menu burger
Lire la vigne en epaper Magazine
Accueil / Viticulture / L’alimentation hydrique de la vigne : enjeu majeur dans le bassin méditerranéen
L’alimentation hydrique de la vigne : enjeu majeur dans le bassin méditerranéen
Lire plus tard
Partage tweeter facebook linkedin

L’alimentation hydrique de la vigne : enjeu majeur dans le bassin méditerranéen

Par Michéle Tastavy Le 21 février 2012
article payant Article réservé aux abonnés Je m'abonne
Lire plus tard
Partage tweeter facebook linkedin
L’alimentation hydrique de la vigne : enjeu majeur dans le bassin méditerranéen
L

’alimentation hydrique du vignoble méridional  est un sujet de recherche jugé prioritaire par les professionnels du vin du Languedoc-Roussillon. C’est ce qu’a révélé l’enquête menée par l’Inra de Pech Rouge dans le cadre du projet Winetech. Les prévisions du GIEC sur l’évolution du climat dans le bassin méditerranéen confortent cette orientation. Les œnologues s’en préoccupent également puisqu’ils en ont fait le thème de la 29ème journée de rencontres œnologiques, organisée fin janvier par l’association des œnologues de Montpellier.

Aridité accrue dans le bassin méditerranéen

Même si les températures de ce début de mois de février semblent indiquer l’inverse, le réchauffement climatique est en marche. Les derniers travaux du GIEC ne laissent plus la place au doute, affirme Bernard Seguin, directeur de la recherche de l’INRA d’Avignon. D’ici la fin du siècle, le bassin méditerranéen va connaître de profondes modifications de ses conditions climatiques avec :

-  un réchauffement  de 3 à 4°C de la moyenne des températures annuelles

-  une pluviométrie annuelle qui, à l’inverse, va décroître de 20% dans le même temps, en particulier durant la saison estivale. Des valeurs fortes pourront en revanche survenir dans les autres saisons, mais avec un nombre plus réduit d’épisodes, pouvant conduire à une plus forte érosion des sols.

- concomitamment, la demande en eau, exprimée par l’évapotranspiration potentielle, sera augmentée de l’ordre de 20% en période chaude. Avec 20% de moins d’apport d’eau et 20% de plus pour la demande exercée par le climat, le bilan hydrique va se dégrader avec une tendance accrue à l’aridité. Montpellier et Perpignan  se retrouveraient ainsi dans les conditions climatiques actuelles de Palerme, Malaga et Tunis.

Cette évolution climatique ne sera pas sans conséquence sur la culture de la vigne. Des évolutions sensibles sont déjà constatées avec l’avancée généralisée des stades phénologiques et notamment la date des vendanges, ainsi que l’augmentation du taux de sucre de la vendange, même si l’évolution des pratiques culturales interagit sur ce facteur. Les rendements seront également affectés par le changement climatique avec des baisses estimées entre -15 et -35%.

L'Irrigation pour enrayer la baisse des rendements

Dans ce contexte, l’irrigation de la vigne, dans les secteurs  où elle est possible, est une des solutions les plus rapides à mettre en œuvre pour remédier à cette évolution du climat. D’après les essais menés depuis 1999 par la Chambre d’Agriculture du Gard, avec des apports de 50 à 100 mm/an, apportés de façon régulière sinon quotidienne, les rendements peuvent être augmentés dans une fourchette de 30 à 50%. Au-delà de 100 mm par an, les apports d’eau ne sont plus valorisés en termes de gain de production.

« Il est difficile d’envisager une hausse des rendements supérieure à cette estimation sans repenser le système de production en complément (fertilisation, densité, taille…) », estime Bernard Genevet de la Chambre d’Agriculture du Gard. « Avec l’irrigation, nous ne visons pas une augmentation des rendements, notre objectif est d’éviter qu’ils baissent. Les rendements sont fixés dans un  cahier des charges  vignoble qui définit la « charge » laissée lors de la taille d’hiver. En fonction de cette taille, nous adaptons la stratégie de fertilisation, irrigation et de définition de la date de récolte. Sans irrigation, la sécheresse peut nous faire perdre un % important  de notre production», nuance Gabriel Ruetsch, responsable Vignobles chez Foncalieu, union de coopératives qui dispose de 1200 ha de vignes irriguées sur un total de 7000 hectares. »

