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Rapport parlementaire sur les maladies du bois: « nous sommes à la veille d'une crise semblable à phylloxéra »
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Rapport parlementaire sur les maladies du bois: « nous sommes à la veille d'une crise semblable à phylloxéra »

Par Marion Ivaldi/Alexandre Abellan Le 15 juillet 2015
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Rapport parlementaire sur les maladies du bois: « nous sommes à la veille d'une crise semblable à phylloxéra »
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ace à l'ampleur des maladies du bois de la vigne (13 % du vignoble française serait touché par l'esca, soit 100 000 hectares de vigne condamnés), l'ensemble de la filière s'inquiète du manque de réponse des pouvoirs publics. Réagissant à ces alertes répétées, une mission parlementaire d’information leur a été dédiée le 21 janvier dernier. Chapeautée par la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire, ce travail vient d'aboutir après une cinquantaine d'auditions et de multiples visites dans les vignobles touchés (de France et de l'étranger). Rapporteurs de la mission, les députés Catherine Quéré (Charente-Maritime) et Jean-Marie Sermier (Jura) répondent ci-dessous à nos questions*.

En attendant le colloque du Comité National des Interprofessions des Vins d'Appellation (présentant ce 22 juillet l'audit encadrant ses prochaines recherches), le rapport d'information parlementaire vient d'être présenté et propose déjà des évolutions législatives : la création d'un observatoire national des maladies du bois, une coordination nationale de la recherche (et une augmentation des moyens dédiés), le soutien au fonctionnement des Groupements de Défense contre les Organismes Nuisibles, l'arrachage systématique des vignes abandonnées/infectées (ce qui passe inévitablement par une surveillance accrue du vignoble)... S'attardant au passage sur la gestion de la flavescence dorée, le rapport alarme également sur le risque de développement de la maladie de Pierce si Xylella fastidiosa s'introduisait en France.

 

 

* : Ayant sollicité cette enquête de terrain, les deux élus représentent les vignobles les plus sensibles à l'esca et au BDA. En 2014, le taux d'externalisation des maladies du bois sur le cépage emblématique du Cognac, l'ugni blanc, était en effet de 12 % selon l'Institut Français de la Vigne et du Vin. Sur les variétés typiques du Jura, comme le trousseau et le savagnin, le taux de prévalence atteignait 12 et 8 %.

Quelles conclusions tirent le rapport concernant la situation du vignoble au regard des maladies ?

Catherine Quéré et Jean-Marie Sermier : Sans céder à un alarmisme excessif, la situation du vignoble est aujourd’hui très préoccupante : 12 à 13 % du vignoble est touché par les maladies, et la baisse de chiffre d’affaires peut être située à un milliard d’euros. Nous sommes à la veille d’une crise semblable à celle du phylloxéra. Le rapport montre que ce manque à gagner touche d’ores et déjà essentiellement l’exportation, qui représente aujourd’hui un apport à la balance commerciale de plus de 7 milliards d’euros, et qu’il met ne cause la viabilité de petites exploitations. Les pertes se chiffrent environ à 2 300 euros à l’hectare.

L’une des difficultés est qu’aucune statistique d’ensemble ou analyse économique globale n’est disponible. Ce qui est certain, c’est que des maladies comme l’Esca sont en progression notoire, touchent des vignobles plus jeunes, et que depuis 2001, où le traitement à l’arsénite de sodium a été interdit, cette maladie progresse à la fois au plan géographique, du Sud vers le Nord et quant au nombre de parcelles contaminées. Plus généralement, les maladies cryptogamiques envahissent surtout le vignoble du bordelais, du Val de Loire et du Jura. Les maladies virales ou bactériologiques, qui touchent ces zones, sont également présentes en Bourgogne ou en Alsace.

Aucune aire de production n’est aujourd’hui épargnée, même si les situations sont très différentes d’une appellation à une autre. Alors que les surfaces d’exploitation se sont beaucoup réduites au fil du temps, de plus de 100 000 ha en 15 ans, ce sont donc désormais les rendements qui sont en train de décroître, portant atteinte à la viabilité même des exploitations. Or la filière représente plus de 550 000 emplois. Qui peut admettre une telle situation ?

