Revue de presse : La Californie, la Californie

a Californie viticole occupe le devant de la scène médiatique. La manière dont les producteurs gèrent les conséquences du tremblement de terre, un éventuel moratoire sur les plantations, le salut à la baronne Philippine de Rothschild décédée et qui fut une ambassadrice de Bordeaux outre-Atlantique sont un écho des liens entre le vin californien et l’école française.
Catherine Bernard

La Californie après le tremblement de terre

En quelques décennies, le vin est devenu un pilier de l’économie et de la vie californienne. Le tremblement de terre de magnitude 6 sur l’échelle de Richter qui a secoué dimanche 24 août le conté de Napa est venu le rappeler. « C’est un avertissement pour toute la communauté de Napa et Sonoma », souligne Decanter. Le magazine rappelle : « Selon les géologues, la région de San Francisco est appelée à subir des tremblements de terre majeurs à des points particuliers. En conséquence, Napa et Sonoma doivent investir pour protéger au mieux les wineries ». Néanmoins, et l’on reconnaît bien là l’Amérique, « les gens d’ici sont pleins de ressources, ils trouveront des solutions adaptées ». Dès le 26, les sociétés d’assurance et de réassurance ont fait marcher leurs calculettes. Les Echos citent les estimations de la société américaine de modélisation des risques CoreLogic Eqecat : « Les dommages causés aux habitations pourraient représenter entre un quart et la moitié de la charge pour les assureurs. Mais « il y a un grand degré d’incertitude » concernant les interruptions d’activité, ce séisme d’une magnitude de 6 sur l’échelle de Richter ayant touché la vallée du Napa, une région viticole très touristique au nord de San Francisco. Les dommages causés à l’industrie viticole et les pertes commerciales pourraient faire grimper cette première estimation au-delà du milliard de dollars ». Fidèles aux valeurs qui ont fondé les Etats-Unis, « la Napa Valley Vintners (syndicat de distributeurs), annonçait dès le 28 dans Decanter, « la création d’un fonds de donation de 10 millions de dollars pour aider les producteurs et habitants touchés ». Très vite aussi, selon les Echos du 28 août, « les organisations professionnelles, en tout cas, font passer un message : les amateurs de vin ayant prévu une visite ne doivent pas annuler. Le tremblement de terre est survenu à un moment particulièrement important, alors que les vendanges ont commencé pour le raisin blanc. Clay Gregory, président de Visit Napa Valley, qui promeut le tourisme dans la région, veut rassurer : « Très clairement ce qui est arrivé est une chose déplorable, et cela a eu un impact sur certains vignobles et certaines maisons. Mais ce n'est pas une catastrophe ». Cate Conniff, qui assure la communication de Napa Valley Vintners, qui représente 500 producteurs, se veut, elle aussi, philosophe : « En fin de compte, les viticulteurs, ce sont des agriculteurs. Le tremblement de terre a été une manifestation particulièrement forte de Mère nature, mais ils ont affaire à elle chaque jour ». C’est d’ailleurs avec ce titre « Napa accueille les visiteurs après le tremblement de terre » que Wine-searcher aborde le sujet : « Plus de 95% des hôtels, des restaurants et des wineries sont ouverts », écrit W. Blake Gray. Le journaliste poursuit : « Il est important de répéter aux consommateurs que le tremblement de terre n’aura pas de conséquences sur les prix et l’approvisionnement en vin ».

La Californie tentée par le malthusianisme viticole

C’était quelques jours avant le tremblement de terre. Wine Searcher s’interrogeait : « Napa Valley pourrait mettre un frein à la création de nouvelles wineries ». « Avec plus de 500 wineries dans la vallée de Napa, les leaders se demandent si le temps d’un moratoire ne serait pas advenu. La question a été abordée à l’issue d’une réunion du conseil d’administration du comté de Napa. Le directeur de la planification, David Morrison, précisait que le rythme de création des wineries était maintenant de l’ordre de 23 par an et devrait s’accélérer dans les prochaines années avec des constructions plus ambitieuses, ouvertes aux visiteurs ». Wine searcher rappelle qu’en « 1968 le comté de Napa était encore agricole et préservé par les lois qui interdisait toute construction à l’extérieur de la ville à l’exception des wineries ». « Laisser faire la croissance risque de mettre en péril les wineries existantes ». Dans le même temps, à l’autre bout de l’Etat de Californie, le comté de Los Angeles envisage de « limiter l’expansion du vignoble de Malibu ». « Ah la Californie, ses célébrités, ses vignobles, ses collines, ses cieux littéraires. Manifestement, les autorités s’en moquent. Oui, le comté de LA, là où furent plantées les premères vignes de Californie, plutôt que de préserver l’héritage, envisage d’interdire la plantation de nouvelles vignes et d’arracher des existantes. Serions-nous tentés par l’Europe ? Les résidents de Malibu devront-ils acquérir des droits de plantation comme en Europe ? La logique n’est pas claire, mais il semble que seuls les vignobles travaillant en bio seraient tolérés », s’indigne Dr Vino. Aucun modèle n’est parfait, indéfiniment.

