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Vins de Limoux : du sang neuf dans la bulle
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Vins de Limoux : du sang neuf dans la bulle

Par Michèle Trévoux Le 21 juin 2013
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Vins de Limoux : du sang neuf dans la bulle
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lors que le leader de la bulle, Sieur d’Arques, recadre sa stratégie pour sortir d’une situation périlleuse, Vignobles Bonfils et Domaines Paul Mas, chefs de file de la nouvelle vague de négociants languedociens, affichent leur ambition dans la bulle, en rachetant des entreprises locales. Quinze ans plus tôt ce sont plutôt les vins tranquilles qui avaient attiré deux autres figures de proue du monde du vin : Baron Philippe de Rothschild et Gérard Bertrand. Cet apport de sang neuf est vu d’un bon œil par les opérateurs locaux, qui voient dans ces nouveaux opérateurs du renfort pour faire connaître et reconnaître leurs appellations.

Bonfils, Paul Mas : la bulle en ligne de mire

Une chose est sûre, Limoux est un terroir à part au sein du Languedoc.  À l'extrémité occidentale de la région, au pied des Pyrénées, les vignes grimpent à flanc de coteaux jusqu'à 450 mètres. D'un point de vue climatique, la région se situe dans une zone de confluence méditerranéenne et océanique, bénéficiant ainsi d'un bon ensoleillement et d'une pluviométrie bien répartie tout au long de l'année. Des conditions particulièrement favorables à l’expression des cépages blancs et du Pinot Noir. « Limoux est un terroir magique, qui conjugué avec un savoir-faire ancestral dans l’élaboration des effervescents, donne des produits qui n’ont rien à envier au Champagne », s’enthousiasme Laurent Bonfils, Pdg des Vignobles Bonfils. En décembre dernier, l’entreprise héraultaise a repris la Maison Salasar, vénérable affaire familiale, propriétaire d’un vignoble de 60 ha qui produit chaque année 800 000 cols de Blanquette de Crémant de Limoux.

« Notre projet, c’est la bulle, explique Laurent Bonfils. Le marché est en plein essor au niveau mondial. Nous avons des produits de qualité que nous sommes en train de relooker pour les positionner aux alentours de 6,95 € la bouteille pour la Blanquette et 7,95 pour les Crémants. Nous visons essentiellement le marché du grand export Amérique du Nord, Amérique du Sud et Asie, où la demande est la plus forte. A l’export, il y a moins d’apriori que sur le marché français où le nom Blanquette est galvaudé. Il y a un travail d’image à entreprendre pour redorer le blason de cette appellation qui a mauvaise presse. Nous le voyons au quotidien dans notre restaurant du Château des Carasses à Quarante. Il y a tout un travail de prescription à mener pour convaincre les clients et les amener à déguster ».

Jean-Claude Mas (photo), le dynamique fondateur des Domaines Paul Mas, est présent à Limoux depuis 2002, date à laquelle il rachète les Vignobles Astruc, entreprise orientée vers la production de vins de cépage. En 2011, il étend son implantation en rachetant le Domaine de Martinolles, une propriété familiale de 60ha de vigne, spécialisée dans les effervescents. «En même temps que les vignes, nous avons acheté une expertise dans la bulle. Les effervescents font appel à un savoir-faire très spécifique. C’est une philosophie très différente des vins tranquilles : maturité des raisins, vendange, vinification… les critères sont très différents », explique Jean-Claude Mas. Son projet est bien cadré : développer à l’export des produits qualitatifs bien valorisés.

« Plus que Blanquette ou Crémant, c’est la mention Limoux qu’il faut mettre en avant. C’est ce terroir qu’il faut valoriser. Pourquoi ne pas lancer des Limoux millésimés ou Limoux tête de cuvée pour monter en gamme ? », plaide ce féru de marketing. En deux ans, les Domaines Paul Mas ont multiplié par 2,5 les ventes du domaine de Martinolles. Le cap des 300 000 cols d’effervescents devrait être atteint cette année. « Nous n’arrivons pas à fournir tous nos clients. En Limoux blanc, nous sommes en rupture. Nous avons produit 600 hl en 2012, nous aurons les raisins pour en produire 1200 hl en 2013 ». Pour fournir ses marchés, Jean-Claude Mas vient d’acquérir le domaine des Fages à St Hilaire, une propriété de 30 ha dont 10 ha en vigne à toute proximité du domaine de Martinolles. Il n’est pas sûr que cela suffise. « Nous aurions tout intérêt à trouver des synergies entre opérateurs locaux pour développer les ventes sur le marché international. Il est regrettable de ne pas fournir un marché faute d’approvisionnement », confie-t-il.

