e fabricant de produits phytosanitaires Bayer CropScience a des ennuis avec l'un de ses fongicides, le « Moon Privilege », commercialisé en France sous le nom « Luna Privilège ». Cet antibotrytis, dont la matière active est le tout nouveau « fluopyram », a provoqué des dégâts dans les vignobles de quatre pays européens : Suisse, Autriche, Italie et, dans une moindre mesure, Allemagne. Les surfaces concernées ne sont pas encore connues.
Ces dégâts se manifestent par « des symptômes atypiques » sur feuilles, avec un « phénomène de déformations ». Ils sont apparus entre avril et mai 2015, selon Bayer. Mais pour François Montet, viticulteur suisse touché par le phénomène et président de la Fédération vaudoise des vignerons, les effets vont bien au-delà : « Les vignes qui ont reçu le produit ont eu des problèmes de floraison, avec beaucoup de coulure et de millerandage. Les cépages les plus touchés sont le chasselas et le gamay, mais le pinot noir est aussi concerné. Chez certains de nos viticulteurs, 100 % des grappes sont touchées. Ils se demandent même s'ils vont vendanger ! »
UNE ANNÉE DE DÉCALAGE
Ce n'est pas la première fois que les viticulteurs suisses seraient impactés, le produit étant chez eux disponible depuis trois ans. Des symptômes similaires avaient déjà été relevés l'an dernier, mais sans qu'on en comprenne l'origine. « Les symptômes n'apparaissent que l'année suivant le traitement, explique le viticulteur suisse. Ce qui a compliqué les choses pour établir un lien entre le traitement et le symptôme? C'est à force de recouper nos calendriers de traitements que nous avons compris d'où venait le problème. »
Chez Bayer, l'heure est aux enquêtes de terrain et au diagnostic, pour tenter de comprendre le ou les facteurs ayant provoqué cette réaction chez la plante. Le sujet est complexe car le traitement a eu lieu l'année précédente. En France, 14 000 ha ont été protégés par « Luna privilege » en 2014. Des « experts » de l'entreprise sont en ce moment même en train de sonder le vignoble afin de répertorier d'éventuels dégâts. Pour l'heure, seuls quelques cas ont été signalés, dans des vignes de Champagne et du Val de Loire notamment. « Il est donc encore trop tôt pour évoquer la question d'un éventuel dédommagement », précise Stéphanie Goutorbe, responsable de la communication chez Bayer.
En attendant d'en savoir plus et à titre de précaution, la firme préconise de ne plus employer son anti-botrytis au-delà du stade fermeture de la grappe. Les recherches menées jusqu'à présent ont en effet permis de constater que les dégâts avaient eu lieu uniquement sur des vignes traitées après ce stade. « Cette année, nous avons été prévenus à temps, nous n'avons donc pas appliqué le produit », reconnaît François Montet.
Bayer CropScience est le seul fabricant à commercialiser cette matière active, qu'il a mise sur le marché en 2013.