e salon Millésime Bio a refermé ses portes le 28 janvier 2015. Unique et incontournable, le salon des vins bio du monde entier est le moment idéal pour prendre le pouls de ce marché, qui fut de niche et ne l'est plus. Grands équilibres production/consommation, enjeux et contraintes techniques, perspectives d'avenir, voici un tracé des grandes tendances du marché du bio.
Crédit photo : http://www.foodme.fr/pages/boisson/Le-vin-%C2%AB%C2%A0bio%C2%A0%C2%BB,-grand-imposteur-!/3
Production : l'Europe toujours devantDans la liste des plus grandes surfaces de vignes cultivée en bio, l'Espagne mène historiquement. Le pays a dépassé, en 2012, la barre des 80 000 ha, suivie par la France (64 000 hectares), l'Italie (57 000 hectares) et les Etats-Unis (11 448 hectares), d'après l'Institut de recherche de l'agriculture biologique – FiBL et l'Agence Bio. 89 % des vignobles bio européens se trouvent dans ce peloton de tête. L'Autriche, en revanche, possède le vignoble où le bio représente la plus grande part (11 % contre 8,5 pour la France...mais l'Autriche compte en tout 46 000 hectares de vignes dont 5000 en bio, donc).
La majorité des vins bio espagnols et italiens est vendue à l'export, le marché des vins bio est particulièrement limité en Espagne où il ne représentait que 0,6% du marché du vin en 2012.
La production de vin bio progresse également dans le Nouveau Monde, où l'on trouve les exemples de propriétés les plus vastes exploitées en bio et notamment la Viña Emiliana de Concha y Toro, au Chili, bodega composée de 630 ha cultivés en biodynamie et de 370 ha cultivés en bio.
Le rythme soutenu des conversions en bio génère des inquiétudes sur la stabilité des prix, mais la demande progresse suffisamment rapidement pour l'instant. Le marché des vins bio reste florissant.
De 2010 à 2013, ce sont les ventes de vins qui ont connu les taux de croissance les plus élevés (+56%), devant l'épicerie et autres boissons (+36%). Rien que sur 2012/2013, les ventes de vin bio ont progressé en France de 22 % d'après l'Agence Bio « et cette hausse du chiffre d'affaires est directement corrélée à une hausse des ventes en volume car les prix sont restés stables », précise l'Agence Bio. Dans le même temps, les ventes de vins bio progressent de 20% au Canada, de 18 % en Suède, de 10 % aux Pays-Bas, de 8 % au Danemark et de 4 % aux Etats-Unis (chiffres Prowein).
En 2013, les importations de vin bio représentaient 193 millions d'euro soit 5.2% des importations américaines en bouteille, dont 46.1% de rouge tranquille, 32.7% de blanc tranquille et 21.2% de vins effervescents.
France et Allemagne : en tête et en progressionLa France est le premier marché de consommation en valeur (chiffre d'affaire hors restauration : 413 millions d’euros pour 2012 (+15% vs2011 et +28% vs2010). Le marché allemand du vin bio (hors vente directe et restauration) représentait, quant à lui, 198 millions d’euros pour 2012 (+14% vs2011 et +28% vs2010), soit 6% du marché allemand du vin en valeur et 4,5% en volume. L'Allemagne talonne la France de bien plus près en volume qu'en valeur, car les acheteurs de la grande distribution, et en particulier du hard discount, pèsent de tout leur poids, déterminant en Allemagne sur les prix. Le premier réseau de commercialisation des vin bio reste la distribution spécialisée, suivie par les cavistes, mais la grande distribution et le hard discount développent leur gamme de vins bio avec une réel succès commercial.
Alors que la France est autosuffisante, moins de 20 % du marché allemand des vins bio était satisfait par la production allemande. Comme la progression de la demande est plus rapide que celle des conversions allemandes, cette part recule d'année en année : 18 % en 2011, 15 % en 2013...
L’Allemagne est la principale destination des vins bio espagnols et italiens avec une demande centrée sur le vin rouge léger (en couleur, en degré, en intensité aromatique).
Royaume-Uniet Scandinavie : trois marchés prometteurs
Au Royaume-Uni, la part des vins bio est estimée à 2% en volume sur un marché où les importateurs, grossistes et distributeurs jouent un rôle essentiel.
