e groupe SOPEXA, agence de marketing qui vend ses services à de nombreux groupements producteurs dans l'agroalimentaire et le vin français, a fêté en 2011 ses 50 ans. Un an après, la directrice Cécile Bassot et l'équipe de la « digital factory », la division spécialisée dans le marketing sur le net, dirigée par Julia de Sainte-Marie, veulent présenter une image moderne, résolument tournée vers l'intégration des stratégies réelles et virtuelles au service des clients. L'action marketing dans les réseaux sociaux en ligne, du type Facebook, est une composante importante de ces stratégies, en particulier parce qu'elle implique un contact très direct et très interactif avec le public, et nécessite donc une connaissance approfondie de chacun des marchés : culture locale, paysage média et internet, modes de consommation...Certains clients de la SOPEXA sont déjà très actifs dans le domaine, par exemple les vins de Bordeaux (plus de 40 000 fans sur la page Facebook en français, plus de 90 000 sur la page anglaise), ceux d'Alsace et ceux de la Vallée du Rhône.
Pour les aider, la SOPEXA a déployé dans le monde un réseau de correspondants qui effectuent à la fois une veille sur l'ampleur et la nature du phénomène, sur ses évolutions récentes, et qui sont donc à même de conseiller sur les stratégies à adopter et les coûts à engager. Tout ceci s'illustre par des actions concrètes sur des grands marchés comme la France, les Etats-Unis, la Chine, le Canada ou encore le Japon.
Les réseaux sociaux, la naissance d'un vrai média interactifSur les deux milliards d'internautes répertoriés dans le monde (pour en savoir plus, cliquer ici) un milliard sont inscrits sur des réseaux sociaux, dont 870 millions sur Facebook. Le succès de cette interface repose sur son côté très intuitif (c'est à dire facile d'utilisation), la possibilité d'échanger une grande variété de contenus (texte, photo, vidéo, son), de parler avec ses pairs, ses amis...Parallèlement, le marché mondial de la publicité en ligne devrait croître de 13% en 2012 pour atteindre plus de 62 milliards d'euros, soit 18% du total de la publicité mondiale.
Faire le lien entre les deux phénomène présente beaucoup d'intérêt, mais n'est pas chose aisée : les « réseaux sociaux », qu'on désigne aussi par le terme « web 2.0 », la deuxième génération de l'internet, sont des « espaces conversationnels ». Loin de la pure consultation d'un écran, on est ici dans une interaction très poussée entre les différents internautes connectés, qu'ils soient particuliers, entreprises, organismes publics, associatifs...L'exercice publicitaire y est donc très différent du pur affichage, l'ensemble est animé par des conversations auxquelles il faut savoir prendre ou ne pas prendre part, en fonction de codes déterminés par des cultures locales, mais aussi générationnelles. A ce titre, les réseaux sociaux sont selon Cécile Bassot « le prolongement de l'expertise image » des opérateurs professionnels et de sociétés de conseil comme la SOPEXA.
Des concepts multiples et en devenirLe marché est actuellement dominé par quelques acteurs , dont les plus importants sont Facebook (870 millions d'inscrits), Twitter (260 millions), Linkedin (100 millions), Google+ (62 millions), ou encore Tumblr (38 millions). On y ajoute les sites de vidéo comme Youtube (48h de film mises en ligne par minute) et Dailymotion, parce qu'ils intègrent de nombreuses fonctionnalité de partage et de dialogue. En Amérique du Nord et en Europe, c'est Facebook qui domine, alors que l'Asie a développé des réseaux spécifiques, surtout la Chine.
Chaque marché a également des acteurs moins importants, souvent spécialisés, en particulier dans le vin et la gastronomie. Aux Etats-Unis, il existe plusieurs communautés de fans de vins, qui achètent des bouteilles, créent des profils par bouteille, de façon à créer une base de données dans laquelle chacun peut ensuite aller chercher des avis sur des vins qu'il veut acheter, tout en se renseignant sur les prix. Ces systèmes peuvent être aussi complétés par des applications pour téléphones portables, utiles par exemple quand on est chez son caviste et qu'on n'a pas fait de recherches avant de s'y rendre. Ces sites ont pour nom Drync (l'application la plus importante, destinée aux consommateurs grand public), Snooth (pour un public plus connaisseur), Socialgrapes, et pour la cuisine Dishpal (qui permet de publier des photos de plats). En Europe, l'Allemagne compte de nombreux sites spécialisés sur la cuisine, en Belgique on trouve Vinogusto sur le vin, en Italie Enoticon (en cours de lancement)...
