Concours Mondial du Sauvignon : véritable baromètre de la filière mondiale

u moment même où le ministre italien de l’Agriculture, Maurizio Martina, inaugurait officiellement un pavillon dédié à la production viticole transalpine à l’Expo 2015 à Milan, le Concours Mondial du Sauvignon mettait à l’honneur, les 22 et 23 mai, la région de Frioul-Vénétie-Julienne pour sa première édition hors des frontières françaises. 

 

 

 

[Crédit photo : Concours mondial du sauvignon]

8ème cépage mondial

Au total, 816 vins étaient en lice cette année, contre 751 l’an dernier, et 61 dégustateurs professionnels – journalistes, sommeliers, œnologues et autres distributeurs – ont fait le voyage depuis de nombreux pays du monde. L’internationalisation croissante de ce concours né à Bordeaux se reflète à la fois dans la nationalité des dégustateurs – 16 au total – et les pays participants, avec trois nouveaux venus cette année : l’Autriche, la Croatie et la Grèce. C’est dire si le sauvignon séduit de plus en plus de producteurs, faisant écho à sa popularité grandissante auprès des consommateurs. D’après une étude publiée par l’Université d’Adélaïde, le sauvignon s’est érigé en 2010 au huitième rang des cépages les plus plantés au niveau mondial, toutes couleurs confondues, avec une superficie totale de 110 000 hectares, contre 65 000 hectares en 2000. Tout l’intérêt d’un événement comme le Concours Mondial du Sauvignon réside d’ailleurs dans sa capacité à suivre l’évolution de ce cépage au niveau mondial, que ce soit sur le plan chiffré, cultural, organoleptique ou encore marketing. 

Fort engouement en Italie

Le choix de la région hôte cette année, correspond justement à cette volonté, reflétée par la création début 2014 d’un comité de pilotage destiné à constituer une source documentaire de référence sur le sauvignon (http://www.cmsauvignon.com/en/discover). D’après les données recueillies par le professeur Roberto Zironi, professeur à l’Université d’Udine et membre du comité, la superficie italienne de sauvignon blanc est passée en quarante ans (1970-2010) de 1 800 hectares à 3 800 ha. La majeure partie de ces superficies (73%) se concentrent sur le Nord du pays, Frioul-Vénétie-Julienne étant la première région productrice avec environ 1 300 hectares plantés en 2010 selon l’ISTAT. La légère baisse des surfaces dédiées au sauvignon en 2014 (1 262 ha) s’explique notamment par la montée en puissance du glera, cépage de base du Prosecco omniprésent (20 000 ha en 2010). 

10 ans de recherche

Mais la région de Frioul-Vénétie-Julienne n’entend pas s’aventurer sur le terrain glissant et hautement concurrentiel d’une production de masse. Selon Giovanni Bigot, consultant auprès du Consorzio Tutela Vini Friuli Colli Orientali e Ramandolo, l’objectif est d’assurer une meilleure adéquation entre cépage et terroir et de peaufiner les pratiques culturales pour obtenir une expression variétale optimale. “Certes, les superficies risquent de s’accroître encore à l’avenir mais nous cherchons surtout à approfondir notre connaissance des meilleurs terroirs et à adapter nos modes culturaux et pratiques oenologiques pour améliorer la qualité des vins”. Evoquant une certaine polarisation actuelle de l’offre – entre les vins d’entrée de gamme d’un côté et les références très qualitatives de l’autre – l’agronome explore comme pistes, le labour des sols, la diminution des traitements et le développement des levures indigènes pour rehausser le niveau qualitatif et sublimer l’expression variétale. Les instances professionnelles se donnent les moyens de leurs ambitions: elles y ont consenti plus de 10 ans de recherches, d’expérimentation et d’études, dans le cadre desquelles s’inscrit le “Progetto Sauvignon”. 

