« Lors de notre conseil d'administration du 18 décembre, nous avons, sans équivoque, décidé de reprendre l'entière gestion administrative et financière de notre organisme. » Cette phrase, issue d'un communiqué signé par Audrey Charton, la présidente de l'ODG regroupant les dix crus du Beaujolais, a provoqué un véritable séisme.
Jusqu'ici, l'Union des vignerons du Beaujolais (UVB) assurait la gestion quotidienne pour les deux familles : l'ODG beaujolais/beaujolais-villages d'une part, et l'ODG des crus d'autre part. C'est cet équilibre qui est mis à mal par ce communiqué incendiaire où sont évoquées « des instances issues du passé, lourdes et souvent opaques ».
Dans le détail, la responsable pointe « des objectifs, des préoccupations, des attentes, des organisations de plus en plus différentes entre les deux familles ». Notamment sur « la caractérisation des terroirs, la renaissance de nos climats, la restructuration technique de nos vignes sur des itinéraires techniques propres aux crus ».
Selon nos informations, les crus se laissent jusqu'au 31 mars 2015 pour préciser la forme de cette prise d'indépendance qui pourrait voir la création d'une « Union des crus du Beaujolais » avec embauche de personnel dédié sur un lieu différent de l'UVB, basée à Villefranche-sur-Saône (Rhône). Le temps pour toute la filière d'évaluer les conséquences de cette décision.
POUR REJOINDRE LA BOURGOGNE ?
« Jusqu'où comptent-ils aller ?, s'étrangle Sébastien Coquard, président de l'ODG beaujolais/beaujolais-villages. L'UVB actuelle peut difficilement fonctionner avec le seul soutien financier de notre organisme. Ensuite, si on crée plusieurs unions, comment les vignerons vont-ils s'y retrouver ? Et puis, il faudra revoir les statuts d'Inter-Beaujolais, étant donné que c'est l'UVB qui désigne ses représentants. » L'élu, dépité, assure qu'il n'a senti « aucune tension perceptible entre les deux familles. L'UVB s'apprêtait même à recruter un technicien pour suivre le dossier des climats ».
Même incompréhension chez le secrétaire général de l'UVB, Denis Chilliet, qui déplore « qu'aucune information préalable n'ait été transmise à l'UVB ». « Les vignerons des beaujolais et beaujolais-villages doivent être amers, eux qui ont largement soutenu la stratégie de mise en avant des crus du Beaujolais dans le cadre des budgets alloués à l'interprofession au détriment de leurs propres appellations. »
Et Denis Chilliet d'évoquer la grande crainte périodique qui traverse le Beaujolais : « Les crus veulent prendre leur indépendance avant de rejoindre la Bourgogne. » Un serpent de mer que le communiqué des crus a tenté de déminer en réaffirmant « sa pleine appartenance au Beaujolais ».
Dans ce contexte, le conseil d'administration extraordinaire de l'UVB, prévu le 30 décembre, s'annonce tendu, alors que de nombreuses voix laissent déjà entendre « que la confiance est rompue ».