D'autres interfaces sont en développement aujourd'hui, en jouant sur des fonctionnalités nouvelles. C'est le cas de Foursquare, qui permet de signaler à ses contacts l'endroit où on se trouve ; une idée basique, mais qui a permis à la grande chaîne de pharmacies américaines Walgreen de créer un jeu en ligne à l'échelle de tout son réseau de magasin, associé à une campagne de distribution de coupons de promotion, le tout étant lié également à Facebook et à Twitter. L'autre site en vogue aujourd'hui, c'est Pinterest, un réseau qui compte déjà 10 millions de comptes, et qui fonctionne sur la possibilité donnée à chacun de construire un mur d'images qui lui est propre, mais sur lequel ses contacts peuvent venir prendre les clichés qui leur plaisent, et les partager à leur tour avec leurs propres amis. Ce site est totalement en phase avec la culture du monde actuel, très tournée vers l'image, et a d'autre part connu un grand succès chez les amateurs de gastronomie. Pour les entreprises, c'est un vecteur idéal pour diffuser son image, mais aussi la façon dont les clients se l'approprient. Au Japon, dont les habitants passent beaucoup de temps sur l'internet mobile lors de leurs transports en commun, on trouve d'autres concepts comme Ameba, un espace de vie virtuelle mais où l'économie marchande est présente, ou encore Gree (40 millions d'utilisateurs) ou Mobage (30 millions), des hybrides entre le jeu vidéo et le réseau social.
Des stratégies de communication intégrées et un coût à géométrie variableSelon Cécile Bassot, par rapport aux grandes marques étrangères qui disposent d'importants moyens marketing, les acteurs français, souvent des PME, ont plus de difficultés à élaborer et mettre en place de véritables stratégies dans ce contexte foisonnant et multiforme, « d'où l'importance de la promotion collective », en général réalisée par les interprofessions. Mais la directrice de SOPEXA pense aussi que « si les entreprises françaises sont encore un peu absentes des réseaux sociaux, même si ça commence, c'est aussi parce que les produits alimentaires font appel aux cinq sens, et il faut bien associer le contact virtuel et et le contact réel pour que l'acheteur comprenne le goût. » D'où l'importance d'une stratégie d'image bien pensée, avec une bonne connexion entre les différents moyens du marketing, de l'étiquette jusqu'au réseau social, en passant par les médias traditionnels, qui restent incontournables : « faire uniquement du digital pour une marque, rentrer par les réseaux sociaux, jusqu'à présent on n'a pas vu de succès de cette nature. »
D'autre part, la nature de l'intervention sur le réseau social nécessite des choix. A côté de la simple publication de messages sur un page Facebook, en espérant qu'ils retiendront l'attention des internautes et que ceux-ci les partageront ensuite avec leurs amis, on peut par exemple créer des jeux qui vont faire parler de la marque. Mais on peut aussi être présent pour échanger des commentaires avec les fans, de façon à faire éventuellement évoluer son offre. C'est une bonne façon de prendre le pouls de l'opinion, voire pour certains de tenter d'influer sur le message généralement véhiculé. Si la publication d'informations permet de créer une « version officielle » du discours sur la marque, certains vont jusqu'à intervenir dans les conversations des internautes quand les messages sont négatifs, et leur proposer d'échanger dans des espaces plus privés sur les difficultés qu'ils ont pu connaître.
Tout ceci peut se passer sur un réseau généraliste comme Facebook, mais aussi sur un spécialiste comme Vinogusto, qui propose aux entreprises de se créer des pages où elles diffusent leur information. Les sites spécialisés dans la cuisine sont une autre piste intéressante, par exemple au Japon, où les sites spécialisés en vin ne sont pas développés, mais où les applications culinaires font florès, comme Cookpad (16 millions de membres actifs), qui s'est ouvert à la publicité, et sur lequel un concours de cuisine lié au vin serait parfaitement envisageable.
