réée en octobre 2009, la société Cavissima propose à ses clients la constitution et la gestion de cave à vin de garde en ligne. Le vin, valeur-refuge, séduit un nombre croissant d'investisseurs échaudés par les caprices de la Bourse. Cavissima comptait 170 clients pour un chiffre d'affaires de 200 000 € en 2011. Au vu des résultats des cinq premiers mois de l'année, la société a revu ses objectifs annuels à 800 clients et 2 millions d'euros de chiffre d'affaires pour 2012 et à 2000 clients et 4,5 millions d'euros en 2013.
Entretien avec Thierry Goddet, fondateur de Cavissima.
Comment est né le concept de Cavissima ?Il y a déjà quatre-cents cinquante vendeurs de vin en ligne. Il fallait être différent. Il est clair que les grands crus sont en train de devenir une classe d'actifs : les Français arrivent avec un certain retard sur ce marché déjà organisé par les Anglais, les Américains et, de plus en plus, les Asiatiques. Le vin prend de la valeur avec le temps, en se raréfiant. Avec cette prise de valeur croissante nous sommes dans un marché spéculatif, avec un plus : le vin est une valeur refuge. Les autres marchés spéculatifs, celui des placements boursiers en particulier, sont de moins en moins lisibles pour le particulier, car de plus en plus déconnectés de la réalité. Et les crises s'enchaînent : après la crise des subprimes en 2008, on a vu la crise obligataire et à présent la crise de l'euro... Le manque de confiance pour les produits classiques favorise les valeurs refuges comme l'or, comme le vin : sur une même période de 10 ans, le CAC 40 a gagné 56 % alors que le cours des grands crus bordelais progressait de 190 %...
Et puis, au-delà du placement spéculatif, le vin permet de financer sa propre consommation : les Américains utilisent l'expression « Buy two, sell one ». Cette dimension du placement dans le vin séduit beaucoup de nos clients : la frontière entre l'achat-investissement et l'achat-plaisir n'est pas étanche.
Comment fonctionne Cavissima ?Voyant que l'intérêt était réel, nous avons structuré notre offre. D'un côté, nous proposons Cavissima Grands Crus, pour nos clients qui nous délèguent entièrement la constitution, le suivi et la revente de leur cave. Cette formule est réservée aux investissements supérieurs à 30 000 €, les vins sont achetés en exonération de TVA et stockés en zone franche à Genève.
De l'autre, nous avons fait le pari de démocratiser l'investissement dans le vin en offrant un espace dédié sur Internet. Si le client choisit lui-même ses vins, nous lui offrons toutes les informations dont il a besoin pour ce faire. Nous lançons le mois prochain un comparateur qui permet de pré-selectionner les produits entre eux et d'étudier l'évolution de leurs cours.
Avec Cavissima, nous réunissons cinq métiers : le premier consiste à vendre du vin de garde et des grands crus et suppose donc de les sélectionner et de les acheter. Notre deuxième métier est de conserver les vins pour le compte du client, dans des conditions idéales, que le client constitue sa cave pour son plaisir ou comme un investissement. Notre troisième métier est de faciliter la gestion de leur cave pour nos clients, en mettant gratuitement à leur disposition un outil en ligne qui conserve tous les documents qui s'y rapportent (relevés de compte, factures, bons de livraisons et dates d'arrivée en cave, livre de cave...). Notre quatrième métier, c'est de livrer les vins aux clients. Et le cinquième c'est de le revendre au bon moment. Dans chaque métier nous nous efforçons d'être les meilleurs.
De ces cinq métiers, quel est celui qui vous rapporte le plus ?A l'heure actuelle, Cavissima est surtout vendeur de vin. Le stockage est un service que nous rendons à nos clients, pratiquement à prix coûtant, à 10 ct/bouteille/mois. Notre métier de conseiller en gestion de cave détermine notre rémunération sur la plus-value pour les achats-investissements ; pour l'achat-plaisir, nous mettons en avant le fait que, dans 30 % des cas, les vins de garde sont bus trop tôt. Nous promettons donc à notre client une économie de gestion de cave mais aussi le fait qu'il boira ce qu'il achète et qu'il le boira au bon moment, grâce à son livre de cave.
