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François Dal : « pour les maladies du bois, la mauvaise taille est un facteur aggravant... parmi d'autres ! »
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François Dal : « pour les maladies du bois, la mauvaise taille est un facteur aggravant... parmi d'autres ! »

Par Alexandre Abellan Le 14 mars 2014
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François Dal : « pour les maladies du bois, la mauvaise taille est un facteur aggravant... parmi d'autres ! »
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n 2008, le Service Interprofessionnel de Conseil Agronomique, de Vinification et d'Analyses du Centre Loire (SICAVAC) publiait un guide de taille en guyot-Poussard pour lutter contre les maladies du bois de la vigne. D'abord distribué gratuitement aux vignerons des huit appellations du Centre Loire, l'ouvrage a rapidement dû être réédité, la demande d'informations sur le « cancer du vignoble » ayant de loin dépassé les frontières ligériennes. Conseiller viticole depuis dix ans au SICAVAC, François Dal peut en témoigner : « nous sommes débordés par les demandes, nous n'arrivons plus à suivre ! » Pas sûr que les sollicitations se calment avec la publication d'un Manuel des pratiques viticoles contre les maladies du bois !

Complétant le précédent guide, le manuel reste modeste malgré son succès. « Nous essayons de faire le plus possible, à notre niveau et à nos compétences, pour proposer des solutions pragmatiques. En attendant des réponses de la recherche » confirme François Dal. Ne se voyant pas comme un spécialiste des maladies du bois, l'ingénieur agronome s'y est surtout frotté « car c'est notre problème sanitaire numéro un ! » Avec ses collègues, il s'est vite rendu compte que la sensibilité des parcelles aux maladies du bois était avant tout due à un effet vigneron, notamment les pratiques culturales, et plus particulièrement la taille, qui nécessite « le même esprit de respect que pour la construction d'un arbre fruitier ».

Si la taille ne peut pas faire de miracle, son raisonnement permettrait bien de « limiter l'apparition de gros volumes de bois mort et de prévenir les inversions de flux de sève », et de réduire de facto le dépérissement par l'esca et le Black Dead Arm. Dans cet entretien, François Dal élargit l'origine des maladies du bois à la question plus vaste des pratiques culturales (maîtrise de la vigueur, gestion des plaies de taille, qualité des greffé-soudés...). Tout en abordant les solutions de rattrapage quand la maladie se déclare (recépage, curetage, regreffage...).

On parle de manière générique des maladies du bois, ne faut-il pourtant pas bien distinguer l'esca, le BDA et l'eutypiose ?

François Dal : nous voyons les choses de manière différente... On considère que derrière l'expression de ces symptômes différents se trouve le même mal. Un peu comme le VIH qui ouvre une brèche à plusieurs maladies. Plutôt que de distinguer l'esca du BDA, je trouve plus pertinent de distinguer les symptômes apoplectiques des symptômes lents. Dans le premier cas, il s'agit d'une rupture brutale de flux de sève, les pieds paraissent jolis lors d'un passage au mois de juin et quelques jours plus tard toutes les feuilles sont tombées. Pour les symptômes lents, on voit les brûlures caractéristiques du feuillage, tigré et décoloré, il y a un lien net avec la présence d'amadou.

Quant à l'eutypiose, cette maladie a très fortement régressé depuis une dizaine d'années. Je la considère comme plus mineure et surtout plus simple à résoudre, avec un champignon moins pathogène que l'esca. Dans le cas de l'eutypiose, on peut quasiment affirmer qu'avec une bonne pratique de taille on peut en venir à bout.

De mauvaises pratiques de taille sont-elles à l'origine du développement des maladies du bois ?

Beaucoup de choses ont changé dans les pratiques culturales, entre autre la taille, mais ce n'est pas le seul facteur explicatif ! Il est important, mais il s'agit plutôt d'un facteur aggravant parmi d'autres. On peut les ranger en deux catégories :

- ceux qui abîment le flux de sève : la taille, la formation du pied et la qualité de la greffe (très importante, si le pied n'est pas bien greffé, il est affaibli dès le départ).

