arché mûr, sûr et solvable, l'Allemagne est aussi un marché de prix où le réseau du hard discount domine le marché du vin. Marché à fort pouvoir d'achat, tourné vers le bio, avec une population de 16-35 ans attirée par le vin, l'Allemagne reste un marché à fort potentiel, mais très concurrentiel.
L'Allemagne produit en moyenne 9 millions d'hectolitres (Mhl) de vin par an, en exporte une petite partie, mais importe la majorité des 20 Mhl qu'elle consomme chaque année. Une récolte historiquement faible en 2010 avait causé une hausse des prix très malvenue dans la récession post-2008. Depuis, cinq ans ont passé. L'économie allemande va mieux, affiche une croissance du PIB de 1,6 % en 2014. La confiance des ménages revient, le pouvoir d'achat aussi. Peut-on croire à une montée en gamme du marché allemand ? Et si oui sur quels circuits de distribution ?
Les cavistes et la vente directe devront compter (aussi) avec InternetToujours selon l'étude Mintel citée par The Drinks Daily, les deux segments de la population allemande qui montrent le plus d'intérêt pour le vin sont les 25-35 ans et les 55 ans et plus. Et la moitié des 16-24 ans a aussi déclaré être prête à payer plus cher un vin de meilleur qualité.
La Riesling Renaissance qui a marqué les décennies 2000-2010 a amené ces jeunes générations au vin en commençant par la redécouverte de leur production nationale pour explorer ensuite d'autres horizons. Aujourd'hui, les 16-24 et 25-35 ans sont peut-être plus ouverts sur la nouveauté, la découverte de régions de France ou d'Italie, les pays du Nouveau-Monde, des vins moins sucrés, plus alcoolisés que ceux vers lesquels le public allemand se tourne traditionnellement (« 40 % des vins rouges en GMS sont au-dessus de 30 g/l », rappelle Klaus Herrmann) que leur aînés. Ils sont peut-être plus désireux d'apprendre dans des événements à la fois festifs, pédagogiques et interactifs (cf. chiffres sur la consommation hors domicile citées plus haut), plus enclins à partager leurs expériences du vin sur les réseaux sociaux, à souhaiter entrer en contact direct avec les producteurs mais aussi à se tourner vers l'expertise d'un caviste.
Les ventes chez les cavistes, ne représentent que 6 % des ventes de vin en Allemagne mais avec un prix moyen de 10 € la bouteille, ils tirent les prix vers le haut. Les deux principales chaînes sont Jacques’Wein Depot, qui compte plus de 200 magasins, Vom Fass, avec près de 150 magasins. Ces chaînes sont inégalement actives sur les réseaux sociaux : Jacques'Wein Depot compte moins de 200 likes sur Facebook alors que Vom Fass compte plus de 2300 followers avec des comptes boutiques très actifs.
Entre leur appétit pour le tourisme et une réelle maîtrise de l'outil Internet, les 55 ans et plus n'échappent pas à cette analyse d'un consommateur tourné vers la découverte.
Enfin, la quête d'authenticité, de contact direct pourrait être de bonne augure pour un développement de la vente directe, qui ne représente que 8 % des ventes de vin en Allemagne. Au sein des ventes de vin allemand, stricto sensu, ce canal représente cependant 15 % des ventes, à un prix moyen de 6€, ce qui en fait un canal à fort potentiel que les producteurs souhaitent développer, notamment via l'oenotourisme. On pourrait ainsi voir l'émergence d'une clientèle habituée aux achats en direct encore plus significative. Les contraintes logistiques, fiscales et administratives, même au sein de l'Union Européenne, constituent cependant encore un frein pour le développement des ventes directes avec achat sur le site Internet d'un producteur français. Reste le tourisme en France, qui fait de chaque visiteur allemand en vacance un ambassadeur potentiel...
Il existe par ailleurs de nombreux sites marchands de vin en Allemagne, certains reliés à de grandes enseignes, aux chaînes de cavistes sus-nommées ou encore spécialisés sur les vins français comme pinard-de-picard.de (meilleur caviste 2010 en Allemagne malgré un nom détonnant) ou Le Club Français du Vin, qui a une présence non-négligeable en Allemagne. Comme partout ailleurs en Europe, les ventes de vin sur Internet connaissent un développement encourageant et à suivre.
