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Jean-Michel Deiss : « Le terroir, c'est la dimension tactile des vins, il faut sortir de la tyrannie aromatique ! »
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Jean-Michel Deiss : « Le terroir, c'est la dimension tactile des vins, il faut sortir de la tyrannie aromatique ! »

Par Anne Serres Le 18 décembre 2013
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Jean-Michel Deiss : « Le terroir, c'est la dimension tactile des vins, il faut sortir de la tyrannie aromatique ! »
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igneron alsacien emblématique, humaniste intégral, Jean-Michel Deiss était au Bordeaux Tasting, salon du magazine Terre de Vins où il confessait avoir « mille idées par jour, pas toutes solubles dans l'air du temps ». Il en est une qu'il a pu mettre en œuvre pour donner naissance à l'Université des Grands Vins.

Comment proposez-vous de réinventer la dégustation ?

J'ai créé avec quelques amis l'Université des Grands Vins, qui sera dotée d'une école de dégustation géo-sensorielle. L'idée est d'apprendre la dégustation des textures, de la dimension tactile des vins en bouche, qui reflète le terroir. Je supporte mal de voir les dégustateurs faire tourner le vin dans leur verre comme si la force centrifuge pouvait en extraire les arômes. A quoi cela peut il servir de faire 22hl/ha pour des vins que l'on achète au nez sans les goûter, sans en apprécier le toucher en bouche ? A la cave, nous faisons l'expérience, je coupe la lumière, quand vous êtes totalement aveugle face à votre vin et que sa dimension tactile vous révèle des choses que vous n'auriez pas cherché, vous vous rendez compte que c'est le terroir qui l'a fait, pas vous ! Il faut sortir de la tyrannie aromatique : à force de l'encourager, on va tout droit à l'aromatisation ! On y arrivera d'autant plus facilement dans un contexte de production industrielle qui se soucie uniquement de répondre à une demande.

Le vin doit-il absolument se refuser à répondre à une demande selon vous ?

Entendez-moi bien, je n'ai rien contre le modèle industriel, je le trouve légitime. Je demande juste que le client puisse s'y retrouver au premier coup d’œil. Qu’on lui dise la vérité . La transparence de la démarche qualifie le modèle économique : j’ai vingt salariés pour une production de 1000 hl .Dans une logique industrielle, je suis condamné. A l'autre extrême, vous avez à Bordeaux cinquante étiquettes dont les prix sont totalement déconnectés de la réalité du contenu de la bouteille, qui sera moins bon en 2013 compte-tenu des conditions du millésime, mais qui coûteront 20 % plus cher malgré tout et qui ne seront pas bus par ceux qui les achèteront. Nous quittons là le modèle agricole ….

Comment avez-vous mis en pratique l'idée d'une école de dégustation géo-sensorielle ?

J'ai constamment des idées (rires) mais toutes ne sont pas solubles dans le temps présent ! Cette idée d'une école de dégustation géo-sensorielle a cinq mois .J'ai compris que c'était une idée « adulte » quand j'ai vu le soutien qu’elle a reçu. On nous a prêté les verres, on nous a donné des vins, on m'a loué des salles à des conditions très favorables. Des restaurateurs nous donnent une aide substantielle . Et les banquiers eux-mêmes sont venus me voir, m'expliquant leur difficulté à accorder des prêts sur vingt ans à des vignerons dont ils ne voyaient pas forcement l'avenir a cette échéance . Ils m'ont dit leur volonté d'encourager une viticulture de terroir, véritablement durable.

Comment fonctionne l'Université des Grands Vins ?

