’approche des vendanges dans l’Hémisphère nord focalise l’attention de la filière vitivinicole mondiale sur les prévisions de récolte. Les annonces faites par les trois ou quatre principaux pays producteurs sont soigneusement scrutées pour tenter d’anticiper les orientations futures du marché. Mais qu’en est-il des pays producteurs de moindre envergure dont l’impact sur le marché mondial est, certes, moins important que celui du peloton de tête mais qui influent sur leur marché intérieur et donc sur le potentiel d’exportation de pays comme la France. Petit aperçu des orientations prévisibles à l’Est de la France.
Chaleur bénéfique en AllemagneTout d’abord en Allemagne, qui se situe au 10ème rang des pays producteurs mondiaux avec une production qui avoisine 9 millions d’hectolitres, le Deutsches Weininstitut (DWI) annonce une production « légèrement inférieure à la moyenne des dernières années ». Concerné, comme bon nombre de pays européens, par la vague de chaleur et de sécheresse cet été, le vignoble allemand a, de ce fait, connu peu d’incidences de maladies cryptogamiques. Selon Ernst Büscher du DWI, « la plupart des vignobles en Allemagne ont plutôt bien réussi à faire face à la chaleur extrême et à la sécheresse cette année. Les vieilles vignes, en particulier, avec leur enracinement profond, se sont développées étonnamment bien. A contrario, les jeunes vignes et les vignobles implantés sur des sols aux ressources hydriques faibles, ont dû être irrigués, l’irrigation étant autorisée depuis 2003 ».
Baisse des volumes allemandsConséquence de la chaleur estivale et des faibles précipitations – certaines régions ayant enregistré la moitié de leurs précipitations normales - les baies sont encore relativement petites, notamment pour les cépages précoces. « Fort heureusement, la floraison s’est parfaitement bien déroulée cette année et la fructification était bonne, ce qui permet de compenser, dans une certaine mesure, cette insuffisance », poursuit Ernst Büscher. Il n’en reste pas moins que, à l’heure actuelle, les producteurs s’attendent à une récolte légèrement inférieure à la moyenne. D’ores et déjà ils prévoient des vendanges précoces en septembre et des vins d’un bon niveau qualitatif, à condition que l’ensoleillement se poursuive jusqu’à la fin des vendanges et que quelques précipitations interviennent au cours des trois prochaines semaines. Les premiers raisins destinés à l’élaboration du « Federweisser », le vin bourru allemand, ont été récoltés cette semaine.
Une récolte hongroise semblable à celle de 2014Encore plus à l’Est, la production hongroise oscille entre 2 et 3 millions d’hectolitres en règle générale pour un vignoble dont la superficie est estimée par le Hegyközségek Nemzeti Tanácsa, le Conseil national des communautés viticoles (HNT), à 58 545 hectares. D’après le Dr. Sümegi Zsombor, le directeur du développement du HNT, les estimations actuelles pour la récolte 2015 font état d’une production de 4 766 872 quintaux pour un rendement moyen à l’hectare de 73,95 quintaux. Si ces prévisions se confirment, la production de raisins serait semblable ou légèrement supérieure à celle de 2014 tout en restant bien inférieure à celle d’antan. En effet, elle ne dépasse pas la moitié de celle de 2004, par exemple. Selon le journal hongrois Hungary Today, la plupart des régions viticoles devraient voir leur production augmenter cette année, à l’exception de Tokaj et de Kunság, la grêle ayant détruit une grande partie de la récolte dans cette dernière zone.
Les importations italiennes cassent les prixLa Hongrie est à la fois un pays consommateur relativement important, avec un volume par habitant et par an situé entre 20 et 25 litres, et un pays exportateur non négligeable ; sur une production de 2,7 millions, environ 770 000 hl de vins ont été exportés l’an dernier pour une valeur de 85 millions d’euros. Elle importe également des quantités significatives de vins en provenance, entre autres, de l’Italie. Selon la chaîne d’information hongroise Hirado, les producteurs de vins locaux ont organisé le 12 août une manifestation devant l’Ambassade d’Italie pour protester contre les importations massives de vins italiens d’entrée de gamme, estimées à 630 000 hl, toujours selon la chaîne. D’après les producteurs hongrois, ces importations représentent une concurrence déloyale, en raison de leurs prix particulièrement bas, mais aussi un danger pour les consommateurs. En effet, 50 000 hl de vins italiens ont été saisis fin juillet par les autorités hongroises pour cause d’irrégularités au niveau de la traçabilité. Trois exportateurs italiens seraient mis en cause. Les manifestants hongrois demandent ainsi un renforcement des contrôles.