Décès de Philippine de Rothschild qui traversa l'Atlantique

« Une légende de Bordeaux, la baronne Philippe de Rotschild s’éteint à 80 ans », salue d’outre-Atlantique le Wine Spectator. L’article est illustré par une Une du magazine où la dame trône en couverture. « Philippine était une étoile brillante et persévérante, s’incline Marvin R. Shanken, éditeur du magazine. A la tête de Baron Philippe de Rothschild depuis 1988, elle a élevé Mouton et les autres propriétés à un haut niveau de qualitatif et était l’une des grande figures de Bordeaux. Elle a aussi joué un rôle majeur dans Opus One, la winery de Napa Valley que son père avait fondé avec Robert Mondavi et sa famille ». Globalement, toute la presse française salue la dame. « Philippine de Rothschild, figure emblématique des vins de Bordeaux, propriétaire avec ses enfants de trois grands crus classés à Pauillac dont Château Mouton Rothschild, est décédée dans la nuit de vendredi à samedi à l'âge de 80 ans », rappelle Le Figaro. Le quotidien La Croix retrace son parcours, « exceptionnel »: « Sous l’Occupation, la fille unique du baron Philippe de ­Rothschild, qui a rejoint le général de Gaulle en Angleterre, échappe de peu à la mort. Sa mère est arrêtée sous ses yeux par les Allemands, en juillet 1944, pour être déportée au camp de Ravensbruck, dont elle ne reviendra pas. Philippine de Rothschild fut d’abord une femme de théâtre, sous le nom de scène de Philippine Pascal. Lauréate du Conservatoire de Paris, elle entra à la Comédie-Française en 1958, puis rejoindra en 1973 la Compagnie Renaud-Barrault. Mais en 1988, à la mort de son père, elle quitte les planches pour reprendre le domaine familial, acheté en 1853 par le baron Nathaniel de Rothschild, le fils du fondateur de la branche anglaise de la dynastie. Elle y consacrera le reste de sa vie, à l’image de son père qui en avait pris les commandes en 1922, à 20 ans ». Vitisphere donne un aperçu de ce que fut sa personnalité : « La baronne était portée par le miracle qui lui avait permis d'être épargnée. « Si le nom de Rothschild avait été essentiel dans mes choix de vie, je n'aurais jamais fait ce que j'ai fait », avait-elle déclaré. Car elle était bien décidée à vivre une vie qui lui appartiendrait. Son autre moteur : l'amour de son père, qui avait approuvé son choix d'embrasser la carrière d'actrice, à une condition, toute rothschildienne cependant : « Si tu le fais, fais le mieux que les autres ». Car quand on est une Rothschild, que l'on soit banquier d'affaire ou acteur, on est soliste ou on change de branche. On s'interdit la médiocrité et les positions de second couteau (d'ailleurs Mouton quittera les seconds (grands crus classés) pour les premiers en 1973) ». Dans Le Point, Jacques Dupont trempe personnellement sa plume : « Elle n'avait pas le caractère facile, celle que tout le monde au Château Mouton Rothschild ne désignait que sous le titre de Madame. Exigeante, capable de grimper dans les tours, comme une Formule 1, pour une assiette mal placée sur une table ou un rendez-vous mal pris, Philippine savait se faire pardonner par la chaleur de son amitié. Elle disparaît après avoir réussi sa grande oeuvre, la mutation technique du Château, refonte complète des chais de vinification et d'élevage, accompagnée d'une mise en valeur parfaitement réussie du musée de Mouton ».