epuis le milieu de la décennie 2000, le succès du vin en Chine ne se dément pas. Croissance annuelle à deux voire trois chiffres, engouement particulier pour les vins français, multiplication des lieux de ventes et de consommation, il n'est qu'à se rendre en Chine dans l'une des 4 ou 5 grandes villes du pays pour visualiser le réveil de ce nouveau pays consommateur. Les chinois et chinoises (ce qui n'est pas neutre) adorent le vin, tellement chic. Depuis 2011, l'empire du milieu est devenu le premier marché d'exportation des vins de Bordeaux. Une aubaine particulièrement attractive car il n'aura échappé à personne que ce nouveau relai de croissance se trouve être aussi le plus grand pays du monde par sa population.
L'auteur de cette tribune consacrée au marché chinois est Jacques-Olivier Pesme, professeur dans l'équipe Marchés des Vins et des Spiritueux, et directeur du Wine & Spirits Management Academy de BEM – KEDGE Business School
Marché chinois : trois points de vigilanceIl faut aller vendre son vin en Chine. Et d'ailleurs, toutes les officines françaises de promotion des exportations multiplient les initiatives pour aider le producteur à pénétrer ce formidable marché. Pourtant, à y regarder de plus près, il convient d'être plus nuancé car le caractère singulier du marché chinois, ne serait-ce que par sa taille, doit inviter le vigneron à considérer la question de manière réfléchie. Nous citerons trois points de vigilance.
Les effets démultipliés du marchéLes effets démultipliés d'un marché particulièrement important, qui peuvent porter aussi bien sur la croissance que sur la décroissance et les effets que cela peut induire. Une récente étude du cabinet Bain sur l'industrie du luxe en Chine pointait l'essoufflement de la croissance du marché du luxe en 2012 après des années d'euphorie pour les marques françaises. Certes le succès est toujours là mais il faut se préparer un jour ou l'autre à des atterrissages plus ou moins doux et maitrisés. Il faut savoir au moment d'aller en Chine qu'il s'agit d'un marché éventuellement sujet à de fortes variations commerciales. Selon les cas et les années, le marchand s'en réjouira ou s'en lamentera.
Le gap culturelLe fameux gap culturel entre nos deux marchés qui expliquent les manières différentes de faire du business en Chine : attentes par rapport au vin, importance de la consonance de la marque, copie… Commercialiser du vin en Chine est un art différent de celui des marchés occidentaux, avec son lot inévitable de surprises attenantes. Nombreux sont ceux l'ayant appris à leurs dépens, et un vigneron exportateur averti en vaut deux. Mieux vaut s'y préparer à l'avance et ne pas se laisser aller trop rapidement dans les kampaï du premier importateur venu.
Privilégier l'alliance pour satisfaire les volumesEnfin, corollaire du premier point, il faut souligner le très grand potentiel de la demande. Sauf cas particulier de cuvée de grand nom, inutile d'aller en Chine pour y vendre quelques centaines de caisses. Pour la majorité des vignerons, ce marché doit s'apprécier sur des volumes, avec, en cas de succès, la capacité de satisfaire rapidement à une hausse de la demande. C'est ainsi que pour certains vignerons, l'alliance semble une piste à considérer. Enfin, nous conseillerons d'y exporter à cette condition plus une supplémentaire : ne pas délaisser pour autant les marchés traditionnels afin de maintenir une répartition de votre portefeuille de marchés équilibrée, meilleure protection contre les situations de crise.