'open data et le big data sont des sujets tendance. Qu'en est-il du sujet en viticulture ? Eric Robin, du Pôle de Compétitivité Qualiméditerranée est au cœur de la réflexion de ce que l'utilisation en masse de données pourrait apporter à la viticulture et l'agriculture en générale.
*La pétrodonnée : « Terme consacré par le pôle de compétitivité Qualiméditerrannée pour qualifier une donnée à fort potentiel de valeur ajoutée, qui par analogie au pétrole, une fois traitée, sera utilisée comme carburant par les entreprises du secteur numérique au 21ème siècle comme l’a été le pétrole pour l’industrie du 20ème. »
Crédit photo : Eric Robin
Aujourd'hui, en France, les données météorologiques sont produites de manière éclatée et coûteuse. Vous souhaitez une libéralisation de la donnée climatique. Pourquoi ?La donnée climatique est le carburant des services agroenvironnementaux. Nous la considérons comme une pétrodonnée car elle est la base de la création de modèles qui permettent aux viticulteurs de prévoir l'apparition d'une maladie, de piloter leur irrigation… Sans ces données, le développement d'objets connectés (tracteurs, drones...) ne pourra pas prendre une forme aboutie. Qualiméditerranée a lancé cet été un cercle d’innovations « services numériques à l’agriculture » constitué de spécialistes du monde de l’entreprise, de l’enseignement, de la recherche et de professionnels du monde agricole. Nous avons mené une étude dans le cadre de la 3S en LR (spécialisation intelligente de la région Languedoc Roussillon) dont les conclusions sont sans appel : sans libérer l’accès aux données climatiques, le développement de nouvelles formes de viticulture (plus respectueuses de l’environnement, plus économiques et plus rentables) ne se fera pas.
Nous réclamons cinq types de données : les précipitations, le vent, la température, l'humidité relative et les radiations solaires (le tout à fréquence horaire avec un maillage au plus proche de celui de la parcelle).
Qu'en est-il Outre-Atlantique ?La France prend du retard par rapport aux Etats-Unis. Pour ne citer qu'un seul exemple, celui de la Californie, l'Etat a financé l'accès gratuit aux données climatiques. Des entreprises françaises comme Fruition Sciences utilisent ces données pour vendre des modèles de prédiction aux viticulteurs californiens. En France, l'obligation de faire de Météo France une entreprise qui ne perd pas d'argent, conduit à ce que les données soient monétisées. Mais c'est sans compter les avantages induits par une gratuité des données météorologiques qui peuvent servir à la prévision des risques météorologiques, la Santé (dissémination des pollens,...), le tourisme ou l'urbanisme. On s'est fourvoyé en vendant les données climatiques. Les modèles d'organisation avec des données gratuites créent bien davantage de richesse.
En quoi les objets connectés sont un enjeu pour la viticulture ?Demain, la composante technologique sera une donnée importante. Elle se vendra mieux qu'aujourd'hui, notamment dans le cadre de l'exportation des vins. La composante technologique sera un élément de valorisation supplémentaire. Aujourd'hui, on peut considérer que la viticulture a pris du retard dans l'adoption des technologies connectées. Elles sont l'apanage de grands châteaux qui les utilisent moins par conviction que pour ne pas passer à côté de quelque chose. Il a un réel enjeu à faire en sorte que toutes les entreprises, les exploitations viticoles quelles que soient leur taille accèdent à ces outils.
Le SIMA vous a demandé de rêver un peu à l'horizon 2050. Pour vous, à quoi ressemble le futur de l'agriculture connectée ?Plus que jamais, la donnée météorologique sera au cœur du pilotage de l'agriculture. Changement climatique, raréfaction des matières premières, progression des zones urbaines... sont autant d'enjeux où il faudra savoir anticiper le besoin des cultures avant qu'elles en expriment le besoin. Pour produire ces données essentielles aux modèles de prévisions, les entreprises et la recherche auront travaillé sur l'organisation en réseau de stations météorologiques connectées. La technologie viendra améliorer la qualité des données et baisser leur coût de production grâce aux capteurs « low cost », à de nouveaux radars pluviométriques et des « stations météorologiques virtuelles ». L’agriculture connectée sera au service de nouvelles formes d’agriculture respectueuses de l’environnement, économiques et rentables.