a Coupe des Crus Bourgeois distingue cette année le Château Muret. Eric Beaumard sommelier George V président du jury de la coupe des Crus Bourgeois, diligemment assisté de Jacques Dupond qui a noté la qualité globale du millésime avec une « sélection particulièrement difficile à départager, à la mesure de la grande qualité du millésime 2010 ».
222 échantillons, 10 finalistes, une coupe, décernée au Château Muret, au terme d'un duel ultime très serré, de l'aveu des jurés, avec Château Grand Bertin de Saint-Clair.
[En photo : Jacques Dupond, Eric Beaumard, Olivier Bompas et Fabienne Videau (Château La Branne)]
Les Crus Bourgeois ont leur place sur les tables des plus grands étoilés ?Oui, bien sûr ! Ils l'ont toujours eue, même si, par le passé, nous misions avant tout sur les stars de cette catégorie. Des propriétés plus en retrait, et dont les vins sont vendus à des tarifs encore plus intéressants, ont toutefois su trouver leur place sur nos tables avec des rapports qualité-prix imbattables. Le gagnant de la Coupe des Crus Bourgeois millésime 2009, Château Poitevin, était déjà sur notre carte au George V. A l'heure actuelle, les grands châteaux sont trop chers, même pour les étoilés. Même si on se doit d'en avoir sur la carte, on mise aussi sur cinq ou six Crus Bourgeois, dont je revois chaque année la sélection car l'ensemble de la catégorie est d'un niveau de qualité de plus en plus élevé et l'émulation que déclenche la compétition de la Coupe y est pour quelque chose.
En photo : les dix finalistes et le gagnant :
Château Muret
Château Grand Bertin Saint-Clair
Château Mongravey
Château Peyrat Fourthon
Château Monpelou
Château Preuillac
Château Larose-Trintaudon
Château Pontoise Cabarres
Château Tour Seran
Château Branas Grand Poujeaux
Vous suivez donc de près la progression des Crus Bourgeois mais c'est la première fois que vous participez au jury de la Coupe ?Oui. J'ai répondu avec plaisir à l'invitation de l'Alliance pour présider ce concours, sous la tendre férule de Jacques Dupond et d'Olivier Bompas. Ils ont une approche du concours qui m'a séduit, veritablement à l'aveugle, véritablement sans a priori et avec le souci de distinguer les vins que l'on boit (par opposition aux bêtes de concours que l'on déguste).
Cette année, nous avons élu le château Muret, qui ne fait pas partie des habituels récompensés. C'est à mon sens une très bonne chose pour la dynamique du concours. Il est rassurant pour un juré de sortir toujours les mêmes références, on est pour ainsi dire conforté dans son choix, les acheteurs le sont aussi dans le leur, mais on en perd toute la valeur d'émulation, de saine compétition du concours. Or ces concours doivent servir de repères dans un mouvement de plus long terme de progression de la qualité. Sinon, si tous les ans on désigne toujours les mêmes, par confort ou pour rester sur des certitudes, on laisse ces derniers s'enorgueillir, on est dans la paillette. Or pour l'amateur comme pour le producteur il est beaucoup plus intéressant de découvrir de nouvelles directions, validées par ces récompenses.
A la production, l'évolution de la qualité impose des réflexions sur dix ou quinze ans, entre le choix du matériel végétal, son implantation (la question de l'équilibre cabernet/merlot dans l'encépagement n'est pas anodine en Médoc), savoir si on doit solliciter une vendange manuelle, investir (ou pas!) dans tel ou tel type de barrique, élever pendant telle ou telle durée... Les récompenses servent de repères ponctuels dans ce travail de long terme.
Quels ont été vos critères de sélection pour décerner la Coupe des Crus Bourgeois ?Nous avons fait une première sélection de dix finalistes sur les 222 Crus Bourgeois qui concourraient. Nous avons écarté les vins insuffisamment concentrés, tout comme, à l'autre extrême, les vins dont l'extraction était trop marquée le boisage trop fort. Nous avons privilégié la concentration sans l'extraction. L'extraction s'obtient au chai. La concentration vient du travail de la vigne, du contrôle de la charge et des maturités. C'est ce travail que nous avons récompensé.
Avec la bonne équation entre le sol, le cépage, le choix du porte-greffe au départ, une vendange à la bonne maturité phénolique, on fait ensuite ce qu'on veut à la cave. Les Crus Classés travaillent sur le parcellaire depuis des années, font des essais sur leur parc de barriques qui sont autant d'investissements lourds : les Crus Bourgeois n'ont pas les mêmes marges de manœuvre avec des bouteilles à douze euros... Au chai et plus encore à la vigne, la progression de la qualité est un travail de fond générationnel, sous la pression constante de l'équilibre des coûts.
Plus le travail à la vigne est sérieux, bien fait, moins on intervient au chai, plus on distingue les caractéristiques du terroir. Le pouvoir du bois en terme de gommage du terroir est très net, d'où l'intérêt de diminuer le plus possible tous les intrants d'élevage, toutes les techniques trop marquantes, car plus on en ajoute moins le terroir est perceptible. Alors qu'il sait s'exprimer dans les bonnes conditions.