La recherche est-elle suffisante ? Quels sont ses points forts et ses points faibles ?

La mobilisation des chercheurs n’est pas en cause : nous avons rencontré partout des équipes de bon niveau, fortement mobilisées. Mais peut-on admettre, au moment où la maladie des oliviers fait des ravages en Italie, et alors que l’embargo ne peut combattre des risques d’importation par des voies touristiques ou par des importations commerciales de pays tiers qu’un seul laboratoire travaille sur ces questions en France, qu’aucun crédit dédié ne soit dégagé ? Il faut rappeler que ce phytoplasme (Xyllela fastidiosa) est susceptible de s’attaquer à la vigne et à environ 200 espèces végétales.

Le rythme de la recherche, notamment pour dégager de nouveaux cépages, est nécessairement lent, tandis que les maladies progressent à un rythme rapide. Raison de plus pour ne pas différer des programmes nécessaires. Le point fort de la recherche, c’est la mobilisation des équipes. Les deux points faibles que nous identifions sont l’absence d’une coordination nationale, et une insuffisance de moyens financiers.

Quelles solutions peuvent être apportées aux viticulteurs en matière de maladies du bois ?

Dans l’immédiat, le pragmatisme doit l’emporter : les moyens de détection doivent être renforcés, en particulier l’action des GDON et des FREDON doit être étendue à toute zone vinicole si besoin est, des guides de bonne pratique, pour la taille par exemple, doivent être diffusés et les recépages ou arrachages des vignobles contaminés doivent être systématiquement pratiqués. Mais il n’est pas normal que des vignobles ensauvagés, qui sont un vecteur de transmission de la flavescence dorée ne puissent pas être détruits ou que les décisions d’arrachage des parcelles contaminées ne soient pas suivies d’effet. Inversement, il n’est pas normal que l’arrachage d’une parcelle soit supportée, au niveau financier, par le seul exploitant ou qu’elles entraînent parfois la perte de classification de l’ensemble d’une exploitation.

A plus long terme, il est nécessaire que les pépiniéristes puissent assurer la meilleure qualité des plants fournis aux exploitants et que ceux-ci, lorsqu’ils le souhaitent, puissent s’assurer de cette qualité. C’est possible en généralisant les pratiques d’homologation et les tests, sur demande.

Quelles recommandations sont faites aux pouvoirs publics ?

La solution n’est pas unique, et le message ne s’adresse pas qu’aux pouvoirs publics, mais à tous les acteurs. La gravité de la crise appelle des réponses multiples et adaptées. En termes budgétaires, il est souhaitable que le compte d’affectation spéciale identifie des crédits pour une action prioritaire de recherche contre l’ESCA et les maladies à Botryosphaeria. Il est surtout souhaitable que les crédits ne subissent pas des coups d’accordéon, compte tenu du rythme des expérimentations. Plus généralement il faut trouver un mécanisme incitatif permettant aux professionnels de consacrer davantage de financement à la recherche. La recherche doit également être coordonnée au niveau national.

En termes réglementaires, il est nécessaire que le rôle des Fredon et des GDON soit facilité, notamment en abandonnant la règle selon laquelle il ne peut y avoir qu’un seul GDON par circonscription territoriale. L’arrachage des vignes contaminées ou abandonnées doit être systématisé, comme la surveillance du vignoble. Il faut également qu’un véritable Observatoire des maladies soit mis en place, et que des statistiques régulières soient publiées. Enfin il faut lancer un programme européen de lutte contre Xyellela fastidiosa. Ceux qui trouveront le moyen de lutte contre la cicadelle vectrice de la maladie auront évité une catastrophe. Au regard des enjeux humains, écologiques et économiques que représentent les maladies du bois et de la vigne, l’effort est aujourd’hui notoirement insuffisant.

 

 

[Photo : Commission du 7 juillet sur les maladies de la vigne et du bois ; Assemblée Nationale]

 

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