Maladie de Pierce : le vignoble français s'interroge, s'impatiente

actérie responsable de la maladie de Pierce, Xylella fastidiosa inquiète le vignoble français, qui sollicite unanimement des éclaircissements sur le risque d'entrée de ce fléau sur le territoire national. Repérée en Italie en automne 2013 sur oliviers et plantes ornementales, cette maladie de quarantaine n'a pourtant pas été observée sur vignes (la sous-espèce en cause n'ayant pas Vitis vinifera pour plante hôte). Mais les ravages provoquées par une autre souche dans le vignoble californien appellent à la prudence, la maladie de Sharka (Plum pox virus) faisant office d'épouvantail. Cette menace diffuse fait balancer le cœur du vignoble français entre principe de précaution (soit une mise en quarantaine) et attente de clarifications (l'ANSES doit tester prochainement la souche italienne sur plants). Confortant l'alerte publiée en 2014, la présentation rassurante de la DGAL lors du dernier conseil spécialisé de FranceAgriMer ne fait qu'attiser les impatiences et questionnements. « Aujourd'hui, il y a tellement d'incertitudes que les présentation d'éléments rassurants ne font pas oublier le manque d'éléments scientifiques probants » résume Jérôme Despey (président du conseil spécialisé). Un plan d'action viticole est annoncé pour le mois prochain, la priorité ayant été donnée aux filières actuellement concernées (oliviers et ornements).

Tour d'horizon des dispositions et interrogations sur le danger de X. fastidiosa.

En attendant le plan d'action...

Maladie de quarantaine sans traitement autre que l'arrachage, la maladie de Pierce est un danger reconnu par les autorités françaises, qui ont demandé un renforcement des mesures européennes de lutte à son encontre en janvier dernier. « La France demande une interdiction totale d'importation de matériel végétal depuis les pays tiers contaminés (Argentine, Uruguay...) et une surveillance accrue pour les matériels sensibles venant d'Italie » résume Jacques Grosman (expert national de la filière vigne pour la DGAL). Pour permettre leur déplacement au sein de l'Union européenne, les oliviers et plants ornementaux italiens doivent désormais être accompagnés d'un passeport phytosanitaire. La souche trouvée en Italie (Xylella fastidiosa pauca) n'étant pas la sous-espèce agressive sur vignes (X. fastidiosa fastidiosa), la mise en place d'un plan d'action viticole n'a pas été une priorité. « Le risque d'une contamination sur vignes en France est faible aujourd'hui » confirme Jacques Grosman, qui s'empresse de préciser qu'il se fonde « sur ce que l'on a de connaissances scientifiques actuelles ».

Loin d'être arrêté, le plan d'action pourrait mettre en place un traitement à l'eau chaude obligatoire des bois italiens importés en France. Si la vigne n'est pas un véhicule avéré de la souche présente en Italie, le spectre de plantes hôtes de cette bactérie pousse à la prudence. Plus globalement, un plan national de surveillance est déjà en place, devant prévenir l'entrée du pathogène, préparer les services de l'Etat à gérer une contamination et mobiliser les acteurs de la filière.

... les demandes de clarification pleuvent

Se voulant rassurantes, ces mesures ne suffisent pas apaiser les opérateurs, qui s'inquiètent autant qu'ils s'impatientent de voir un calendrier aussi allongé. « A l'heure actuelle il faut une clarification et des garanties de la part des pouvoirs publics. En cas de danger, il faut prendre la mesure des précautions nécessaires à l'égard du matériel italien. Le vignoble français n'a pas besoin d'un fléau supplémentaire ! » alerte David Amblevert (président de la Fédération Française des Pépiniéristes Viticoles). Les demandes de précision sont partagées par tous, mais certains souhaitent aller bien plus loin et vite dans la prévention de X fastidiosa.

« Vaut-il mieux rentrer des plants de vigne ou de la maladie de Pierce ? » demande ainsi Xavier Desouche, résumant le principe de précaution érigé par son syndicat, la Coordination Rurale. qui en appelle à l'arrêt des importations d'oliviers italiens et des analyses poussées pour chaque lot de ceps importé. Un contrôle sanitaire renforcé afin d'empêcher l'entrée de X. fastidiosa en France. « Nous sommes partisans de la prudence eu égard à la dangerosité de ces souches » avance Xavier Desouche, « a priori elles sont extrêmement pathogènes et avec large spectre de plantes hôtes. Si l'on ne peut pas s'avancer par manque d'éléments scientifiques, ce qui est sûr, c'est que plus on attend, plus les risques s'accroissent. »

« Aucune mesure de précaution ne peut-être justifiée » tempère Loïc Breton (VCR France, antenne hexagonale du pépiniéristes coopératif italien). Jugeant hâtive et excessive une demande de mise en quarantaine, il souligne qu'en Italie « la maladie de Pierce n'a pas été transmise sur la vigne. La superficie du vignoble dans les Pouilles est de 100 000 hectares en raisins de cuve et 30 000 hectares en raisins de table. Sur toute cette superficie, aucun symptôme de maladie de Pierce n'a été révélé. » Rappelant le sérieux des analyses sanitaires italiennes, il ajoute que la pépinière Vivai Cooperativi Rauscedo se trouve dans le Frioul (Nord Est de l'Italie), alors que les Pouilles sont au talon de la botte italienne.

 

 

[Illustration : Pif le chien de José Cabrero Arnal]