n choisissant cette année pour thème « Les Minéraux et le Vin » pour son Lallemand Tour, la société de produits Å“nologiques a fait mouche. Les conférences organisées la semaine dernière dans quatre grandes régions viticoles ont, pour la plupart, affiché complet. Plusieurs experts se sont succédé pour apporter un éclairage sur ce terme, encore nébuleux mais déjà très tendance, de la minéralité du vin. Les orateurs ont abordé tant l’angle marketing avec une approche marché et consommateurs, que le point de vue plus Å“nologique avec l’impact des minéraux sur la perception organoleptique des vins ou l’influence des minéraux sur la fermentation. Sujet complexe dont le champ d’investigation reste grand ouvert
Minéralité : tout le monde en parle sans savoir la définir précisément.
C’est le nouveau vocable en vogue : comme ce fut le cas ces dernières années avec le terme «solaire » utilisé à toutes les sauces, la minéralité investit les terrains les plus improbables. Pour preuve, Télérama, qui évoque la grâce minérale de l’acteur Michael Shannon. Le vin n’échappe pas à cette tendance comme l’a démontré Yves Lefur, chercheur de l’Université de Dijon. « Les termes «vin, minéral » font apparaître 15 000 occurrences sur Google, 19 800 quand on les associe à blanc et 8 060 à rouge », indique le chercheur. « C’est le terme le plus utilisé dans les notes de dégustation des professionnels », affirme de son côté le journaliste néerlandais Cees Van Casteren, qui a épluché 258 000 commentaires de dégustation du Wine Spectator. La minéralité est citée dans 10% de ces commentaires ce qui la situe loin devant les termes boisé, fruité ou floral.
Pour le consommateur, la minéralité est considérée comme un terme positif dans la description d’un vin. « C’est un thème d’expert que les consommateurs ne savent pas toujours définir mais qui évoque des vins moins alcoolisés et moins fruités mais plus raffinés et avec plus de retenue », précise le journaliste. C’est un peu l’antithèse des vins forts, concentrés, boisés, encensés par Parker dans les années 80. «L’idée de minéralité est romantique, c’est un vin qui a le goût du terroir, le consommateur associant ce terme à la capacité du vin à absorber les minéraux du sol ». Pour les professionnels aussi, le terme est encore mal cerné d’après l’enquête menée par Yves Le Fur. « C’est un terme qui a besoin d’être expliqué. Il est souvent associé aux descripteurs comme fraîcheur, vivacité, acidité. Certains le définissent par son contraire : le contraire d’un vin fruité ou encore ce qui reste quand on enlève le fruité et le gras ».
Les sels minéraux influe sur le profil des vins, reste à préciser comment« De même qu’on peut distinguer le goût des eaux minérales selon leur contenu en sels minéraux, il apparaît que la composition en anions et cations du vin influe fortement la perception qu’on en a. Certaines années, la teneur en minéraux des vins est un élément de différenciation qualitative des millésimes », affirme Xavier Vignon, Å“nologue consultant pour IOC et ancien directeur du laboratoire Avignon Œnologie Conseil. Cette piste de réflexion lui a été soufflée par un souvenir : celle du collage à l’Å“uf, toujours accompagné d’une pincée de sel.
L’Å“nologue s’est donc impliqué dans toute une série de travaux, mettant en jeu des ajouts de différents minéraux dans les vins (rouges et blancs), Ces travaux ont montré que ces modifications, parfois très faibles analytiquement parlant, interfèrent avec les saveurs primordiales que sont l’amertume, l’astringence, l’acidité, la sucrosité , la salinité, mais également avec les sensations telles que le volume en bouche et la persistance aromatique. Les investigations menées par les différents laboratoires impliqués dans ces travaux ont permis de préciser l’impact de chaque sel minéral pris séparément sur ces saveurs, elles-mêmes analysées séparément : l’ion chlorure semble ainsi associé au goût salé, mais également à certaines sensations de gras, le sulfate semblerait associé à la sècheresse, l’amertume, etc. Ceci a ensuite été validé sur vin avec des épreuves triangulaires et descriptives.
