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José Canadas : « en vallée du Rhône, un domaine générique se vend en 2 ans, pour un Châteauneuf-du-pape 30 minutes suffisent »

Par Alexandre abellan Le 10 août 2012
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José Canadas : « en vallée du Rhône, un domaine générique se vend en 2 ans, pour un Châteauneuf-du-pape 30 minutes suffisent  »
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ondateur de l’agence immobilière Lord & Sons (Gigondas), José Canadas connaît la vigne de A à Z. Fils d’un vigneron des Beaumes de Venise, il travaillait l’été dans les vignes en guise de punition. Après ses études de BTS viticulture et oenologie au lycée agricole de Hyères (Var), José Canadas oeuvra 15 ans au Cellier des Dauphins, préparant, assemblant et expédiant des vins. Il quitta ce poste en 1992 pour créer le dépôt de produits et de matériel viticole dans la vallée du Rhône.

En 1994, il fonde l’agence Lord & Sons, spécialisée dans la vente de biens viticoles de la Vallée du Rhône, ainsi que des coteaux d’Aix. José Canadas nous détaille le marché foncier de la vallée du Rhône, ses tendances et ses acteurs. Il se penche sur les effets méconnus des conventions de mise à disposition des Société d’Aménagement Foncier et d’Etablissement Rural (SAFER).

Qu'est-ce qui fait un bon agent immobilier : son expertise viticole ou son réseau ?

Les connaissances sont essentielles, mais le réseau a une importance primordiale : c’est la clé de la réussite. De nombreuses agences pensent qu’il est facile de vendre des biens viticoles. Elles s’imaginent que ce marché est facilement porteur, qu’il est aisé de faire fortune en vendant des domaines viticoles. Elles arrêtent souvent leurs activités en moins de trois ans, car c’est peine perdue. Le marché est de plus en plus agressif et difficile, je suis sûr qu’à terme il y aura de moins en moins d’agences vendant des domaines. Pour l’instant, il devient de plus en plus difficile de communiquer sur les biens que nous avons à disposition, car nous nous faisons siphonner nos belles propriétés par la concurrence.

L’important pour durer, c’est également d’être le premier informé d’une mise en vente. J’ai la chance d’avoir toujours travaillé dans la vallée du Rhône. C’est un atout que de jouir d’un relationnel avec de nombreux opérateurs de la région. Au final, ça coulait de source que j’en vienne à occuper la position d’agent immobilier. J’entretiens de nombreux contacts avec des producteurs, issus de mon expérience au Cellier des Dauphins et dans la distribution de matériel. J’ai eu, et j’affiche toujours, des domaines en primeur, présents nul part ailleurs sur le marché. La confidentialité est un autre élément essentiel. S’il faut avoir de beaux produits, il faut également les proposer en catimini. Il n’y a qu’en respectant ces règles que vous pouvez afficher de belles références, locales de surcroît.

Je suis fier d’être le seul agent à me faire payer par le vendeur d’un bien. C’est lui que je défends et je cherche à obtenir de mes clients le plus juste prix de son domaine. Je ne cherche pas à massacrer le vendeur, en espérant que l’acheteur me donne de meilleurs honoraires. Le client m’intéresse, bien entendu, mais en cette période difficile on ne peut décemment tirer les prix vers le bas pour les vendeurs. Ce que je cherche avant tout, c’est à valoriser le travail et le bien des vignerons. Grâce à tous ces ingrédients, je peux afficher les records de vente dans toutes les appellations de la vallée du Rhône

Quel est le détail du marché viticole de la vallée du Rhône ?