Pas d'effet négatif sur la qualité au contraire

Les essais menés par la Chambre d’agriculture du Gard pour mesurer l’impact de l’irrigation sur la qualité des raisins n’ont pas mis en évidence de baisse qualité, si les apports d’eau restent dans la fourchette recommandée (50 à 100 mm par an). En permettant un meilleur fonctionnement photosynthétique du feuillage, l’irrigation induit une augmentation systématique du taux de sucres. En situation non irrigable, un décalage de 7 à 10 jours de la date de récolte permet de compenser ce retard à la maturation, parfois au détriment du poids et souvent de l’acidité. Au niveau de la couleur, l’irrigation utilisée dans des proportions raisonnables n’a pas d’effet négatif, les valeurs d’intensité colorante sur vin fini restent satisfaisantes dans la plupart des cas (Intensité colorante supérieure à 10). En revanche, les excès d’eau sont parfois pénalisants (effet dilution), plus particulièrement sur les cépages à faible potentiel comme le Grenache.

Des objectifs qualitatifs contrecarrés par la réglementation

Chez Foncalieu, l’irrigation est également à visée qualitative, même si la législation actuelle répond mal à cette attente. « Le point crucial pour la qualité des raisins en rouge, c’est l’arrêt du chargement en sucre. Quand les baies se concentrent alors que la maturité phénolique n’est pas atteinte, on perd en qualité. L’irrigation à ce moment précis permet de maintenir la taille des baies et d’éviter cette concentration en sucre. C’est le plus souvent après le 15 août que les apports d’eau sont le plus intéressants d’un point de vue qualitatif.

« Paradoxalement, c’est à partir de cette date que les apports d’eau sont interdits », regrette Gabriel Ruetsch. Un point de vue partagé par Bernard Genevet : « Pour les cépages à maturité précoce comme le Chardonnay ou le Sauvignon, les années de forte contrainte hydrique sont généralement des années de maturation précoce, les vendanges ont parfois débuté au 15 août ou peu de temps après. Dans ces situations, la réglementation en vigueur ne pose pas de problème particulier. En revanche, pour les cépages à maturité tardive (Cabernet Sauvignon, Mourvèdre..), l’interdiction d’irriguer après le 15 août risque de faire perdre les effets bénéfiques préalablement obtenus par l’irrigation. La logique voudrait que l’on poursuive les apports d’eau raisonnés de façon quotidienne, tant que la situation hydrique ne s’améliore pas avec des précipitations éventuelles. Ces apports d’eau sont particulièrement  cruciaux lorsque la période de maturation est ventée, concourant à accentuer les effets de la sécheresse. Pour respecter la réglementation, le producteur n’a comme unique alternative qu’un apport massif d’eau avant le 15 août. C’est totalement  incohérent  au regard de la capacité de gestion de l’irrigation dont le viticulteur aura jusqu’alors fait preuve, et devant le risque encouru en cas de pluie imprévue. L’opérateur perdrait alors dans cette démarche toute logique d’optimisation de la ressource en eau et de gestion de l’irrigation qu’il aura tenté de mettre en œuvre préalablement ».

La ferti-irrigation

Autre avantage de l’irrigation, la possibilité d’apporter des nutriments à un moment où, faute d’eau, la vigne ne peut prélever dans le sol. Cet apport d’engrais via le goutte à goutte permet une meilleure assimilation par la plante. Grâce à la quantité d’eau apportée avec les engrais , le producteur peut maîtriser la localisation des nutriments en profondeur

 « La vigne, c’est comme un athlète de haut niveau, soutient Vincent Pugibet, viticulteur héraultais dont la totalité du vignoble est irrigué. Il faut lui apporter les nutriments nécessaires pour qu’elle soit au top de sa forme afin de produire des raisins en qualité et en quantité. Ce qu’il faut viser, c’est l’équilibre de la vigne. Dans les vignes vigoureuses avec beaucoup de bois, si la charge est importante, il faut fertiliser en conséquence». La stratégie d’irrigation se raisonne en fonction des objectifs-produits corrobore Bernard Genevet. « La décision d’irriguer est prise pour répondre à un objectif-produit que l’on ne pense atteindre sans recours à l’irrigation. Cela suppose d’évaluer, à plusieurs moments du cycle, la contrainte hydrique subie par la parcelle et de la comparer à des valeurs de référence pour décider ou non de l’opportunité d’irriguer ».