Mais l’affaire demeure plus complexe qu’il n’y paraît, puisque c’est également l’équilibre entre ces différents ions qui joue un rôle fondamental. Par ailleurs, la relation entre concentration en sels et perception sensorielle n’est pas toujours linéaire, mais plutôt sinusoïdale : une quantité de chlorure croissante dans le vin passe d’une sensation de rondeur, puis d’astringence, avant de revenir vers la rondeur… La dégustation comparative proposée en fin de conférence est venue confirmer ces pistes de recherche : trois vins additionnés à hauteur de 2% d’eaux minérales de différentes salinités. Des différences flagrantes sont perceptibles en bouche.
Des recherches sont également menées en partenariat avec IOC et Lallemand sur l’influence des biotechnologies sur la salinité des vins, notamment l’impact des lies et des levures actives. Certaines levures semblent augmenter davantage le goût salé que d’autres souches, intervenant donc de manière décisive dans les équilibres gustatifs. Ces différences semblent liées à des contenus différents en sels minéraux. Des différences plus ou moins marquées selon le cépage (fortes sur syrah et merlot, moins sur grenache). Là encore, ces premiers résultats méritent d’être creusés.
Les minéraux influents au cours de la fermentationCertains minéraux comme le magnésium, le calcium et le zinc jouent un rôle très important au cours de la fermentation, leur teneur dans les moûts influence les performances de fermentation des levures, a développé Graeme Walker, professeur-chercheur en zymologie de l’université d’Abertay Dundee en Ecosse. Le magnésium est essentiel à la multiplication cellulaire des levures. C’est également un stimulant de la fermentation et il accroit la résistance des levures au stress. Pour une bonne activité fermentaire, il doit être présent à une concentration supérieure à 100 ppm. Lorsque la concentration en magnésium est trop faible, les levures privilégient leur activité respiratoire au détriment de leur activité fermentaire. Le calcium en revanche doit être présent à des concentrations plus faibles sinon il risque d’être nuisible à l’activité fermentaire des levures. Mais plus encore que la teneur en calcium, c’est le rapport magnésium/calcium qui est déterminant. Antagoniste du magnésium, le calcium entrave les effets bénéfiques de ce composé sur les levures, ce qui peut engendrer des problèmes de fermentation : acidité volatile, sucres résiduels, vins déséquilibrés. Plus le ratio magnésium /calcium sera élevé, meilleures seront les conditions de fermentation des levures.
Le Zinc est présent en très faible quantité dans les vins, mais même à faible teneur, il favorise l’activité fermentaire des levures. Si sa teneur est inférieure 0,2 ppm, les levures seront moins performantes et les risques de déviations organoleptiques plus élevés. Pour une fermentation active, le bon niveau de Zinc pour les levures se situe entre 0,4 et 1 ppm. Les essais ont montré que des teneurs en zinc supérieures à 0,5ppm permettaient d’obtenir des vins avec des niveaux plus importants d’alcools supérieurs qui contribuent à la complexité aromatique des vins, de diacétyle et d’ esters, et de plus faibles teneurs en acétaldéhyde. La teneur des moûts en magnésium et zinc influe également la résistance des levures au stress, notamment le stress lié à l’alcool. Les essais ont montré que l’utilisation de levures pré-conditionnées, enrichies en magnésium, permet de maintenir un plus haut niveau de viabilité des levures dans un milieu alcoolique (20%) : 65 % de levures viables au bout de 5h contre 35% pour les levures non enrichies.
Pour éviter les problèmes fermentaires, il convient donc de surveiller de près la teneur en magnésium, en zinc et le ratio magnésium/calcium et de supplémenter le moût quand les teneurs sont insuffisantes. Les levures pré-conditionnées, enrichies avec ces minéraux, sont une autre alternative pour s’assurer un bon déroulement de la fermentation.