C’est un marché très sectorisé. Il y a au nord tous les crus septentrionaux, qui demeurent intouchables et bien à part. Très peu d’opérations les concernent et elles restent confidentielles. On n’apprend qu’il y avait un bien à vendre que lorsque la vente est faite. Et encore, comme il a de plus en plus de cession de parts on ne le sait généralement pas.  En descendant vers le sud, il y a la Clairette de Die, une appellation qui tire très bien son épingle du jeu. Le prix moyen d’un hectare y est actuellement de 60 000 €, alors qu’il était deux fois moindre il y a 10 ans. Un grand dynamisme entoure ces biens, qui trouvent très rapidement preneur, même si ce marché reste très confidentiel.

Plus au sud, on arrive sur Tricastin. Cette appellation souffre beaucoup, malgré le changement d’appellation (NDLR : Grignan les Adhémar depuis 2010) la demande y est exclusivement interne. Il est difficile de trouver des opérateurs extérieurs intéressés par ces domaines, à part des vignerons du cru cherchant à s’agrandir. Les domaines des côtes du Rhône Village du nord souffrent de la concurrence de ceux du sud. Le marché est réduit, avec beaucoup de propriétés à vendre, mais avec très peu de belles unités.

Il y a beaucoup de spéculation sur les appellations Rasteau et Cairanne. Les prix y ont bondi car les propriétaires se montrent trop gourmands. A Rasteau, les vendeurs demandent généralement 100 000 €/ha, alors que le marché est plutôt à 80 000 €/ha, et encore s'il s’agit de très belles vignes. La spéculation sur l’obtention du cru à Cairanne conduit les vignerons à demander 60 à 90 000 € par hectare. La réalité du marché se trouve pourtant à 50 000 €/ha. Ce décalage est préjudiciable et rend difficile le bouclage de ces dossiers.

Le marché des vignes de Gigondas marche vraiment du feu de Dieu ! Chaque année on ne négocie pourtant que quelques hectares, mais la demande ne cesse pas. L’hectare de vigne se négocie à 180 000 €/ha. Le dynamisme de l’appellation doit beaucoup à son président, Franck Alexandre, qui valorise l’appellation. Il a su attirer des acteurs importants, comme la famille Perrin, qui entraînent à leur tour d’autres grands opérateurs. Vacqueyras se vend également très bien, de 80 à 100 000 €/ha. Cependant les terrains pourraient afficher des prix encore plus élevés. Il y a là un mystère que je ne comprends pas. Si le vrac est très bien valorisé, ce n’est peut-être pas le cas de la bouteille. La demande pour cette appellation devrait se développer et je conseille aux investisseurs de s’intéresser à ce vignoble pour les prochaines années.

Toujours en descendant vers le sud, le prix des vignes à Beaumes de Venise est trop élevé par rapport au marché (80 à 90 000 €/ha). Les transactions sont très concurrentielles et confidentielles à Châteauneuf-du-Pape. Ayant créé le succès de cette appellation, les propriétaires locaux protègent leurs biens. Les SAFER font bien leur travail en jouant leur rôle sur ce marché. La demande reste soutenue au Ventoux, avec une dynamique à 30 000 €/ha. Les coteaux d’Aix en Provence fournissent de belles opportunités à 50 - 60 000 €/ha. Le marché est plus ludique en Lubéron, avec une logique d’achat différente : il s'agit d'afficher son nom sur la bouteille. Le concept de gentleman farmer est à la mode et avec le développement de cette demande, on assiste à une explosion des prestataires de services : suivi du vignoble et vinifications à façon.

Quelle est la typologie de la clientèle en vallée du Rhône ?

60 % des acheteurs de foncier viticoles sont des opérateurs de la filière. Il y a eu une vague d’investisseurs de Champagne, puis de Bourgogne et dernièrement d’acteurs de la vallée du Rhône. Depuis 3 ans, ce sont principalement les grandes maisons de négoce (Meffre, Boisset, Lavau...) qui cherchent à diversifier leur porte feuilles d’appellations en vallée du Rhône. Elles sécurisent ainsi leurs apports de vins en devenant indépendantes du marché. Le négoce montre ainsi qu’il n’a pas qu’une activité de négoce et renvoie une image de producteur. Ils recherchent actuellement des unités compactes, de 10 à 40 hectares, pour en faire des outils de travail de qualité.

