n sait d'ores et déjà que le potentiel de la vendange 2012 est lourdement affecté par les pertes occasionnées par les maladies cryptogamiques. Jacques Grosman, rapporteur national auprès du MInistère de l'Agriculture, dresse avec nous un bilan de l'état sanitaire du vignoble. Il constate que le millésime 2012 est bien marqué par une pression indéniable des maladies, due à des conditions climatiques particulièrement favorables à leur développement. Mais cette pression pourrait n'avoir qu'une incidence très limitée sur les rendements.
Comment qualifiez-vous la situation phytosanitaire du vignoble à la veille de la vendange ?En 2012, pas d'équivoque, on constate une forte pression du mildiou et de l'oidium quelle que soit la région. C'est rare. On a habituellement des années à mildiou et des années à oidium, or on a les deux cette année.
Il est difficile de dresser un prévisionnel de l'impact des attaques, mais nous pouvons évaluer la pression sanitaire. Nous disposons en effet de buletins de santé du végétal qui s'appuient sur des relevés effectués sur des parcelles témoins non-traitées dans toutes les régions de France, sauf en Champagne, et sur des relevés effectués sur des parcelles protégées, qui permettent d'évaluer la virulence des maladies et l'efficacité des traitements.
Les derniers buletins de santé du végétal ont été relevés début août, à un moment de la campagne où la situation phytosanitaire est calée, même si le botrytis peut encore apparaître ou se développer plus tard, surtout s'il y a des pluies. Dès le début du mois d'août on signalait déjà des foyers de botrytis déclarés, notamment sur inflorescence.
Notez enfin que le relevé de la situation phytosanitaire répond à un protocole harmonisé pour ce qui est des notations, mais pas nécessairement au niveau des synthèses, où chaque animateur filière donne une appréciation de la situation dans un contexte régional, en comparaison d'une année sur l'autre.
Doit-on s'attendre à des pertes de récolte importantes à cause du mildiou ?Sur le mildiou, la pression est due à la fréquence éléments contaminants avec une régularité de précipitation tout au long de la campagne. Phénomène aggravant : un démarrage assez précoce, avec les premières taches dès le début du mois de mai, contrairement à ce qu'on avait eu en 2010. Puis à l'observation des parcelles non traitées, la progression a été régulière, sur la feuille et sur les grappes. Ainsi, fn juillet, on avait 100 % des parcelles témoins attaqués en Aquitaine avec 45 % d'attaques sur feuille et 52 % sur grappe, ce qui témoigne d'une pression importante de la maladie. L'ensemble des vignobles de l'Ouest sont très touchés. En Poitou Charents, on est sur une pression supérieure à celle constatée 2007 et 2008, les dernières grandes années à mildiou. En Pays de Loire, au 2 août, 61 % des parcelles avec symptômes sur grappe alors que la semaine précédente on était à 43 %. On a donc eu une pression continuelle des attaques. On a ce type de constat en Champagne également. Attention, ces taux d'attaque élevés ne se traduiront pas forcément par une dégradation forte des conditions sanitaires et du potentiel de récolte du vignoble : il faut tenir compt de l'intensité des attaques, car une grappe attaquée peut n'être attaquée que sur deux ou trois baies. En Pays de Loire comme en Champagne, l'intensité des attaques demeure limitée.
En Bourgogne, on a eu une progression régulière là encore, avec un risque qualifié de faible à la floraison, qui a sensiblement augmenté depuis mais avec la particularité de présenter peu d'attaques sur grappe et des attaques sur feuillage à des niveaux très variables. Cette variabilité est fonction des pratiques de protection des viticulteurs (date de début de protection, qualité de la pulvérisation). On signale également un peu de rot brun dans le maconnais et dans la partie beaujolaise de la Saône et Loire.
Le Beaujolais un peu sur le même schéma avec 52 % des grappes touchées, mais pour avoir fait un tour dans le vignoble, je peux vous dire qu'on voit surtout des dégâts de grêle qui pourront se traduire par des pertes de récolte. On a eu de forts épisodes de gel hivernal qui se sont traduits par des pertes, mais essentiellement sur de vieilles vignes. J'ai participé à une commission d'enquête en Beaujolais et dans la Drôme où l'on a consaté des dégâts importants sur des parcelles âgées, avec des pertes montant jusqu'à 30 %.