Mieux cerner les dates de récolte optimales

Menée entre 2009 et 2011 sous l’impulsion de la zone DOC Friuli Colli Orientali, de concert avec l’Université d’Udine, l’initiative avait comme but de caractériser la complexité aromatique des différents sauvignons blancs de la région, et de démontrer l’effet terroir sur les vins. Globalement, la concentration de 4MMP était plus élevée dans les vins du Frioul tandis que celle de 3MH et A3MH était plus faible, même si les teneurs variaient selon les pratiques viticoles. Le Frioul produit 250 références de sauvignon, dont bon nombre ont été élaborées pendant les essais réalisés dans le cadre de l’étude. L’un des volets du projet est toujours d’actualité : il s’agit de déterminer la date de récolte optimale permettant d’obtenir les caractéristiques aromatiques souhaitées. L’étude tient compte des différents clones, porte-greffes, terroirs et pratiques viticoles.

Un test grandeur nature

Pour la région de Frioul-Vénétie-Julienne comme pour d’autres vignobles, l’accueil réservé aux vins par les critiques et le public constitue l’étape suivante de ces essais. D’où la participation à des événements comme le Concours Mondial du Sauvignon pour jauger le niveau d’acceptation des vins. D’ailleurs, la région a remporté 14 médailles d’or ainsi que le trophée du Meilleur sauvignon italien pour ses mono-cépages. Outre l’intérêt commercial d’une médaille, cette motivation anime aussi les entreprises néo-zélandaises, pionnières en matière de sauvignon blanc du moins sur le plan marketing, comme l’explique Patrick Materman, chef de cave de Brancott Estate Winery. « Depuis le lancement de nos vins allégés en alcool sous la marque Brancott Estate Flight, nous participons à des concours pour mesurer l’acceptation de leur profil organoleptique en dégustation à l’aveugle, aux côtés de sauvignons conventionnels ». 

Des vins allégés en alcool médaillés

Pari réussi si l’on en croit les résultats engrangés au Concours Mondial du Sauvignon où la marque, lancée en 2012, a décroché une médaille d’argent au même titre que les cuvées classiques élaborées par la maison (Brancott Estate Letter Series, Brancott Estate et Brancott Estate Terroir Series). Brancott Estate Flight a également séduit certains consommateurs – qui sont principalement de jeunes adultes et des femmes – avec un volume commercialisé qui atteint désormais 150 000 caisses par an. « Pour arriver à une teneur en alcool de 9%, nous récoltons les raisins tôt, avec un degré Brix autour de 16/17 et jouons sur différents paramètres en cave », explique l’œnologue, qui précise que si la marque a réussi à conquérir le marché américain grâce à son profil calorique allégé, les résultats restent pour l’heure en deçà des espérances en Grande-Bretagne et en Australie. 

Le terroir commence à s'imposer

En véritable baromètre de la filière vitivinicole mondiale, le concours reflète bien la diffusion internationale du sauvignon qui ne cesse de croître. Comme le constate Paul White, journaliste et membre du comité de pilotage sur le sauvignon blanc, ce cépage n’était même pas classé parmi les variétés nobles dans le premier ouvrage de Jancis Robinson sur les cépages. Aujourd’hui, plus de trente pays le cultivent avec des taux de progression à deux chiffres dans des pays comme le Chili, l’Afrique du Sud, l’Argentine, l’Australie, les Etats-Unis et l’Espagne. Plusieurs d’entre eux ont remporté des médailles d’or, signe du niveau qualitatif atteint, et l’Espagne (4 000 ha) s’est même vu décerner un trophée spécial grâce au Fransola 2014 boisé de la maison Torres.

Il n’en reste pas moins que, pour l’heure, la suprématie de la France est indiscutable : premier producteur au monde avec quelque 30 000 hectares plantés, elle a raflé 33 sur les 74 médailles d’or pour ses 100% Sauvignon, notamment issus du Val de Loire et de Bordeaux, et quatre médailles d’or sur quatre dans la catégorie des assemblages. Berceau du sauvignon, elle sert indiscutablement de modèle à ses pays adoptifs : la vague des sauvignons au profil organoleptique exacerbé et stéréotypé cède progressivement la place à la subtilité et à l’effet terroir.

 

Pour accéder aux résultats du concours : http://www.cmsauvignon.com/