Un beau millésime attendu en SlovénieSituée entre la Hongrie et l’Italie, la Slovénie a également profité des conditions météorologiques chaudes et sèches de cet été. Même si les semaines à venir seront déterminantes, les producteurs annoncent d’ores et déjà un millésime d’anthologie, le meilleur depuis dix ans. Selon le journal local, Slovenian Times, des précipitations sont arrivées à point nommé, les effets de la sécheresse commençant à se faire sentir. Comme dans d’autres pays européens, l’incidence de maladies cryptogamiques a été, de ce fait, faible et les prévisions volumiques sont bonnes à la veille des vendanges. Celles-ci pourraient intervenir dès ce 20 août sur les 17-18 000 hectares de vignes que compte la Slovénie. L’ère post-soviétique a vu la production de vin baisser ces dernières années pour ne pas dépasser 600 000 à 700 000 hectolitres à l’heure actuelle, en majorité des blancs.
Une récolte géorgienne abondante sur fond de nouvelles tensions avec la RussieSur la Mer Noire, la Géorgie s’apprête à rentrer une récolte abondante cette année. Le ministre de l’Agriculture Otar Danelia a annoncé une production en hausse de 30% par rapport à l’année dernière. L’augmentation est attribuée, entre autres, à des mesures préventives prises contre le risque d’intempéries : ainsi, des dispositifs anti-grêle ont pu réduire l’impact négatif d’une trentaine d’épisodes orageux cette année. Plus de 100 000 tonnes de raisins devront être récoltées en 2015, les vendanges devant débuter à la fin du mois. En prévision de celles-ci, le gouvernement de Tbilisi a rencontré le 10 août une soixantaine de représentants de la filière vitivinicole géorgienne afin d’organiser la campagne. L’Etat géorgien soutient le secteur de façon importante, à travers une série de mesures dont des subventions directes, des assurances récolte et des prêts bonifiés. Ces mesures sont destinées, en partie, à compenser des pertes à l’exportation, notamment en direction de l’Ukraine et de la Russie. En effet, en début de mois, l’agence russe Rospotrebnadzor, chargée de la protection des droits des consommateurs, a accusé les producteurs géorgiens d’avoir violé les règles de sécurité sanitaire, affirmant que les agences de contrôle géorgiennes ne maîtrisent pas suffisamment bien la production. Cette nouvelle tension dans les relations entre les deux pays met à mal l’un des principaux secteurs agroalimentaires exportateurs de la Géorgie.
Une pénurie de vin en Russie ?Cependant, les prévisions de récolte en Russie pourraient amener les dirigeants russes à modifier leur politique vis-à-vis de la Géorgie. En effet, selon Leonid Popovich, président de l’Association des producteurs de vins de Russie, la production en 2015 pourrait s’inscrire en baisse de 20% par rapport à l’année dernière. En cause, un printemps froid et un été modérément chaud. Ainsi, l’Association prévoit actuellement une production comprise entre 470-490 000 tonnes, contre 528 000 tonnes en 2014. Comme dans bon nombre de pays de l’Europe de l’Est, la Russie ne publiera des estimations officielles qu’au mois de septembre voire plus tard. En raison du retard de la végétation, les vendanges russes sont reportées de plusieurs semaines, note Dmitry Fedotov, directeur de l’Independent Wine Club à Moscou. L’état sanitaire du vignoble est jugé bon et une maturation lente des raisins laisse les producteurs optimistes sur le plan qualitatif. Néanmoins, les conditions météorologiques des semaines à venir pourraient encore influer sur la qualité. « Nous comptons sur un automne sans précipitations », résume Leonid Popovich. La superficie totale du vignoble russe (Crimée comprise) s’étend sur 90 000 ha. Une politique de restructuration du vignoble mise en œuvre ces dernières années a réduit la superficie en production, actuellement estimée à 60-62 000 ha. « Par conséquent, une progression considérable de la production est attendue pour les années à venir », prévient Dmitry Fedotov.