Un coût non-négligeable

La décision d’irriguer doit également prendre en compte les coûts engendrés au regard de la plus value économique attendue par les apports d’eau. Hors travaux d’adduction d’eau jusqu’en bordure de parcelle, l’équipement en irrigation au goutte-à-goutte s’élève entre 1200 et 1800 €/ha pour des petites parcelles (moins de 2 ha), ces coûts peuvent être ramenés entre 1000 et 1600 €/ha pour des parcelles de plus de 10 ha. L’installation représente entre 20 et 30 heures de travail. Les travaux annexes comme les tranchées d’adduction d’eau jusqu’aux parcelles, l’installation d’une station de filtration sont évalués entre 1800 et 2000 € pour 10 ha. Au total, le coût de l’équipement se situe aux alentours de 1800 €/ha. Les frais de fonctionnement (coût du m3 d’eau et abonnement) tournent autour de 100 €/ha et par an. En amortissant le matériel sur 10 ans, le coût de fonctionnement est donc de 280 € /ha/an. Ce coût est donc à comparer au +30 à +50% de gain de production potentiel valorisé au cours actuel du marché. Pour un prix net producteur de 30 €/hl, il faut donc atteindre un gain de rendement supérieur à 9 hl/ ha (280/30) pour que l’irrigation devienne rentable. Ces coûts peuvent bien sûr être plus élevés lorsque l’eau n’est pas directement accessible. Dans le secteur des Vignerons du Pays d’Ensérune, un réseau d’irrigation capable d’alimenter 490 ha de vigne vient d’être mis en œuvre.  Le coût de revient de cet investissement s’est élevé à 6000 €/ha dont 5000 ont été pris en charge par les collectivités. Les viticulteurs ont déboursé 1000 €/ha pour l’installation de ce réseau.

L'irrigation ne résout pas tout

Même avec l’irrigation, des pertes de rendement et de qualité peuvent être observés. L’apport d’eau au goutte à goutte ne résout pas le problème des très fortes chaleurs qui, si on croit les travaux du GIEC vont devenir monnaie courante. « 2003 sera une année moyenne dans les années 2050 », prédit Bernard Seguin. Au‐dessus  de  35°C  la  vigne  subit  une  baisse  significative  de  sa  photosynthèse, et ce,  malgré l’irrigation. Or, ces journées sont de plus en plus nombreuses  et  surtout  de  plus  en  plus  précoces  elles apparaissent depuis quelques années dès le mois de juin elles.  «La brumisation semble être une piste intéressante. Elle permet de rafraîchir le feuillage. Je l’ai testé sur le Sauvignon et j’ai obtenu de très bons profils aromatiques», témoigne Vincent Pugibet. La technique mérite cependant d’être affinée car l’humidité peut également poser problème, augmentant les risques de développement des maladies cryptogamiques.  L’exposition de la vigne, déterminante pour favoriser ou non les zones d’ombre pourrait également être une intéressante piste de recherche. Compte tenu des perspectives climatiques, le  thème  de  la  contrainte  thermique mérite d’être creusé au même titre que la contrainte hydrique pour adapter l’encépagement et les pratiques culturales à ces nouveaux enjeux climatiques ».

Vous n'êtes pas encore abonné ?

Accédez à l’intégralité des articles Vitisphere - La Vigne et suivez les actualités réglementaires et commerciales.
Profitez dès maintenant de notre offre : le premier mois pour seulement 1 € !

Je m'abonne pour 1€
Partage Twitter facebook linkedin
Soyez le premier à commenter
Le dépôt de commentaire est réservé aux titulaires d'un compte.
Rejoignez notre communauté en créant votre compte.
Vous avez un compte ? Connectez vous

Pas encore de commentaire à cet article.
vitijob.com, emploi vigne et vin
Gironde - CDD Château de La Rivière
Vaucluse - CDI PUISSANCE CAP
La lettre de la Filière
Chaque vendredi, recevez gratuitement l'essentiel de l'actualité de la planète vin.
Inscrivez-vous
Votre email professionnel est utilisé par Vitisphere et les sociétés de son groupe NGPA pour vous adresser ses newsletters et les communications de ses partenaires commerciaux. Vous pouvez vous opposer à cette communication pour nos partenaires en cliquant ici . Consultez notre politique de confidentialité pour en savoir plus sur la gestion de vos données et vos droits. Notre service client est à votre disposition par mail serviceclients@ngpa.fr.
Viticulture
© Vitisphere 2025 -- Tout droit réservé