En Languedoc-Roussillon, on a une année importante pour le mildiou, là encore avec des foyers précoces : les premiers foyers sont apparus autour du 15 mai, essentiellement dans le Gard et l'Hérault. Les conditions étaient favorables tant niveau pluie que durées d'humectation. Le vent n'a pas séché la pluie et limité les dégâts comme il le fait habituellement, particulièrement dans les zones maritimes. Ailleurs on constate peu d'attaques sur grappe. La Provence est moins touchée. En
Côtes du Rhône, on nous signale un vignoble globalement sain.
Partout les gens de terrain nous confirment que c'est bien une année à mildiou mais aussi où le mildiou n'était pas forcément très difficile à contenir.
Et l'oïdium ?Pour l'oïdium, on a une année très caractéristique de progression importante à départ précoce quel que soit le vignoble. Les niveaux de pression sont historiques sur les vignobles lde l'Est, importants sur les vignobles de l'Ouest.
La Champagne et le Beaujolais signalent leur plus grosse année à oïdium depuis depuis 2004. En Champagne l'indicateur grappe (issu de l'observation du réseau Magistère le pourcentage de parcelles qui présentent des symptômes sur grappe) a progressé très fortement : 3 % le 29 juin, 15 % 13 juillet, 21 % au 18 juillet et 37 % au 3 août. Dans ce dernier bulletin on comptait 14 % des parcelles avec plus de 10 % de grappes attaquées, ce qui est un niveau de contamination assez exceptionnel pour la région. Il est donc possible que l'oïdium occasionne cette année des pertes de rendement, à confirmer par les bilans de pré-vendange.
En Beaujolais on a eu le même type de progression, avec les premières grappes touchées au 10 juin, ce qui est là encore exceptionnel, donc apparition précoce puis très forte progression entre mi-juin et mi-juillet, puisque fin juillet on avait 68 % de parcelles avec del'oïdium sur grappe. Il pourra donc il y avoir là aussi une incidence sur le rendement, mais la grêle restera à mon sens la principale responsable d'une baisse des rendements.
En Bourgogne, les bulletins de santé du vignoble suggèrent une pression moins forte, même si elle reste importante, avec 35 à 40 % d'intensité d'attaque sur les témoins. La progression est importante sur feuille, mais beaucoup moins sur grappe sur parcelles traitées donc la protection s'est révélée efficace. Début août, on comptait 72 % des parcelles avec moins de 5 % de grappes attaquées, avec des intensités d'attaques assez faibles pour que les animateurs parlent en synthèse d'un vignoble globalement assez sain.
Sur la façade ouest, on note en Aquitaine un niveau de pression moyenne à forte, comparable à 2011, mais avec une évolution très différente. L'an dernier on avait vu un oïdium de fin de saison avec une progression très tardive, alors que cette année l'évolution s'est rapidement étendue aux grappes. Au 31 juillet, sur témoins (parcelles non protégées) 58 % des feuilles et 32 % des grappes étaient attaquées avec attaque d'intensité de 11 %. Sur les parcelles de référence (protégées) on avait 13 % des feuilles et 5 % des grappes attaquées avec une intensité faible de 3 %. On a donc une forte pression mais qui ne devrait pas se traduire par des pertes importantes sur la récolte. Dans le Val de Loire, 39 % des parcelles étaient touchées début août, à la fermeture de la grappe et le vignoble était globalement sain début août, avec des ilôts de progression sur des parcelles fortement attaquées sur le feuillage donc sans doute mal protégées.
Enfin : black rot, botrytis, ravageurs ?En ce qui concerne les autres maladies : le black rot, avec beaucoup de signalements essentiellement dans vignobles de l'Est. Beaujolais et Bourgogne indiquent des attaques fréquentes sur feuille et sur grappedans la Côte Chalonnaise et une grande partie de la Saône et Loire mais aussi sur des secteurs qui avaient jusqu'ici très peu vu de black rot. De même en Beaujolais, le black rot a fait son apparition dans des zones où on le voyait très peu jusqu'ici.
En botrytis on a indubitablement une année favorabl,e quels que soient les vignobles avec des attaques sur feuilles, sur inflorescence et sur baie y compris en Sud-Est et Languedoc-Roussillon, où les attaques sont facilitées par l'action des tordeuses.
On a enfin une année à faible pression des insectes nuisibles : les tordeuses sont à un niveau très faible et on constate peu de dépassementq de seuils en ce qui concerne les cicadelles. Ces niveaux de pression constatés sont d'autant plus faibles que certains vignobles ont remonté leurs seuils de détection pour tenir compte d'une vigueur plus importante des vignes.



