Eric Bastard : « Hennessy, seule maison de Cognac avec une croissance des ventes en volume en 2014 »

n 2014, la maison Hennessy a commercialisé 5,9 millions de caisses de cognacs (de 8,4 litres), soit une hausse de 1,7 % des volumes par rapport à l'an passé. Leader incontesté de Cognac, Hennessy pèse désormais pour 46 % des cognacs exportés dans le monde (contre 36 % en l'an 2000).

Ces performances (et nouveaux records) valident la « pertinence de notre modèle, qui s'appuie sur l'ensemble de nos qualités en porte-feuille (notamment le VS) et la diversité géographique de nos marchés » souligne Eric Bastard, le directeur général délégué de Hennessy, qui ajoute « je ne me trompe pas en disant que c'est sans doute la seule grande maison de Cognac qui ait enregistré en 2014 une croissance de ses ventes en volume ».

Confiante dans ses perspectives commerciales, la maison maintient ses objectifs et projets ambitieux (en montant à 10 millions de caisses ses capacités d'embouteillage), tout en appelant le vignoble à l'audace. « On ne peut pas se permettre d'être frileux. Un an de moratoire sur les nouvelles plantations : OK. Mais dès 2016 il faut s'en tenir au Business Plan initial » pour Eric Bastard.

Entre repli chinois et croissance américaine, le bilan commercial 2014

Lors de l'assemblée générale de la SICA de Bagnolet (coopérative d'achat d'eaux-de-vie de la maison Hennessy) le 6 mai, le directeur général délégué est revenu sur une année commerciale « un peu atypique », marquée par deux « ajustements significatifs » : les incertitudes russes et surtout le retournement chinois. Alors que la maison Hennessy expédiait en 2013, 1 million de caisses vers la Chine, son décrochage a été « un cataclysme... Nous sommes encore en phase de nettoyage du marché » explique Eric Bastard. L'ancien financier reste cependant confiant quant à la reprise de la consommation chinoise. Pour redynamiser ce marché, la maison Hennessy mise notamment sur les VSOP dans sa dernière campagne. Signe de cet intérêt, JAS Hennessy a d'ailleurs choisi Canton pour lancer en mars les festivités de ses 250 ans, (Moscou est d'ailleurs la prochaine étape de cette tournée mondiale, cette fin mai).

Si le marché asiatique conserve les attentions, Eric Bastard rappelle que les Etats-Unis restent le premier marché de la maison Hennessy. Ne donnant pas de chiffres, il précise juste que « nos expéditions de VS vers les US sont supérieurs aux expéditions globales de la deuxième maison de Cognac » [NDLR : soit la maison Martell]. Cette position de leader sur le marché américain donnerait également une longueur d'avance à la maison sur les marchés africains (Afrique du Sud, Nigéria...). Ces futurs relais de croissance seraient, en effet, très sensibles aux modes suivies par la communauté afro-américaine.

Un concurrent : les whiskies Johnny Walker

Maintenant l'objectif de porter  ses commercialisations à 10 millions de caisses, Hennessy aspire à devenir le premier groupe mondial des spiritueux premiums. S'appuyant sur les dernières données d'Impact Databank, Eric Bastard ne voit qu'une marque à abattre : les whiskies Johnny Walker (groupe Diageo). Car s'il n'est pas avare en piques envers les autres maisons de Cognac, les vrais challengers de Hennessy sont les autres alcools pour Eric Bastard. « Il y a les concurrents que j'apprécie, les cognaçais, et il y a les autres, que je n'aime pas » tranche-t-il, pince-sans-rire. Croyant dans la nécessité d'un socle VS fort pour maintenir les cognacs en linéaire, il ne peut s'empêcher de regretter la décision de la maison Rémy Martin de miser essentiellement sur le luxe (dont le symbole est la cuvée Louis XIII).

 

Investissements industriels pour soutenir la croissance

Pour soutenir ces orientations stratégiques ambitieuses, la maison Hennessy multiplie actuellement les investissements industriels (se chiffrant en dizaines de millions d'euros). En attendant de lancer sa propre tonnellerie en 2016*, la filiale de LVMH achève la construction de sa deuxième unité de mise en bouteilles, le site du Pont Neuf. Et elle prépare déjà l'extension de cet outil, avec la pose en juin de la première pierre d'une plate-forme logistique (pour être opérationnelle fin 2017). Autre projet de taille, la construction de nouveaux chais de vieillissement et d'un centre de gestion du parc à barriques sur 30 hectares de terrain. Les travaux de construction doivent commencer en septembre et s'étaler sur 7 ans (avec la livraison d'un premier chai en 2016). Ce site de Bas Bagnolet va jouxter celui du Haut Bagnolet (qui accueille l'assemblage Hennessy). Si la direction investit dans le neuf, elle assume ne pas rationaliser l'existant.

 

* : activité intégrée au siège de la Richonne, dans le cadre de la redynamisation des quais.

 

Appel à planter

« Nous sommes confiants, nous sommes audacieux » martèle Eric Bastard, pour mieux appeler les viticulteurs présents aux investissements dans la replantation et, surtout, l'extension du vignoble charentais. Selon lui, « le Business Plan est un garde-fou. Mais il n'y a pas de développement de catégories si l'on ne prend pas de risques. » Egalement persuadé que l'avenir de Cognac dépend de la vitalité de son vignoble, Guillaume Roy (le directeur général de la SICA de Bagnolet) confirme : « en tant que partenaire livreur, on doit fournir un vignoble performant, ce qui passe par son renouvellement et son bon dimensionnement. Il faut donner la réponse aux ambitions de la maison, et plus généralement du négoce. »

 

 

 

[Photo : Guillaume Roy, Florent Morillon (directeur amont de Hennessy) et Eric Bastard ce 6 mai lors de l'assemblée générale aux sociétaires de la SICA de Bagnolet]