Les opérateurs locaux se réjouissent

Blanquette et Crémant sont également le cœur du métier de l’entreprise Antech, ancestrale maison limouxine, aujourd’hui dirigée par Françoise Antech, qui représente la 6ième génération de vigneron de la famille. « Nous ne produisons que de la bulle, car nous ne souhaitons pas nous éparpiller. L’élaboration d’effervescents requiert un savoir-faire très spécifique que nous maîtrisons. Il n’est pas dit que nous ferions aussi bien en vin tranquille ». Son analyse du marché corrobore celle des nouveaux arrivants. « Au cours de 30 dernières années, la qualité des effervescents produit à Limoux a fait un bond énorme. Notre problème aujourd’hui, c’est de le faire savoir. Nous soufrons d’un déficit de communication car nous sommes une petite appellation (10 millions de cols commercialisés par an) avec peu d’opérateurs. Notre positionnement prix dans la grande distribution est un handicap. Il faut que nous arrivions à mieux valoriser nos produits sur le marché français. ».

La maison Antech y contribue. Elle a récemment lancé des cuvées à plus de 10 € la bouteille et présentera lors du prochain Vinexpo, une cuvée très haut de gamme, un « petit bijou » sous le nom évocateur de Tendre Emotion. « Pour montrer ce qu’on pourrait faire à Limoux si on avait les moyens de Champenois, assure-t-elle. En 12 ans, l’entreprise s’est également fortement développé à l’export, portant de 6% à 40% la part de ses ventes à l’international. Françoise Antech applaudit des deux mains l’arrivée des deux nouveaux opérateurs. «Bonfils comme Paul Mas sont des entreprises dynamiques, qui sont reconnues à l’international. Ils viennent pour élaborer des produits de qualité. Ils vont ouvrir de nouveaux marchés et nous aider à faire connaître Limoux à l’international. Je commence à ressentir les premières retombées : depuis peu, je suis questionnée par des importateurs en Australie où Paul Mas est très bien implanté ».

Même réaction chez Bernard Delmas, vigneron en cave particulière qui produit 150 000 cols par an, exclusivement en AOC dont 85% en Blanquette et Crémant. « L’arrivée de ces nouveaux opérateurs est une chance pour Limoux. Cela rajeunit notre filière et créé une saine émulation. C’est un booster pour l’ensemble de l’appellation. Il faudrait que cet attrait du négoce-producteur pour Limoux créé également une dynamique du côté des caves particulières. Aujourd’hui, nous sommes peu nombreux à nous bouger pour mettre en valeur l’appellation, faire des salons décrocher des médailles », estime ce producteur.

Sieurs d'Arques : Réflexion en cours sur le milieu de gamme

Sieur d’Arques, coopérative historique de l’appellation Blanquette et Crémant de Limoux n’est pas non plus hostile à l’arrivée de ces opérateurs. « Personnellement, je suis ouvert à l’arrivée de sang neuf sur notre terroir. Si ces nouveaux opérateurs viennent nous aider à développer la notoriété de l’appellation, ce sera bénéfique pour tout le monde », confie Maurice Lautard, président de la coopérative limouxine, qui n’élude pas le fait que ces nouveaux venus peuvent créer de la tension sur le marché des raisins. « Nous ne sommes pas inquiets, précise-t-il. Malgré un contexte difficile, nous n’avons perdu qu’un ou deux adhérents. Globalement, Sieur d’Arques ne perd pas de surface et la pyramide des âges des coopérateurs n’est pas inquiétante. Nous sommes la coopérative audoise qui rémunère le mieux ses adhérents. L’an dernier, nous leur avons assuré 5000 €/ ha de revenu net (3 à 4000 €/ha en IGP, 6 à 7 000 €/ha en AOP».

Avec 6,7 millions de cols d’effervescent par an, Sieur d’Arques commercialise près de 70% des volumes d’effervescents de l’appellation. Suite à l’échec de son rapprochement avec Jaillance, la coopérative va poursuivre son développement en solo, maintenant les objectifs stratégiques définis en juin 2012 : le recentrage des moyens sur le développement de la bulle et l’AOC Limoux blanc. L’activité vrac (170 000 hl) sera maintenue sans être un axe de développement prioritaire. Une réflexion est engagée sur le repositionnement de la gamme. La coopérative limouxine commercialise d’importants volumes en marque de distributeur. « Si nous voulons maintenir nos volumes et amortir notre outil de production, ce sont des marchés que nous ne pouvons négliger », précise le président.

