Revue de presse: De l’oxygène dans le vin

ieux que de la micro-oxygénation chère à Michel Rolland, l’actualité sert cette semaine un ballon d’oxygène. Le quotidien La Croix raconte la seconde vie, pas banale, du vignoble ariégeois. Le Rouge et le blanc nous rappelle que la France est une terre où la vigne et le vin se cultivent aussi en Côte-Roannaise, en Côtes-du-Forez, à Irouléguy. Fred Bernard, petit-fils de viticulteur à Savigny-les-Beaune, livre en BD les chroniques de ses conversations avec son grand-père.
Catherine Bernard

Un vignoble solidaire

La pauvreté rend riche. En Ariège, rapporte La Croix, « les vendanges ont cette année un goût de récompense après l'attribution officielle du label IGP (Indication Géographique Protégée), 15 ans après la renaissance du vignoble ». Cette renaissance est le produit d’une amitié et restaure la dimension solidaire de la terre : « Le travail de la vigne (…) emploie depuis le départ une douzaine des 70 personnes, handicapés mentaux légers ou plus sévèrement gênés dans leur vie sociale, qu'elle encadre sur le plan médico-social ». Quatre amis, dont Marc Vigneau directeur général adjoint de l'Apajh ((Association Pour les Adultes et Jeunes Handicapés de l'Ariège) se sont attelés à planter 45 ha. L’attelage « a choisi les cépages, a défini un cahier des charges, les partenaires ont acheté du matériel en commun et des cuves installées chez l'Apajh à Montégut-Plantaurel ». Les Ariégeois ont été mobilisés : « Tous se souviennent aussi avec émotion de "la souscription": un millier d'Ariégeois leur ont apporté 1.440 FF (plus de 200 euros), contre la promesse d'obtenir 60 bouteilles en cinq ans ». Pour finir, « Les moqueries ont cessé et, en Ariège comme dans les départements voisins, "ce vin de terroir se vend bien".

Contre-allée

« Ce sont d’abord les couleurs qui surprennent et qui émerveillent. « Les verts. Ce sont les verts qui frappent d’emblée (…). Les jade, pers, pomme, céladon, bronze des prés et des forêts, les glauques des ravins ou l’émeraude du Gave ». (…) Plus haut, c’est le brun des fougères, lesquelles servent de moins en moins de litière aux animaux de la ferme, un brun souvent noirci par l’écoubuage. Plus haut encore quelques bandes de neige immaculée résistent au soleil printanier. Enfin le ciel, d’un bleu qui n’ose pas encore afficher son éclat, parfois tacheté des points noirs en mouvement des milans et des vautours ». Ainsi commence la virée de Philippe Bouin et Jean-Marc Gatteron à Irouléguy, l’un et l’autre contributeurs de la revue le Rouge et le Blanc. Ils s’enfoncent dans l’histoire de vignes plantées « dès le IIIème siècle », vont à la rencontre des hommes. Dans le même temps, et quelques pages plus loin, Sonia Lopez Calleja, Emmanuel Zanni et François Maurel poursuivent leur périple dans le Massif central qui est un balcon de la France en même temps qu’il en est le coeur. Dans ce numéro 110, le Roannais et le Forez, « des vins de côte », « constitués pendant le Haut Moyen Age sous l’impulsion des ordres monastiques et des comtes du Forez ». Ces vignobles qui « restent présents sur le marché parisien jusqu’en 1930 pour être alors dépassés par les vins du Beaujolais », traversent des vicissitudes, rencontrent des échecs. Mais vignes et vins sont toujours là, incarnés par des hommes. On est très loin du marketing du vin, au plus proche de la terre.

Chroniques de la vigne

Il y a dans « Les chroniques de la vigne » de Fred Bernard un air de la BD « Les ignorants », qui associait en 2011 avec bonheur un auteur, Etienne Davodeau, et un vigneron, Richard Leroy. En un mot, une fraîcheur réjouissante et « réconciliante ». Cette fois, il s’agit de conversations entre Fred Bernard, « né peu avant les vendanges en Bourgogne » et auteur de nombreux albums pour la jeunesse, et son grand-père, viticulteur à Savigny-lès-Beaune, producteur de crémant. Il y a quelque chose de l’essence de la France qui défile dans son rapport au vin et à la terre. Son « papy » est tout à la fois fier de la terre qui l’a vu naître et ouvert. Sur le linteau d’un cellier du château : « Les vins de Savigny sont vins nourrissants, théologiques et morbifuges », mais « Bourgogne et Bordeaux forment un très beau couple ». Papy, comme beaucoup de Français de sa génération, boit beaucoup de vin. Il a comptabilisé 40 000 bouteilles. Et c’est main dans la main avec « un ivrogne », comme les villages en comptent aussi beaucoup, que le petit Fred va à l’école, au point de n’avoir pas pu boire pendant longtemps du vin rouge. Pour Papy, il ne suffit pas que le vigneron fasse du bon vin, faut-il qu’il soit aussi de bonne compagnie. Adolescent, Fred a dit « NON » à l’héritage, comme beaucoup d’enfants de paysans l’ont fait, transformant profondément le paysage. Fred Bernard voyage et dix-huit ans plus tard revient, « pour écrire et dessiner un livre sur le vin avec mon grand-père maternel ». Que croyez-vous que papy lui répondit ? «  Bah ! Oublie ça ! Le vin ça se lit pas, ça se boit ! ». Papy avait tort. Les chroniques de la vigne de sont petit-fils se lisent, et bien même.