Quels sont les clés du succès d'un investissement dans le vin ?D'abord, bien acheter : savoir choisir les vins. D'où notre comparateur. Le client amateur comme le néophyte ne doivent pas en être réduits à acheter à la marque et doivent pouvoir se fixer des objectifs en distinguant les horizons de court, moyen et long terme. Au moment de la revente, nous nous rémunérons à la commission sur les plus-values, nous avons donc tout intérêt à ce que nos clients vendent bien ! Autre clé, toujours en ce qui concerne l'achat : acheter au bon prix. Or nous sommes le seul site où les prix d'achat sont fixés en fonction d'une cote extérieure, fournie par WineDecider, qui la calcule à partir des prix des 450 vendeurs de vin en ligne.
Nous envoyons une newsletter mensuelle à nos clients. Elle contient systématiquement une analyse du marché ainsi que des opportunités-produits : nos pépites. Le dernier exemple qui me vient à l'esprit est le Château Smith Haut-Lafitte 2009, vendu à 58 € HT en primeur et actuellement coté entre 150 et 170 €. Le cours a grimpé de façon significative l'an dernier après que le vin ait été re-dégusté et très bien noté par Robert Parker... Tout notre art est de repérer ces pépites et ces opportunités pour nos clients.
D'une manière générale, recommandez-vous à vos clients de recourir à l'achat en primeur pour constituer leur cave ?Oui, notre politique est plutôt de recommander l'achat en primeur. Puisqu'il s'agit de bien acheter au départ, l'achat en primeur permet, sauf exception, de payer les vins moins chers qu'une fois qu'ils sont sur le marché. En outre, même quand la différence de prix n'est pas déterminante, l'achat en primeur permet de sécuriser vos approvisionnements : vous êtes sûr que vous aurez les vins quoiqu'il arrive lorsqu'ils sortiront, si vous les avez achetés en primeur.
Qui est le client-type de Cavissima ? A-t-il changé depuis la création de l'entreprise ?A l'origine, notre client-type était un expatrié ou un parisien, cadre supérieur avec des revenus assez élevés, qui dépense 5000 €/an en vin. Avec le temps, notre clientèle s'est diversifiée dans deux directions opposées. D'un côté nous avons des étudiants en école de commerce ou de gestion, qui viennent garnir leur cave avec 20 € chaque mois. De l'autre, nous avons des gens qui ont mis 200 000 € dans une cave et qui ainsi ont placé une partie de leur patrimoine. Entre les deux, nous voyons tout un éventail de clients qui appartient à la population active, ils ont entre 30 et 50 ans, sont à l'aise sur Internet. Ils sont amateurs de vin mais surtout ils reconnaissent ce dernier comme une classe d'actifs à part entière et font confiance à sa valeur d'investissement. Tout en nous disant : "au pire, si nous ne faisons pas de plus-value, nous profiterons du vin et en ferons profiter nos amis, nos enfants et nos petits-enfants".
Concrètement, comment se passe l'ouverture et la vie d'un compte Cavissima ?Dès l'ouverture de son compte, le client est accueilli par l'un de nos conseillers, qui guide ses premiers choix dans la constitution de sa cave. Cette première lecture assistée du marché permet d'éviter les erreurs du débutant en gestion de cave. Ensuite, le client procède progressivement à ses achats lui-même, avec de plus en plus d'autonomie. Il sera d'autant plus autonome dès le mois prochain, quand nous aurons lancé notre espace Vin et Investissement, avec le comparateur dont je vous ai parlé précédemment. En ce qui concerne la revente, dans la formule standard, le client choisit le moment de revendre et bénéficie d'une mise en relation masquée avec un acheteur via Internet. Dans le dispositif Grand Cru, la revente s'effectue dès que la cote atteint un objectif de progression fixé à l'avance, l'équipe de Cavissima se chargeant de trouver un acheteur. Enfin, si le client souhaite se faire livrer ses vins, nous procédons à une livraison par porteur spécialisé dans les meilleurs délais. Tous les vins sont stockés en Bourgogne dans la cave du client dès lors qu'ils sont achetés.
Quels sont les prochains développements pour Cavissima ?Un site Internet évolue sans cesse : depuis sa création nous n'avons cessé d'améliorer notre site et nous continuons. Et notre catalogue-produits change sans cesse. Nous voulons développer une application mobile car la clientèle de Cavissima a en général une tablette à la maison. Nous voulons en outre donner à la société une dimension internationale. Développer une clientèle internationale signifie également développer nos achats et nos références internationales. Si demain j'ouvre un Cavissima aux Etats-Unis ou en Chine, son portefeuille devra être adapté à la demande locale, ainsi qu'aux us et coutumes de ces marchés. A l'heure actuelle, nous proposons en tout plus de 700 références, dont 300 références bordelaises et une trentaine de vins du monde (essentiellement européens : italiens et espagnols, mais aussi californiens, chiliens, argentins...)