Les coûts de ces opérations sont moins importants que les campagnes dans les médias traditionnels, parce qu'ils sont en très grande partie constitués de temps de conseil et de travail humain, alors que les outils sont la plupart du temps gratuits. L'entrée en matière est donc très simple, mais la réussite dépendra du développement de l'espace spécifique, des campagnes pour attirer des fans sur la page, du discours construit dans les mises en ligne...Selon les différents correspondants de SOPEXA, pour tout ce travail, il est nécessaire de prévoir un budget annuel d'au moins 50 000 euros.
Campagne en France pour l'Agence bioFacebook est le réseau social qui domine actuellement sur le continent européen, et la France n'échappe pas au phénomène, puisqu'elle fait partie des dix premiers pays utilisateurs, avec 24 millions de comptes. Toutes les générations sont maintenant concernées, puisque le dernier million de comptes créés l'a été en majorité par la génération des 40 à 55 ans, bien représentés maintenant à côté des 13-18, de la ménagère de moins de 50 ans et des seniors. En France, la SOPEXA gère la page Facebook de l'Agence bio, l'organisme qui structure la démarche de l'agriculture biologique en France. Alors que le sujet de la bio a longtemps eu une image un peu difficile d'accès, Facebook a été le bon moyen d'attirer à elle beaucoup de néophytes. La page de l'Agence bio est ainsi devenue un espace de conversations entre générations, qui a conquis 33 000 fans en seulement six mois. On est ici dans une action de pure amélioration de la notoriété du client.
Campagne pour le Beaujolais aux Etats-UnisA la différence de l'Europe, où Twitter est très utilisé surtout dans le monde des médias, en Amérique le public est beaucoup plus large, avec 107 millions d'utilisateurs, et on y trouve en particulier beaucoup de consommateurs. Pour son client Interbeaujolais, la SOPEXA a initié en 2011 une stratégie destinée à faire comprendre aux « millenials » ou « génération Y », née entre 1980 et 1995, que le vignoble du Beaujolais est au courant des tendances des réseaux sociaux américains. Pour ce faire, elle a monté, avec le concours de huit blogueurs connus dans la gastronomie et le vin, ainsi qu de sommeliers, cinq dégustations représentant les douze appellations du Beaujolais. Lors de chaque dégustation, quatre bouteilles étaient dégustées en 90 minutes. Partout aux Etats-Unis, les consommateurs avaient accès à la conversation et au savoir des experts en vin, et grâce à Twitter, il a été possible de réunir sur la page Beaujolais.com toutes les réactions des personnes qui suivaient les dégustations . Chacune d'elle a été suivie par 40 à 70 personnes, et a généré en moyenne une vingtaine d'articles sur des blogs de vin. On est ici dans une communication pédagogique, à mi-chemin entre le grand public et les prescripteurs.
Campagnes pour Vinexpo et les vins du Rhône en ChineLe régime politique chinois ayant bloqué l'utilisation de Facebook et de Youtube en Chine pour censurer son opposition, des réseaux sociaux locaux se sont développés, comme Weibo, qui synthétise Twitter et Facebook, ou Qzone, qui est le réseau social du service de vidéo-téléphone (analogue à Skype) QQ. Les deux plates-formes représentent 80% du marché évalué à 500 millions d'internautes.
Pour Vinexpo, la SOPEXA a créé un compte Weibo, qui a ouvert trois mois avant le début du salon. Des vidéos, des commentaires, des parties interactives, ont généré un très grand nombre de pages vues et rassemblé 10 000 fans, alors que le salon a compté 15 000 visiteurs professionnels. Des blogueurs, des professionnels connus sur Weibo, ont également été informés par téléphone et par e-mail, pour les inciter à publier sur leur page une information relative à la page de VINEXPO. Avant le salon, les équipes postaient trois à quatre informations par jour sur la page, en répondant aux questions pratiques que se posaient les internautes ; pendant le salon , de nombreuses photos ont été publiées, en particulier celles de visites de personnes connues, par exemple des acteurs de cinéma, afin de créer de la notoriété auprès de la communauté du vin.