- ceux qui nuisent aux réserves de la plante : la vigueur de la vigne (qu'elle soit trop importante ou trop faible), la fertilisation et même les vendanges tardives.

Pensez-vous cependant qu'une taille raisonnée soit la solution aux maladies du bois ?

Je fais plus que le penser... A Sancerre, nous avons un viticulteur, Joël Cirotte, qui met en pratique ces recommandations, et qui a quasiment résolu ses problèmes de maladies du bois. Cela demande pas mal d'huile de coude et de revoir ses chantiers, mais il n'arrache plus qu'une dizaine de ceps par an et hectare. Ce qui est négligeable quand on sait que la moyenne à Sancerre est de 300 pieds/ha et année à cause des seules maladies du bois (pour une densité de plantation moyenne de 6 600 pieds/ha).

Avant l'apparition de symptômes, il faut agir en préventif, afin de limiter l'apparition de gros volumes de bois mort et de prévenir les inversions de flux de sève. Ensuite il existe des techniques de rattrapage, comme le recépage qui allie curatif et préventif, et qui consiste à reformer le pied à partir des bras en dessous des plaies de taille. Dans le registre du curatif, le curetage donne de bon résultat : à l'aide d'une petite tronçonneuse on va chercher l'amadou en creusant le bois, comme le dentiste qui va déloger une carie.

Cette méthode de curetage semble particulièrement violente pour le cep...

Comme dans le cas d'un cancer, on cherche à prévenir l'apparition de la maladie en faisant du préventif, mais ensuite, si le mal est déclaré... Il ne reste que la chimiothérapie ou le bistouri. L'arsenite de soude n'étant plus autorisé, il ne reste que le bistouri !

Dans les solutions curatives, il existe également le regreffage, on décapite le cep sous le point de greffe, et on regreffe un cépage, comme l'on s'est aperçu que souvent le porte-greffe n'était pas atteint.

La taille en guyot-Poussard est-elle la solution miracle ?

En vigne, il n'existe pas de miracle : ce serait trop beau pour être vrai ! C'est potentiellement une solution efficace. En tout ça avait été mis en évidence il y a plus d'un siècle, mais la technique a été oubliée dans les années 1970-1980. L'arsenite de soude a permis de maintenir en l'état le vignoble, mais quand il n'y a plus eu de solution chimique, le retour au bon sens agronomique était incontournable.

La taille Poussard est facile à mettre en place, mais elle nécessite une formation pour bien la comprendre. Ce qui semble novateur dans cette taille est en fait très logique, et basique, pour l'élagage en arboriculture. La vigne se comporte comme un arbre, à l'exception de quelques spécificités qui nécessitent d'adapter le geste. Il faut avoir le même esprit de respect que pour la construction d'un arbre fruitier.

Qu'en est-il des plaies de taille ?

L'important n'est pas tant leur diamètre (bien que...), mais le fait de couper des vieux bois. Plus on coupe des vieux bois et plus on court un risque. Si on taille dans la logique du Poussard, on ne doit jamais tailler de vieux bois. Il y a malgré tout une façon de tailler les bois selon leur âge, en choisissant un endroit précis pour que la plaie ne soit pas mutilante. Pour un bois de l'année, il faut couper à la couronne, pour un bois plus âgé il faut laisser un chicot (de longueur équivalente au diamètre) et ne le raccourcir que quelques années après.

La recherche se penche de plus en plus sur les origines des maladies du bois. Quelles sont-elles selon vos expériences ?

La façon dont je vois les choses, c'est que les pratiques de taille non raisonnées engendrent des volumes de bois mort colossaux sur le cep. C'est la porte d'entrée des complications. Si l'on considère les symptômes lents, le développement de l'amadou sécréterait des toxines, ce que des chercheurs suisses sont en train de confirmer. Pour les symptômes brutaux, il ne s'agit probablement pas de champignon, mais d'une rupture brutale du trajet de sève, qui n'est pas forcément en rapport avec les volumes de bois mort. Dans le cas d'une inversion soudaine du flux de sève, cela créé un blocage que le pied n'arrive pas à surmonter lorsqu'il y a de grands besoin en eau (lorsque la transpiration est importante). Ce sont nos théories, mais elles ne sont pas communément admises.

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