[ Sources : Meininger - Wine Business International, Wine+Markt, Prowein, OIV, Vinogusto, Sud de France Développement, Observatoire Viticole de l'Hérault ]
Hard-discount et grande distribution : prix moyen en hausse entre guerre des prix et références premiumLe hard discount représente « entre 35 % et 50 % des ventes de vin sur le marché allemand, selon qu'on y inclut ou pas le soft discount. Si on y ajoute la grande distribution, ce sont trois bouteilles sur quatre qui sont vendues sur ces réseaux en Allemagne pour la consommation à domicile. Chaque jour, Aldi vend 1,7million de bouteilles de vins soit 20% du marché », explique Klaus Herrmann, rédacteur en chef du magazine Wein+Markt.
Avec des marques propres, négociées en vrac, embouteillées à destination, les hard discounters conçoivent des gammes resserrées autour de quelques références de pays peu chers d'un côté (Espagne, Chili et Afrique du Sud en tête) et marqués tradition et qualité de l'autre (Italie et France sont là en bonne place). Le prix moyen des vins importés en vrac en Allemagne est de 1,7 €/l.
Pas de quoi faire rêver le consommateur ? Pas si sûr : avec un prix moyen de la bouteille à 2,6 € en 2013 (en hausse, il était en-dessous de 2 € en 2009 ), un niveau de qualité correct et constant, les marques de hard discount présentent un rapport qualité-prix imbattable. En outre, ce prix moyen tend à augmenter depuis 2010. Cette orientation à la hausse s'effectue sous l'effet de faibles disponibilités allemandes avec la petite vendange cette année-là, mais aussi, dans le même temps, avec l'introduction de vins d'appellations (allemandes et étrangères) au-dessus de 10€. Le hard discount investit ainsi le segment premium pour compléter son offre. Reste que 70 % des ventes de vin en hard discount concernent toujours les références en-dessous de 4€.
Le prix moyen en grande distribution est supérieur, à 3,8 €. Le développement de marques propres tire ce prix vers le bas dans le contexte de la concurrence avec... le hard discount.
Les signaux positifs sur le marché allemand pourraient cependant venir directement du consommateur, en dépit des efforts des enseignes pour le contenter sur le prix.
Un consommateur allemand prêt à payer plus cherEn effet, les études menées par les enseignes (et plus récemment une enquête Mintel dont les résultats ont été commentés dans un article de The Drinks Daily), le consommateur allemand se dit prêt à payer plus cher un vin de meilleur qualité et qu'il identifierait comme « plus authentique ». Dans l'étude Mintel, 24 % des consommateurs interrogés ont cité un bas prix du vin comme un critère d'achat essentiel, alors que 61 % se sont dit prêts à payer plus cher un vin de bonne qualité. Faut-il croire les répondants ? Il faut croire que oui : alors que le prix moyen, tout réseau de distribution confondu, reste autour de 3 € (à cause du poids du hard discount et de la GD), le segment des ventes de vin au-dessus de 6 € a doublé sa part de marché entre 2013 et 2014, passant de 8 à 16 % des ventes. « Le consommateur allemand se méfie toujours plus des produits issus de filières de masse, le vin n'échappe pas à la règle. Le consommateur se tourne volontiers vers un produit plus cher pourvu que son origine et sa production lui paraisse plus fiable », explique Katya Wiltham pour Mintel.
Autre constat d'ensemble : avec l'embellie économique, les Allemands se disent toujours enclins à consommer du vin à la maison, entre amis (42 %) ou pas (38 %) mais confessent davantage d'envie de sorties pour faire la fête (24 %) et participer à des événements (19 %) au cours desquels ils consomment du vin. Il y a encore cinq ans, ces chiffres montraient une préférence plus nette pour la consommation à domicile (qui dépassait les 50 % d'occasions de consommation, qu'il s'agisse de consommer dans un cadre relax entre soi ou festif en famille et/ou entre amis). Une progression des ventes est donc à espérer pour une consommation hors-domicile, en CHR (qui représente 15 % de la valeur et 18 % du volume du marché allemand du vin dans son ensemble).