Une deuxième action, pour la Vallée du Rhône celle-ci, intitulée « l'ami Julien », a consisté à recruter Julien Gaudfroy, un jeune français très connu dans les médias chinois. Avec lui, neuf vidéos pédagogiques ont été tournées en 2009, parlant d'accords entre les mets et les vins, de moments de consommation pour les vins du Rhône, des vins et de la santé...Le tout accompagnait, sur le site des vins du Rhône et sur les équivalents chinois de Facebook et Twitter, une campagne de publicité mettant en scène une jeune femme impatiente de boire un verre de vin rhodanien, sous le slogan « les vins de la vallée du Rhône, un bonheur qui n'attend pas. » En 2012, l'opération a été réitérée, sous le nom « la minute de Julien », avec quinze vidéos tournées dans les crus du vignoble, au cours desquelles Julien Gaudfroy parle avec des vignerons de leur terre et de leurs vins. Chaque vidéo a été vue en moyenne un millier de fois.
Campagnes pour les vins de Provence et d'Alsace au CanadaEnviron 50 % des Canadiens sont connectés à un réseau social, et parmi eux 95 % ont un compte Facebook, mais Twitter y fait une montée fulgurante. La stratégie de la campagne montée par la SOPEXA pour les vins de Provence a eu pour but de communiquer avant, pendant et après un événement, en l'occurence une soirée « Les instants rosés », pour créer une animation sur internet, ce qu'on appelle aussi un « buzz » médiatique. Un partenariat est conclu avec des blogueurs, qui vont communiquer sur leur page au sujet de la soirée pendant son organisation, puis poster des messages sur Facebook pendant la soirée, tandis que les invités sont incités à « twitter » leurs impressions en direct. Les tweets sont ensuite rassemblés sur la page, qui va être enrichie dès le lendemain de photos de la soirée, que les internautes vont pouvoir reprendre sur leur page, avec un cadre qui indique le logo du client.
Pour les vins d'Alsace, afin de les positionner comme précurseurs dans les réseaux sociaux, et ramener des fans sur la page « Alsace au menu », très active au Canada, la SOPEXA a imaginé un rendez-vous virtuel : ce sont des dégustations animées par la blogueuse vidéo Aurélia Filion, auxquelles assistent d'autres blogueurs, qui postent sur Facebook et qui twittent pendant l'évènement. Pour faire connaître la dégustation, des partenariats ont été conclus avec des médias, comme un journal féminin ou le quotidien Métro. Les internautes étaient incités à acheter cinq vins d'Alsace, de façon à ce qu'ils puissent les déguster en même temps qu'Aurélia Filion, le mercredi soir à 20h. Le principe a bien fonctionné, la page Facebook a été visitée par 3000 personnes, sa fréquentation a augmenté de 22%, 300 commentaires ont été postés, ainsi que 160 tweets, qui ont atteint 73 000 personnes sur Twitter.
Campagne pour les vins d'Alsace au JaponL'acteur historique des réseaux sociaux nippons s'appelle Mixi (26 millions d'inscrits), mais il a été récemment fortement concurrencé par Facebook, après que le site américain se soit adapté au besoin des Japonais pour des services de géolocalisation, très utiles dans un pays où les noms et numéros de rue n'existent pas ! Twitter a également beaucoup progressé après la catastrophe de Fukushima, alors que les réseaux de téléphone portable étaient saturés. C'est aussi le seul pays où le nouveau venu Google+ a fait un bon démarrage, grâce à un partenariat avec un groupe de variétés très connu. SOPEXA a créé sur place une action pour les vins d'Alsace, en partenariat avec un site de mode pour hommes, Allaboutformen, qui cible des personnes de catégories sociales aisées, et compte 13 millions de membres. Pendant un mois, le site a accueilli une campagne animée par des sommeliers et des personnalités, qui s'est terminée par une soirée à laquelle 50 internautes ont été invités, pour découvrir les vins d'Alsace avec les sommeliers.