e 14 février dernier, le laboratoire Excell organisait une conférence à Bordeaux sur les pesticides dans le vin. Il en ressort que, même s’ils n’atteignent jamais les Limite maximale de résidus (LMR ) admises sur raisins, les pesticides sont bel et bien présents dans les vins. Diverses solutions ont été présentées pour réduire l’impact des produits phytosanitaires tant dans les vignes que dans les vins.
Pas de baisse des phyto malgré la pression réglementaireMalgré le plan éco phyto 2018 lancé en 2008 qui vise à réduire de 50% l’utilisation des produits phytosanitaires en 10 ans, force est de constater que les résultats ne sont pas probants, loin s’en faut. Selon le laboratoire Excell, en quatre ans l’utilisation de produits phytosanitaires en France
- toutes cultures confondues - aurait progressé de 2,6 % entre 2008 et 2010 et de 2,7 % entre 2010 et 2011. Pourtant la réglementation française et européenne a réduit de façon drastique le nombre de matières actives autorisées : plus des 2/3 ont été retirées, le nombre ayant été ramené de 900 à 250. Seules 120 molécules restent autorisées sur vigne, et ce nombre devrait encore se réduire d’ici 2020 notamment pour le traitement de l’oïdium. Si de nouvelles molécules conformes aux nouvelles normes ne sont pas proposées par l’industrie, la lutte contre l’oïdium sera difficile. Cette raréfaction des molécules autorisées augmente les risques de résistance des pathogènes aux traitements.
90% des vins contiennent des résidus de pesticidesD’après les contrôles effectués par le laboratoire Excell sur 300 vins du sud-ouest et du sud-est de la France, seul 10% des vins analysés ne contiennent aucune trace de pesticides. Le laboratoire a trouvé jusqu’à 9 pesticides simultanément dans le même vin. Les doses restent toujours inférieures aux LMR (Limite maximale de résidus) autorisées sur les raisins. Les fongicides sont les produits que l’on retrouve le plus fréquemment. Ce sont deux anti-botritys qui ont été détectés aux plus fortes doses : Iprodione(1,4 mg/l) et Fenhexamide (0,6 mg/l).
L'impact du taux de transfert raisin-vinLes pesticides appliqués sur vigne ne se retrouvent que très partiellement sur le raisin, puis dans le vin. Selon des chiffres 2003 de la Direction Générale de l’Alimentation(DGAL) Sous-direction de la qualité et de la protection des végétaux (SDQPV), un viticulteur appliquant 10 substances actives sur sa parcelle (toutes matières actives confondues) risque d’en retrouver
– 5 sur le raisin
– 3 à 4 dans le vin
Cette estimation est très globale et ne prend pas en compte le comportement particulier de chaque matière active, ni le niveau quantitatif de résidus, ni surtout l’effet cumulatif de petites doses de plusieurs résidus, nuance Excell.
Sur raisin, seuls 0,3% des contrôles démontrent des dépassements de LMR, et sur vin, il n’existe pas à ce jour de LMR, exceptés dans quelques pays importateurs qui imposent des règles parfois sévères. Des travaux sont en cours au niveau de la Commission européenne pour définir des taux de transfert raisin/vin, qui permettrait d’établir des LMR sur le vin. Mais nul n’est en mesure aujourd’hui de dire à quelle date ces LMR seront mises en place. Une chose est sûre : la dégradation des molécules sur le raisin permet de réduire naturellement le niveau de résidus : il est donc important de respecter les doses homologuées, voire même de travailler en sous-dose quand cela est possible et de bien respecter les délais de carence d’application
Le processus de vinification élimine certaines molécules mais pas toutes, d’où des taux de transfert Raisin/Vin très variables. De plus des différences notables existent entre les processus de vinification en blanc et en rouge, les macérations plus longues en rouge favorisant le transfert. A efficacité identique, il convient donc de sélectionner préférentiellement les molécules à faible taux de transfert. Encore faut-il avoir cette information qui n’est pas toujours facile à obtenir pour toutes les molécules.
Voir ci-dessous les taux de transferts connus de quelques molécules.
Autre recommandation : sélectionner les molécules, qui à efficacité égale, ont la toxicité la plus faible sur l’homme et l’environnement. Un conseil qui semble de bon sens mais qui, dans la pratique, est beaucoup plus compliquée à mettre en œuvre. Il faut d’abord savoir déchiffrer tous les sigles et pictogrammes qui figurent sur les étiquettes. Entre les H 332 (nocif par inhalation, contact avec la peau, ingestion), H351 (Effet cancérogène suspecté), H400 (très toxiques pour les organismes aquatiques)… difficile de s’y retrouver. Autre facteur à prendre en compte : les résidus de dégradation dans le vin des molécules utilisées. Certains produits peu toxiques se dégradent en résidus plus toxiques que la molécule de base et vice-versa. Ainsi les tous les dithiocarbamates, traitements anti-mildiou relativement peu toxiques pour l’homme, se dégradent principalement en disulfure de carbone relativement toxique tandis que le Folpel, autre anti-mildiou plus nocif pour l’utilisateur, produit du Phtamimide non toxique. La substitution par les dithiocarbamates ne permet donc pas de solutionner le problème résidus!
Renforcer l'efficacité de la pulvérisationAméliorer la qualité et la tenue des matières actives dans le temps est un autre levier pour réduire la teneur en résidus de pesticides dans les vins. L’efficacité d’un traitement dépend étroitement de la qualité de la pulvérisation : matériel, réglage, adaptation au couvert végétal, conditions climatiques durant le traitement sont autant de facteurs qui influent sur la qualité de la pulvérisation. La micro-encapsulation des matières actives améliore également l’efficacité des traitements car la matière active est protégée et se libère progressivement dans le temps. Enfin l’utilisation d’adjuvants (base végétale) renforce également la tenue des pesticides appliqués.
Le label + Nature by ExcellDepuis deux ans, le laboratoire Excell développe un label, baptisé +Nature par Excell qui garantit un niveau de résidus a minima dans les vins. « Les vins bio ou issus de l’agriculture raisonnée ne sont pas forcément sans pesticides, parce que l’attribution de ces labels reposent sur des «engagements de moyens », mais sans «engagement de résultats », souligne Excell. Le laboratoire bordelais a, lui, défini des objectifs de résultats pour l’obtention de son label « + Nature by Excell ».
Il a établi ses propres LMR en fonction de la toxicité des molécules, des exigences de certains pays importateurs et et concentrations courrament rencontrées. Ces LMR sont dans tous les cas nettement plus basses que celles admises sur raisins. Pour l’Iprodione (fongicide) par exemple, la LMR Excell est à 0,05mg/kg alors que la réglementation est - 10mg/kg (sur raisins). Idem pour le Pyrimethanil (fongicide) : à 0,05mg/kg pour Excelle alors que l’autorisation légale est à 5mg/kg.
Pour obtenir le label Excell, les vins sont passés au crible avec 112 pesticides recherchés. Ils ne doivent contenir aucun résidu d’herbicides ou d’insecticides/acaricides. Seuls 5 résidus de fongicides sont autorisés simultanément, la somme des cinq ne devant pas dépasser 50μg/l. Un encadrement donc très strict qui, selon Excell, est le prix à payer pour garantir un vin produit dans un vrai respect de l’environnement, avec de très faibles teneurs en résidus, preuve à l’appui .