preuve scientifique, mais avec de nombreux constats, que les malos ne sont plus compliquées dans ces conditions. »
Le déclenchement de la FML devient problématique à moins de 1g/l d’acide malique estime, plus prudent, Olivier Pillet, le responsable développement microbiologique pour l’Institut Oenologique de Champagne. Il n’en reste pas moins optimiste : « il va y avoir des cas problématiques, mais la réalisation de la FML est multifactorielle. Cela ne dépend pas que de l’acide malique, mais aussi du degré d’alcool, des polyphénols inhibiteurs, du sulfitage des moûts… » Il conseille ainsi d’ajouter des nutriments riches en polysaccharides pour réduire la toxicité de certains composés polyphénoliques (en les enrobant). Comme il préconise d’apporter des nutriments reches en acides aminés pour soutenir l’activité bactérienne (notamment des acides aminés). Et cette optimisation nutritionnelle du milieu peut être réfléchie dès la nutrition des levures. « Pour éviter leur surpopulation, qui conduirait à des carences pour les bactéries, il vaut mieux privilégier l’apport d’azote organique à celui en ammonium pendant leur phase de croissance » conseille Olivier Pillet.
« C’est un millésime comme 2003, il faut maîtriser les fermentations alcoolique et malolactique pour obtenir de bons vins » prévient également Federica Carta. Pour maîtriser ce millésime, il est selon elle indispensable d’inoculer bactéries et levures. Et, « surtout, de le faire suffisamment ! Sinon il y a des risques d’installation d’autres bactéries et d’apparition de défauts aromatiques, surtout sur des malos qui risquent de traîner » prévient-elle.
Au vu des caractéristiques délicates du millésime, l’inoculation séquentielle devrait être privilégiée dans le vignoble, au détriment de la co-inoculation qui demande encore plus de rigueur et de suivi. Dans le cas d’une inoculation séquentielle sur des moûts à mois d’1 g/L d’acide malique, la durée d’acclimatation des bactéries doit être modulée précise Olivier Pillet. Il conseille de réduire ce temps « de 6 à 8 heures, au lieu de 18 à 24 h ».
Au delà des modalités d’introduction, la question du choix de la souche bactérienne selon le profil produit visé prend également une importance croissante, les fournisseurs étant désormais en mesure de donner des indications à ce sujet.
* : sauf dans de rares cas de pression Botrytis hâtant les vendanges, comme certaines syrahs en Languedoc.
[Photo d'inoculation bactérienne directe : Chr Hansen]