Portrait d'entrepreneur : Myriam et Nicolas Dubois présentent le renouveau des champagnes Jeeper

e volubile Nicolas Dubois et sa discrète femme, Myriam, sont partis de rien en 1999. Ils ont la foi des pionniers, de ceux qui ont tout gagné à la sueur de leur front. Ils ont connu le haut de la montagne « Réussite » avec la Maison Jeeper reprise en 2009 et le creux « du dépôt de bilan » (2011). Aujourd'hui, trois ans après ces jours difficiles durant lesquels le vignoble champenois n'a pas hésité à décrier une politique tarifaire de prix bas, ils reviennent avec une certaine pudeur, présenter les champagnes Jeeper (gamme CHR) et leur gamme GD, François Dubois, dans une version totalement repositionnée. D'une politique de gros volumes et de prix compétitifs à un repositionnement sur le milieu et le haut de gamme, les champagnes de la Maison Jeeper ont une nouvelle histoire à raconter.

 

 

[Photo : Myriam et Nicolas Dubois, Crédit photo : Jeeper]

L'arrivée de Michel Reybier

Et des histoires, Nicolas Dubois en a des myriades à raconter. Véritable pro du story-telling que ce soit dans le registre personnel ou pour ses champagnes, avec Nicolas Dubois tout n'est qu'aventure et épopée. A commencer par celle qui l'a amenée à ouvrir son capital à Michel Reybier (entrepreneur touche-à-tout, bien connu pour sa réussite avec la création de la marque Cochonou) en 2012. « En fin d'année 2011, quand mon banquier a voulu me marier de force avec une grande maison champenoise, j'ai refusé et été obligé de déposer le bilan trois jours plus tard. C'était le seul moyen pour trouver un associé» se souvient celui qui déclare « ne pas être un sanguin ».

L'arrivée de Michel Reybier est le point de départ d'une nouvelle aventure. « Il est venu me voir. Il m'a dit je traite entre homme. Une heure après, l'affaire était bouclée » explique-t-il. Pour les deux hommes sceller cette union est un pied de nez au vignoble champenois. Michel Reybier vient en effet de manquer le rachat de Taittinger et Nicolas Dubois est montré du doigt pour ses logiques de prix bas. D'ailleurs, interrogé sur la réalité de ces pratiques, il répond par une pirouette : « Je n'ai jamais vendu François Dubois à la casse, le prix n'est jamais passé en deçà de 15 euros » affirme celui qui commercialisait et commercialise encore des marques de distributeurs.

 

 

Marque François Dubois : expliquer la qualité

Aujourd'hui, cette page est vraisemblablement tournée. Pour preuve, cette phrase : « mon objectif est de positionner la marque François Dubois à un euro plus cher que Feuillatte ». L'homme est indiscutablement dans une nouvelle logique. Avec un objectif de 1 million de bouteilles distribuées en 2015, François Dubois s'étalonne en grande distribution entre 18,90 et 25,90 euros. « C'est un segment difficile. Nous misons sur le service » explique Nicolas Dubois. Une dizaine de commerciaux forment une équipe chargée de « raconter la marque, expliquer la qualité... » auprès des différentes enseignes qui distribuent ce champagne (Leclerc, Système U, Auchan).

 

 

Créer le goût Jeeper

Concernant la marque Jeeper (170 000 bouteilles en 2014) destinée au circuit CHR, l'ambition est de la positionner haut de gamme. Selon la référence, le prix navigue entre 30 et 60 euros/col. « C'est la crème de la crème » répète Nicolas Dubois qui souhaite créer un « goût jeeper » que la communication de la marque vente d'ailleurs. Elle s'appuie notamment sur l'utilisation du parc de fûts (le troisième plus important de champagne avec un millier de tonneaux), les conseils de son œnologue depuis toujours Fabrice Wehruny (Sofralab), et une utilisation très parcimonieuse du soufre. « Je suis allergique à cette substance, donc je l'utilise avec parcimonie ». La bouteille Jeeper, dessinée par Nicolas Dubois dans un avion (et fabriquée par OI, Veralia et Saverglass selon les tailles), possède d'ailleurs un col peu haut, limitant le volume d'oxygène dans l'espace de tête à environ le tiers d'une bouteille classique.

 

Des ambitions

En plus de l'investissement dans le positionnement des deux marques, l'entreprise Jeeper s'équipe également. Une nouvelle ligne d'embouteillage a été installée en 2014 pour un montant d'un million d'euros. Elle permet de réaliser de petites séries et est dotée d'une « sleeveuse » (machine qui permet de poser un sleeve). « Dans la régions, nous sommes seulement deux maisons à posséder une telle ligne » explique avec fierté Nicolas Dubois.

Les champagnes Jeeper ont également pour projet de développer leur implantation dans le vignoble. La société possède quarante hectares en son nom propres. « Notre objectif est d'atteindre un vignoble conséquent. Nous souhaitons nous développer au rythme de 5 ha/an pour atteindre les 100 hectares en propre ». Le projet de croissance est donc volontariste. Peut-être est-il mué par la volonté d'effacer une page sombre de l'histoire de Jeeper ? En 2015, la Maison compte atteindre un chiffre d'affaires entre 25 et 28 millions d'euros. En 2012, il culminait à... 100 millions d'euros.