Vins de Bourgogne : les ventes des Hospices de Beaune et le « vrai » marché

e 16 novembre avait lieu la 154ème édition de la célèbre vente aux enchères des Hospices de Beaune. Avec un total de 8 millions d'euros de chiffre d'affaires, soit un prix moyen de 13.750€ pour une pièce (228 litres), le record est à nouveau battu. Mais ces prix, issus d'une vente "exceptionnelle" et concernant quasiment que des grands ou premiers crus de Bourgogne, ne doivent pas être considérés comme un indicateur des prix du marché "réel".

Explications.

 

 

[Crédit photo: Christie's]

Record à nouveau battu pour la vente aux enchères des Hospices de Beaune 2014

Record à nouveau battu pour la 154ème vente aux enchères des Hospices de Beaune, qui s’est déroulée hier dimanche 16 novembre ! Un total de 8.082.525 €, soit 8 millions d’euros, a été enregistré comme chiffre d'affaires. En 2013, la vente avait totalisé la somme de 6,3 millions d’euros, soit une augmentation de +28% par rapport à 2013. Autre record battu : celui du montant obtenu pour une pièce*, le « Clos de la Roche cuvée Cyrot-Chaudron », partie pour 74.900€, frais compris. Côté acheteur, ce sont en premier lieu les négociants bourguignons - et principalement la maison Albert Bichot - qui se sont portés acquéreurs : ils ont acheté pour 62% en valeur de la vente 2014. Les collectionneurs privés représentent 38%.

Deux éléments expliquent cette augmentation du chiffre d’affaires : le nombre de pièces mises en vente d’abord : 534 étaient proposées cette année, contre 443 l’an dernier. L’autre raison : une hausse de +5,6% du prix moyen des vins vendus par rapport à l’an dernier…Une hausse liée essentiellement à celle des prix moyens des vins blancs, de +14,6%, à l’image de ce « Corton Charlemagne cuvée François de Salins » partie cette année pour un montant de 38.000€ H.T, contre 32.000€ l’an dernier. « Un peu comme l’année précédente, il y avait très peu de pièces de blancs mises en vente – 117 au total - en partie à cause de la grêle qui s’est abattue fin juin sur la côte de Beaune. Or la plupart des vignes du domaine se situe dans cette zone », indique Pierre Gernelle, directeur général de la Fédération des négociants éleveurs de la Grande Bourgogne. Quant aux 417 fûts de « grands » et « premiers crus » de Bourgognes rouges, ils n’ont vu leur prix moyen progresser « que » de 3,4%. 

Des prix qui ne sont pas « forcément représentatifs » et qui restent « déconnectés » du marché, rappelle Pierre Gernelle : « Ces prix sont pratiqués dans le cadre d’une vente prestigieuse, organisée par Christie’s, en contact avec une clientèle internationale ; elle a donc quelque chose d’exceptionnel ». Les prix des vins blancs sont par ailleurs ceux de « grands » ou « premiers crus », qui constituent l’essentiel des surfaces plantées en blanc des Hospices de Beaune, mais qui ont aussi été grêlées cette année : « cela ne peut donc pas représenter un signal pour le marché », renchérit celui-ci. Plus généralement, cette vente donne plutôt des tendances sur les premiers et grands crus, mais pas sur l’ensemble de la Bourgogne », indique Pierre Gernelle.

 

*Une pièce = 1 fût de 228 litres

Une récolte 2014 « normale » pour reconstituer les stocks de tout le monde

Concernant le "vrai marché" justement, quel est donc l'impact de la nouvelle récolte sur les prix, annoncée comme "normale", autour de 1,5 millions hl ? Même si les opérateurs sont désormais fixés sur son volume, « Il est encore trop tôt pour le dire, répond Philippe Longepierre, responsable du service économique au BIVB. Les prix des transactions ne sont pas représentatifs : la campagne n’a pas encore vraiment commencé. Il faudra attendre janvier ou février pour avoir les tendances du marché ». Ce que peut par contre dire le BIVB, c'est que la récolte 2014 devrait permettre un « retour à la normale des stocks », soit l'équivalent de 10 à 11 mois d’une récolte normale.

En terme de volumes échangés, le niveau transaction sur les deux premiers mois de campagne est en nette hausse par rapport à l’an dernier (+30%), mais comparable à celui de la campagne 2011-2012, année qui était aussi plus proche en volume. « On est donc sur un démarrage plus précoce par rapport à 2013, mais qui reste prudent, poursuit celui-ci. Le négoce comme les viticulteurs ont besoin de reconstituer leurs stocks qui étaient descendus au plus bas depuis une dizaine d’années ». Le retour à une quantité « normale » de récolte laisse aussi entrevoir, pour certains opérateurs, le retour sur certains marchés perdus: le circuit des "discounters" français et allemand notamment.

 

« La récolte 2014 devrait permettre de « faire du bien » à tout le monde, entreprises comme clients, résume Philippe Longepierre. Pour les viticulteurs et les négociants, les faibles récoltes ont quand même eu comme conséquence une baisse réelle du chiffre d’affaires et des marges pour les entreprises ; il y en a beaucoup qui ont souffert ». Selon l'expert, la campagne 2013-2014 aura par ailleurs permis une certaine prise de conscience : "Production comme négoce ont pris conscience qu’une évolution vraiment importante des prix, en très peu de temps, n’était pas positive pour tout le monde… ». Reste désormais à savoir si celle-ci servira à revenir à des niveaux de prix plus « raisonnables » tant espérés par le négoce, pour la campagne en cours et à venir... Rendez-vous dans deux mois pour le savoir.