L'Université des Grands Vins est une association dont les membres producteurs et amateurs se réunissent une fois par mois pour déguster de grands vins dans leur dimension tactile et savoir vers quoi tendre. Le mois dernier nous avons fait une dégustation de grands bourgognes avec un Meursault Charmes, un Montrachet les Pucelles d'Anne-Claude Leflaive, trois vins du Domaine de la Romanée-Conti... Bien sûr l'association compte parmi ses membres de jeunes vignerons alsaciens, mais aussi des amateurs Belges ou Suisses, qui font le déplacement. Le 9 janvier nous recevrons Stéphane Derenoncourt, le 10 février ce sera Michel Bettane, et en mars, Reinhardt Lowenstein, qui est le Vice-président de l'association des grands Domaines allemands. Chacun nous dira ce qu’est pout lui un Grand vin .Les choses avancent bien ….nous allons organiser un Trophée du Jeune Vigneron de Lieu , que j’espère richement doté ….

La question du lien au terroir dans la réforme des AOC devrait donc finir par se dénouer ?

Nous sommes là face à une impasse organique : les responsables des ODG peinent le plus souvent à dénouer la question du positionnement de leurs AOC dans les trois catégories européennes parce qu'ils sont atteint de schizophrénie économique. Beaucoup sont également négociants et achètent donc à d'autres producteurs des vins qu'ils revendent moins cher que ceux qu'ils produisent. Ils ont donc intérêt, pour sauvegarder la marge de leur activité de négoce, à maintenir très bas les prix auxquels ils achètent ces vins aux autres producteurs ! Les mercuriales sont donc sous le coût de production… Comment financer dès lors l’excellence de l’AOP ?

Vous pratiquez vous-même une viticulture très éloignée des standards du terroir alsacien ?

(Rires) Comme je vous le disais, toutes les idées ne sont pas solubles dans l’air du temps ! Mais je vois les progrès et les changements d'attitude : prenez la complantation. On le sait, je ne crois pas aux crus monocépages et au zonage variétal qui est l’orientation lourde des responsables de la Commission Permanente de l’INAO . Une ineptie ! On m'a pris pour un fou ou un demeuré, avec mes parcelles « complexes » complantées . Mais , au fil des millésimes, des accidents climatiques, on voit que mes vignes complexes, non seulement permettent la pleine expression stable du terroir, mais me permettent aussi d'équilibrer les risques, qu'ils soient sanitaires ou climatiques. Sur des vignes uniquement plantées en riesling clone 49, vous avez des pertes à cause des maladies du bois qui peuvent représenter jusqu’à 10 % par an. La protection phytosanitaire y est plus difficile aussi . Vous n'avez pas ces épidémies dans des vignes complexes. En monoculture, on est dès le départ dans le déséquilibre institutionnel : une Tour de Pise qui penche et menace constamment de s'effondrer, auquel il faut appliquer des corrections qu'il faut chaque jour contre-balancer. La complantation résout ce problème même si elle impose de défendre les Terroirs en renonçant à la sécurité d'un message slogan simple « le Riesling c’est le Pétrole ... »ou « Vive le pipi de chat du Sauvignon ».C’est a dire à prendre le client pour un être sensible et intelligent !

Le millésime 2013 a été riche d'enseignements en matière d'aléas climatiques ?

En effet ! Mais là encore, les terroirs et la façon de les conduire ont fait la différence : La semaine de la floraison, il faisait 12°C et le ciel touchait la terre. Pourtant les vignes complexes ont bien fleuries. Et là où, à cause d'une floraison difficile, nos collègues en monoculture ont vendangé des quantités en baisse, nous avons rentré une vendange en hausse de 5 % par rapport à notre moyenne habituelle ! Bien sûr en Octobre nous avons reçu 40 mm de précipitation chaque week-end pendant quatre semaines et nous avons du faire les vendanges en trois semaines contre cinq à six semaines habituellement. Avec ce régime océanique incroyable, nous avons eu la chance qu'il n'ait pas fait chaud et nous n'avons donc pas eu de problème sanitaire majeur. Nous avons malgré tout fait de bons vins, mais avec moins d’extrait sec et de richesse que d’habitude. Nous verrons si ce sont malgré tout des grands vins de garde…

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