a stupéfaction se dispute à la consternation dans le Sud-Gironde : le projet de Lignes à Grande Vitesse (LGV) reliant Bordeaux à Dax et Toulouse vient d’être relancé, unilatéralement. Et avec une soudaineté qui attise les inquiétudes, l’impact des infrastructures ferroviaires sur la vallée du Ciron étant inconnu. Le risque pèse d’autant plus que la rivière montre en ce moment même son action de machine bioclimatique viticole, permettant le bon développement de la pourriture noble sur les raisins. Un phénomène indispensable à la production de vins liquoreux de Sauternes, où les premières tries ont commencé. Passant outre l’avis défavorable de l’enquête publique, « le gouvernement a décidé de poursuivre la procédure Grand Projet Ferroviaire du Sud-Ouest (GPSO) pour les LGV Bordeaux-Dax et Bordeaux-Toulouse, en saisissant pour avis le Conseil d’Etat » vient de poser le ministre des transports, Alain Vidalies, via son compte Twitter.
Cette annonce laconique est un « violent » et « terrifiant » déni de démocratie pour Xavier Planty, le président du syndicat viticole de Sauternes. Visiblement sous le choc, le co-propriétaire du château Guiraud est attristé par « une décision politique qui rejette toute logique écologique. Ils partent du principe que si l’on arrache un arbre, il suffit de le replanter. Mais on sait que les choses sont liées de manière bien plus complexe… » Craignant un effet domino, aussi dévastateur qu’irréparable, les représentants du vignoble semblent pour l’instant atterrés. Comme hébétés par cette décision gouvernementale. A Bordeaux, des acteurs politiques estimaient ainsi que le projet de LGV ne serait pas exhumé avant les élections régionales (6 et 13 décembre 2015).
« Le rouleau compresseur est en marche » alerte Dominique Guignard, le président du syndicat viticole de Graves, qui regrette que dix années de propositions de tracés alternatifs n’aient pas porté leurs fruits. Car les représentants du vignoble ne sont pas dans le rejet du GPSO en lui-même, ils souhaitent faire bouger ses lignes pour ne plus menacer l’affluent de la Garonne. Secouant la passagère apathie du vignoble, le député Gilles Savary* se dit « déterminé à ne pas laisser faire ce massacre patrimonial et environnemental. Je mets au défi quiconque de démontrer qu’il n’y aura pas d’impact sur le choc thermique miraculeux qui permet au sauternes d’exister ! » Une enquête sur les effets viticoles des aménagements ferroviaires pourrait permettre de relancer les négociations.
Si les vendanges ne s’y prêtent pas, une mobilisation forte des vignerons de Sauternes pourrait remettre en branle le débat. A noter que le tracé actuel menacerait également l’exceptionnelle biodiversité de la forêt de hêtres du Ciron (« relicte de 40 000 ans » selon l’INRA). D’après le rapport de la commission d’enquête, le projet de Réseau Ferré de France toucherait directement 72,3 hectares d'AOC viticoles (plantés au deux tiers), pour 57 domaines (18 à Buzet, 13 en Brulhois et Fronton, 11 en Graves et Pessac-Léognan).
* : Député de la neuvième circonspription de Gironde, Gilles Savary se définit comme « le député de Sauternes ».
[Photo de travaux ferrés : RFF]