Sur le marché britannique, le bio se portait mal depuis 4 ans et a relevé la tête en 2014 avec une progression d'ensemble de 2,8 % qui ne profite pas aux ventes de vin, en recul de 7,6 %. Pour Jem Gardener, fondateur de Vinceremos, cité par le magazine Harper's, importateur de 300 références de vins bio : « on le sait, quelqu'un qui s'intéresse moyennement au bio revient au conventionnel pour le prix en temps de crise. L'affaire de la viande de cheval a fait revenir de la clientèle au bio malgré le prix. (...) Les enseignes continuent de sortir des produits bio de leur portefeuille. Nos ventes ne progressent pas (Vinceremos réalise 80 % de ses ventes auprès de grossistes et distributeurs) mais nous voyons aussi de nombreux signaux positifs pour l'avenir. Il faut laisser à ces jeunes pousses le temps de croître. »
Autres marchés prometteurs en Europe : les marchés scandinaves et notamment le marché suédois où les vins bio ont atteint une part de marché de 4,7% en volume (restauration hors foyer non comprise), contre 2,6% en 2008 et qui continue sa progression avec une part beaucoup plus importante, estime l'Agence bio, en restauration hors domicile.
Pour Jörn Ek, directeur de la divistion huile et vins de l'importateur Arvid Nordquist « il y a des demandes, de la restauration et du monopole Systembolaget, pour les vins bio. L'argument essentiel reste la qualité », tempère-t-il, mais après le BiB, le bio pourrait être la prochaine grande tendance du marché suédois.
Au Danemark, marché mûr pour la consommation bio en général, la part des vins bio reste encore modeste : entre 2% et 3% des volumes de vins en 2012. Elle a doublé depuis 2010... Marché à suivre donc, d'autant que la prise de conscience environnementale y est importante.
Nouveaux marchés, nouveaux consommateurs : le défi marketing pour un vin sorti de sa nicheEn Allemagne comme en France, « l'acceptation massive » du bio par le consommateur signe la fin de l'étape du marché de niche. Nouveaux marchés, nouveaux consommateurs : les études marketing se multiplient pour identifier les besoins et les attentes du consommateur de vin bio.
Les études allemandes menées notamment par l'équipe du Professeur Hamm à l'Université de Kassel sont édifiantes du point de vue de l'évolution des préférences exprimées par le consommateurs (le Pr Hamm a sorti ses premières études en 2005). Elles font état d'un consommateur de produits bio enclin à aller vers le vin bio mais avec une préférence pour le vin bio qui décroît avec l'intérêt pour le vin : même un consommateur de produits bio est moins enclin à aller vers le vin bio dès lors qu'il s'y connaît en vin. D'autres critères que le bio entrent alors en compte et notamment le millésime, le cépage et le vigneron, qui prennent le dessus.
Auprès d'un public mûr et connaisseur, il y a donc encore des efforts de communication à faire sur la qualité des vins bio. Concomitamment, l'étude déconseille fortement les approches d'entrée de gamme ou de conquête par le bas prix pour les vins bio, pour lesquels un petit prix apporte quelque chose de suspicieux sur la qualité du label bio. Les consommateurs interrogés se sentaient plus en confiance et plus enclins à acheter du vin bio dans le segment cœur de gamme (4.99 € - 6.99 €) qu'en entrée de gamme (2.99 €).
Le recours au label bio par opportunisme commercial répugne d'ailleurs un certain nombre de producteurs, prescripteurs et consommateurs. Levi Dalton, sommelier et réalisateur du podcast I’ll Drink to That raconte : « J'étais dans un supermarché Whole Foods en Californie et j'ai vu cette bouteille en rayon à 10 $, lourdement étiquetée « Organic », je suis allé voir le site du domaine qui se prétendait « le premier domaine organic/bio des Etats Unis », proposait une liste de 17 vins tous estampillés "Organic" dès le premier mot de la description. Le tout donnait le sentiment que le domaine avait mis de l'"organic" partout au point de l'apparier à sa propre marque et d'utiliser intensivement toutes les occasions d'affirmer ce positionnement. Pour moi, il y a au moins deux sens au mot « organic » : l'un désigne un mode d'exploitation agricole qui répond à un cahier des charges précis. L'autre ne parle que de marketing. Certains domaines appliquent les deux sens du mot. D'autres en appliquent un et oublient l'autre. »