Les professionnels agrandissant leurs propriétés comptent pour 20 % du marché foncier. Il y a très peu, et certainement pas assez, d’installation de jeunes. Les 20 % restants du marché sont des produits orientés vers l’oenotourisme. Tous les jours je reçois au moins deux demandes de particuliers pour acheter un gîte, où il serait apprécié qu’il y ait 2 ou 3 hectares de vignes. Ces biens sont très demandés, mais affichent dans la région des prix trop élevés, l’offre étant ô combien limitée. Il faut noter que pour ces acheteurs qui ne sont pas issus de la filière, il n’y a plus de coups de coeur ou d’achat sur un simple « potentiel à développer ». Maintenant, l’acheteur demande de plus en plus à voir un bilan du domaine, pour juger des bénéfices et du potentiel entrepreneurial.

En combien de temps vendez-vous un domaine de Châteauneuf-du-Pape ?

La dernière fois, cela m’a pris 30 minutes. J’ai à peine eu le temps de prévenir quelques uns de mes acheteurs qu’il s’en est trouvé un pour l’acheter immédiatement, sans l’avoir visité. Pour vendre des appellations aussi prestigieuses, il n’y a que quelques acheteurs à solliciter, mais pour une appellation plus générique le temps de vente moyen est plutôt de 1 à 2 ans, voire plus en cas de nuisances (route, lignes haute tension). J’ai en général 200 à 300 acquéreurs potentiels. Ils sont très patients et attendent un opportunité qui leur convienne, en moyenne cela dure 3 à 4 ans. On est bien loin de l’image des agents immobiliers se gavant facilement ! Récemment j’ai même trouvé la propriété de ses rêves à un client que je suivais depuis 11 ans !

Mon agence est avant tout connue pour sa notoriété et son implication en vallée du Rhône, ce qui ne m’empêche pas de recourir aux publicités papier et internet. Il y a un flux continu d’acquéreurs. Mais leurs critères sont de plus en plus pointus, gagnant en précision. Le métier se complique. Prenons le cas des superficies et de l’encépagement. Pour mettre au point une vente, il suffisait auparavant de se fier au cadastre. Dorénavant il nous faut être plus pointilleux sur les surfaces cultivées et bien connaître le détail de l’encépagement, parcelle par parcelle. Cette politique de vérification et de transparence doit s’appliquer à toutes les pièces du dossier.

Pourquoi critiquez-vous les conventions de mise à disposition des SAFER ?

Pour être précis, ce ne sont pas les conventions de mise à disposition (CMD) que je critique, mais la procédure qui consiste à les banaliser, sans préciser leurs conséquences. Je m’explique. En cas de fin de fermage ou de problèmes de succession, certains propriétaires signent avec leur SAFER une CMD temporaire. Moyennant honoraires, la SAFER a la charge de trouver quelqu’un pour s’occuper de l’exploitation. Mais ce que les vignerons ne savent généralement pas en signant cette convention, c’est qu’ils parafent également un pacte de préférence avec la SAFER. Au terme de la CMD, ils s’engagent en effet à passer par les SAFER pour vendre leur domaines. Ce pacte fait que les agences sont limitées dans leurs actions, devenant des agents de SAFER. Si la technique continue à se développer ainsi, ce sera un frein notable pour les agences immobilières.

Soyons clair, j’ai généralement de très bonnes relations avec les SAFER, ce sont des compléments nécessaires aux agences. Certaines SAFER s’occupent cependant d’opérations qui ont plus à voir avec l’immobilier que le foncier. Certaines sortent du cadre de leurs missions et se focalisent sur de petites propriétés viticoles (1 à 2 hectares) avec des gîtes, des chambres d’hôtes, voire même des campings !

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