Mais dans le même temps, la coopérative limouxine met en avant avec succès sa marque Première Bulle, une gamme premium de Blanquette et Crémant vendus à 9,80 € la bouteille. «C‘est sur le positionnement des produits intermédiaires entre les MDD et Premières Bulles que nous devons mener une réflexion. Ce sera une des priorités de notre nouveau directeur général, Laurent Lechat, qui prendra ses fonctions en septembre prochain », poursuit Maurice Lautard. La coopérative a été le moteur du développement de l’AOC Limoux blanc. Depuis plus de 20 ans, elle finance Toques et Clochers, prestigieux événement médiatique qui attire à Limoux les plus grands chefs étoilés et des acheteurs du monde entier pour la vente aux enchères de barriques de Limoux blanc. Malgré ce lourd investissement promotionnel, les volumes de Limoux blanc restent confidentiels : 700 00 cols commercialisés par an dont 500 000 cols par la coopérative. « Il faudrait donner de l’ampleur à cette appellation. Pourquoi ne pas créer un niveau plus générique avec un cahier des charges plus allégé de manière à élargir la base de la pyramide? » suggère Maurice Lautard.   

Les vins tranquilles, l'autre atout de Limoux

Les vins tranquilles sont une autre facette du développement viticole de cette région. Anne de Joyeuse, la plus ancienne coopérative de la région limouxine, en a fait son cœur de métier, se positionnant d’abord sur le marché vrac. Depuis une dizaine d’années, elle a également abordé le marché bouteilles en choisissant de se positionner uniquement sur le marché CHR et à l’export. Cette année, la coopérative devrait atteindre les 5 millions de cols, dont 40% à l’export. La force de vente en France a été portée cette année de 41 à 61 commerciaux, permettant de couvrir la totalité du territoire français. Deux autres opérateurs de renom ont également fait le choix de s’implanter à Limoux pour développer les vins tranquilles.

En 1995, la société familiale Baron Philippe de Rothschild , qui s'était rapprochée de la cave coopérative du Sieur d'Arques à Limoux pour lancer une gamme de vins de cépages, rachète de Domaine de Lambert, une propriété un peu à l’abandon. La famille bordelaise a le projet d’y élaborer sous la marque Baron’Arques un très grand vin rouge comme elle l’a déjà fait hors de leurs terres bordelaises avec Opus One, en partenariat avec Mondavi en Californie, et Almaviva en partenariat avec Concha y Toro au Chili. Les résultats décevants du Grenache sur ce terroir les l’amènent à reconvertir une partie du vignoble en blanc : aujourd’hui sur les 47 ha de vigne, 6 ha sont en Chardonnay. L’an dernier, Baron’Arques a commercialisé 130 000 cols dont 15 000 en blanc. La grande cuvée en rouge est valorisée à 30 € la bouteille.

« Nos ventes progressent, mais c’est un travail de longue haleine. En France, il y a une histoire à écrire pour construire la notoriété du Limoux rouge. Et pour le moment, nous sommes un peu seuls à défendre cette appellation », commente le directeur général Vincent Montigaud. En 2007, Gérard Bertrand, autre figure de proue du négoce languedocien, séduit par la fraîcheur de ce terroir d’altitude s’offre le domaine de l’Aigle à Roquetaillade afin d’y produire Chardonnay et Pinot Noir. Il s’est plus récemment positionné sur le marché des effervescents en lançant lors du dernier salon Vinisud, un Crémant de Limoux. Conditionné dans une bouteille rouge, Code rouge, au design innovant, vise le créneau très haut de gamme. Il a récemment été référencé dans l'un des restaurants les plus huppés de Miami, 'Mension', l'ancienne demeure de Gianni Versace. Belle vitrine pour faire connaître Limoux.

A la recherche d'une vision commune

Bulle ou vin tranquille, haut de gamme ou entrée de gamme, les possibilités offertes par le terroir de Limoux sont multiples tous comme le sont les projets et ambitions des opérateurs implantés de longue date ou plus récemment. « Ce qui nous manque, admet Maurice Lautard, c’est une vision commune ». L’ODG va s’y atteler. Elle planche sur un schéma de développement sur 10 ans des appellations limouxines. Trouver des points de convergence et de synergie entre les opérateurs semble à l’évidence une priorité pour la consécration de terroir hors du commun.

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