e concept de développement durable évolue en permanence, englobant des domaines toujours plus étendus. Après des préoccupations purement environnementales, la filière se penche désormais sur son impact global sur la planète et sur sa pérennité à long terme à travers la Responsabilité sociétale des entreprises. Exemple avec la société de bouchage synthétique Nomacorc depuis son siège en Caroline du Nord aux Etats-Unis.
L'Europe en avance sur les USALa récente initiative de l’interprofession de l’IGP pays d’Oc illustre bien la mutation du concept de développement durable en France. Mais qu’en est-il de l’autre côté de l’Atlantique ? « Je pense que l’Europe a plusieurs années d’avance sur les USA », affirme Katie Myers, responsable communication chez Nomacorc chargée de l’établissement des rapports de développement durable au sein de l’entreprise. « Au Royaume-Uni, par exemple, un distributeur comme Waitrose est beaucoup plus avancé sur cette question que ses homologues américains, notamment par rapport à l’aspect sociétal et l’implication des consommateurs dans les décisions d’achat ».
Le mécénat aussi a évoluéLa transition du développement durable vers une politique globale de responsabilité sociétale est liée, entre autres, à la recherche de « bien être » ou ce que les Anglo-Saxons appellent le « feel good factor », un courant à double sens entre les entreprises et leur public. « Si on regarde la politique de mécénat d’une entreprise comme IBM, on voit qu’elle a énormément évolué. Désormais, il ne s’agit pas de faire un chèque à tel ou tel organisme caritatif. Chaque structure sélectionnée se voit accorder une aide sous forme de ressources humaines : une équipe déployée par l’entreprise l’aide à surmonter une problématique majeure – par exemple, la gestion de l’eau ou la mise en place d’une infrastructure. D’un point de vue marketing, l’initiative est excellente car elle valorise l’offre intrinsèque d’IBM tout en mettant cette offre au service de la collectivité ».
Une approche désormais systémiqueCe type d’action démontre bien la métamorphose du développement durable en faveur des trois P : People, Planet, Profit, c’est-à-dire les trois piliers que sont l’équité sociale, la préservation de l’environnement et la croissance économique. « Nous avons bien maîtrisé la technique des bilans – comment comptabiliser les heures, l’argent et l’impact sur la collectivité – mais l’avenir réside dans la gestion globale de la chaîne d’approvisionnement », prédit Katie Myers. « Il s’agit de passer de bilans opérationnels – où nous sommes devenus très performants – à la traçabilité et à la transparence de l’ensemble de la chaîne. L’approche est devenue systémique ». Pour un fabricant de matières sèches, il s’agit de s’insérer dans une stratégie d’entreprises axées sur le développement durable, de permettre à ces entreprises de justifier d’allégations en ce sens. « L’entreprise Avalon aux Etats-Unis a lancé une campagne intitulée « Our reds are being green » (« Nos rouges sont passés au vert ») mettant en valeur, entre autres, l’utilisation de bouteilles en verre allégé, d’étiquettes respectueuses de l’environnement et d’obturateurs au bilan carbone neutre, voire négatif. Nous nous intégrons dans cette approche globale et apportons par ailleurs un soutien marketing ».
Etre en mesure de rendre des comptesDans le cadre de sa stratégie de développement durable, Nomacorc a lancé en 2013, un nouveau bouchon, le Select® Bio Series, premier obturateur pour le vin à utiliser des biopolymères dans son processus de production. « Ce nouveau produit, élaboré à base de canne à sucre, représente sans aucun doute le couronnement de notre politique de responsabilité sociétale (RSE). Réussir à fabriquer un produit, non pas à bilan carbone neutre, mais négatif, constitue pour nous une réalisation majeure, sachant que le développement durable impulse aujourd’hui l’ensemble de notre stratégie R & D ». Il aura fallu plusieurs années avant d’en arriver là. Le premier bilan carbone réalisé par l’entreprise remonte à 2007, permettant dans un premier temps de réduire de 25% les émissions sur ses produits phare. « Traditionnellement nos produits sont à base de pétrole et nous avons donc cherché à intégrer des innovations dans le domaine des biopolymères, à l’instar de ce que faisaient des entreprises comme Coca Cola ou Heinz ». Le lancement d’un produit se revendiquant à bilan carbone neutre a nécessité un travail important en amont. « Nous savions que nous allions devoir rendre des comptes, expliquer nos méthodes de calcul et procédés de fabrication. Nous avons donc étoffé nos rapports de développement durable car nos clients et leurs clients à eux insistent de plus en plus sur ce type d’information ».
« Chaque décision a un impact sur le développement durable »Pour satisfaire à ces demandes, Nomacorc est passé par trois phases majeures : une première étape qui a duré environ deux ans et a servi à poser des jalons, à mesurer l’impact de l’entreprise sur l’environnement au début du processus. Puis, une deuxième étape consistant à fixer des objectifs et à formuler une vision, et enfin, la mise en application de ces derniers. « Il est intéressant de noter que, dès lors qu’on commence à mesurer son impact, on suscite une prise de conscience. C’est important, car une politique de responsabilité sociétale doit toucher toutes les strates d’une entreprise, depuis la personne chargée de commander les tasses de café, jusqu’aux décisionnaires responsables des orientations stratégiques à long terme. Chaque décision a un impact sur le développement durable, à différents degrés. Lorsque les changements commencent à s’opérer et à produire des effets bénéfiques, on les communique en interne, créant ainsi une dynamique et un cercle vertueux ». Parmi les premiers défis à surmonter dans le cadre de ce processus, Katie Myers évoque la nécessité d’harmoniser les méthodes de calcul. « Nous avons des sites de production dans plusieurs régions du monde et nous devions avoir la certitude que nos bases de calcul étaient les mêmes. Parfois, il s’agissait de conversions basiques, entre le système impérial et le système métrique par exemple ».
Une politique qui doit s'autofinancerCe besoin d’harmonisation s’applique en interne mais aussi en externe. « Nous avons étudié les paramètres qui importaient à nos clients. Il faut qu’un rapport de développement durable corresponde aux processus mis en place par ses clients et qu’il soit lisible par ces derniers ». Nomacorc a opté pour le système GRI (Global Reporting Initiative) pour rendre compte de ses performances économiques, environnementales et sociales. « C’est un poste de dépense important, que toutes les entreprises ne peuvent pas justifier, mais nous avons voulu accéder à un niveau de crédibilité supérieur ». Force est de constater, en effet, que la mise en place d’une politique RSE peut s’avérer coûteuse, tout en variant selon les ressources existantes au sein de l’entreprise. Pour Nomacorc, “il était indispensable d’appuyer notre offre produits sur cette politique. En mesurant et en contrôlant nos efforts en matière de développement durable, nous avons gagné en efficacité. Certes, on ne peut comparer nos installations à celles d’un domaine familial, mais le développement durable doit s’autofinancer, on ne peut pas s’y impliquer simplement pour le plaisir. Une politique RSE n’est valable qu’à travers les changements qu’elle engendre ; la notion de rentabilité est d’ailleurs l’un des trois piliers de la RSE. En conclusion, une chose est certaine : pour les entreprises, il s’agit d’une période passionnante où elles ont la possibilité d’établir des rapports privilégiés avec leurs clients et d’aider la collectivité ».