e risque que la bactérie Xylella fastidiosa (1), qui décime actuellement les oliviers italiens, entre sur le territoire français, contamine et soit pathogène pour la vigne, existe-t-il ? Selon les scientifiques de l’Anses et de l’Inra, qui travaillent actuellement sur la détection de la souche sur des prélèvements de végétaux en France, on ne peut pas, à l’heure actuelle, l’écarter. Eléments de réponses, avec l’équipe de scientifiques du laboratoire de la santé des végétaux (LSV) de l'ANSES, et Nicolas Denancé, chercheur à l'IRHS (INRA d’Angers).
(1) Cette souche de bactérie, appartenant à la sous-espèce « pauca », a été découverte pour la première fois en Europe en 2013. Elle est hébergée par une gamme d’hôtes diversifiée.
Crédit photo: site oliveoiltimes.com
Pourquoi ce flou actuel autour du pouvoir pathogène de la bactérie Xylella fastidiosa sur vigne ?Anses : Il existe six sous-espèces de Xylella fastidiosa actuellement connues : « fastidiosa », responsable de la maladie de Pierce sur vigne, mais aussi « multiplex », « sandyi », « pauca », « tashke » et « morus ». Chacune d’entre elles a un certain nombre de plantes hôtes de « prédilection ». La souche isolée fin 2013 dans le Sud de l’Italie sur oliviers appartient à la sous-espèce « pauca ». Et ce n’est pas la sous-espèce connue jusque-là pour provoquer la maladie de Pierce sur vigne. Mais il y a une grande diversité génétique au sein des sous-espèces. La souche présente en Italie est pathogène sur olivier, laurier rose, amandier, cerisier et plusieurs espèces d’arbustes ornementaux…. En résumé, entre une sous-espèce de Xylella fastidiosa et une bonne plante hôte, il suffit parfois d’une seule rencontre…
Concernant la vigne, nous manquons encore d’éléments de réponse : nous ne savons pas si elle est pathogène pour les cépages français. Pour expliquer ce manque de données, rappelons que nous avons à faire à deux nouveautés : le fait que cette souche ait été découverte et sa présence confirmée pour la première fois en Europe fin 2013, et le fait que, pour la première fois, cette souche « pauca » s’attaque à des oliviers.
Les vignes italiennes sont jusqu'à présent indemnes de la maladie. Cela ne suffit donc pas pour écarter tout risque de contamination pour les vignes françaises ?Anses : Non. Le fait que les analyses réalisées sur vignes italiennes par les chercheurs n’aient révélé aucune présence de la bactérie ne suffit pas à dire qu’il n’y a pas de risque pour les vignes françaises. Chaque cépage est différent d’un point de vue génétique, on ne connaît donc pas le comportement de la souche italienne sur nos cépages.
Pour le savoir, des travaux collaboratifs sont actuellement menés à l’INRA d’Angers et au LSV, pour tester différentes souches de Xylella fastidiosa représentatives de la bactérie, en les inoculant sur différents cépages français, ainsi que sur d’autres espèces végétales d’intérêt économique. L’objectif est de déterminer leur niveau de sensibilité potentiel et ainsi évaluer le risque, pour la production agricole et la filière viticole, d’une introduction de la bactérie sur notre territoire.
Cette expérimentation nous servira aussi à vérifier si la vigne n’est pas « porteur sain », c'est-à-dire porteuse de la bactérie sans en exprimer les symptômes. Ces travaux sont financés en grande partie par la région Pays-de-la-Loire.
Quand en saura-t-on davantage sur le pouvoir pathogène de cette souche sur nos vignes françaises ?
Inra d’Angers : Le projet de recherche vient de démarrer, pour deux ans, et les essais de pouvoir pathogène sont en train de se mettre en place. Mais ils nécessiteront du temps avant de donner des résultats. Comme son nom l’indique, « fastidiosa », cette bactérie a un développement particulièrement lent, surtout sur plantes ligneuses. L’apparition des symptômes peut donc prendre plusieurs mois…
Quels sont les facteurs favorables à la présence de « Xylella fastidiosa »?Anses: Une plante hôte, un climat favorable – méditerranéen, avec des températures hivernales douces - et un insecte vecteur – le cercope des prés, assez commun en France et en Italie - sont les trois facteurs favorables à son développement.
En France, la Corse et la Provence seraient plus particulièrement exposées.
Pouvez-vous nous en dire plus sur les travaux actuellement menés par l'Anses sur la bactérie ?Anses : Le Laboratoire de la santé des végétaux d’Angers de l’Anses est celui qui procède à l’analyse des échantillons prélevés sur les plants importés d’Italie ou envoyés par les services de surveillance du territoire. Lauriers roses, oliviers, et beaucoup d’autres espèces d’arbres, provenant de Provence, de Corse, notamment, sont ainsi analysés, pour rechercher la bactérie et, le cas échéant, l’isoler.
Pour le moment, aucun échantillon reçu de ces provenances ne s’est révélé positif à la bactérie Xylella fastidiosa. Nous effectuons ces tests de détection sur l’ensemble des sous-espèces connues de la bactérie, grâce à la technique moléculaire de PCR en temps réel.
A signaler également que depuis la mise en place du plan de surveillance, le nombre d’échantillons reçus monte en puissance …