n tant que praticienne aguerrie des institutions et des dispositifs européens, Anne Haller nous explique le fonctionnement actuel de la réserve française de droits de plantation, et nous livre sa vision des évolutions récentes du débat sur leur avenir.
Quel est le bilan de la gestion de la réserve nationale de droits de plantation en 2011, et quelles décisions ont-elles été prises pour 2012 ?La réserve nationale, créée en 2002, est approvisionnée par des droits périmés : les producteurs ont huit ans pour les utiliser, s’ils ne le font pas, ces droits tombent dans la réserve, où ils vivent encore cinq ans. France Agri Mer peut aussi racheter des droits, mais on ne le fait plus depuis 2007, parce que le stock actuel de 12 745 ha est suffisant. Ce stock est revendu aux viticulteurs, parfois cédé à titre gratuit pour les jeunes agriculteurs.
En 2011 on a récupéré 2 765 ha de droits périmés après huit ans, on en a vendu 515, donné 291, et 2 264 sont arrivés à péremption définitive. Cette année, la vente est ouverte entre le 6 février et le 30 juin, au même prix que l’année dernière, c’est à dire 1000 €/ha. Nous avons obligation de céder à tout le monde de manière équitable, sans se préoccuper de savoir qui achète. Et nous ne pouvons pas vendre trop cher, pour ne pas perturber le marché et donner un indication sur un prix directeur pour les transactions privées.
Au sujet de la possible disparition des droits de plantation en 2018, qui inquiète la filière du vin, que signifie la récente création d'un « groupe de travail de haut niveau » par le commissaire européen Dacian Ciolos ?
Un groupe de travail de ce type a été créé en 2009 suite à la crise du lait, il a travaillé pendant neuf mois et s’est réuni dix fois. Il était présidé par le directeur européen à l’agriculture, il comprenait des représentants de tous les états membres et un représentant du parlement. Ils ont fait appel à un certain nombre d’experts, et demandé des contributions écrites des organisations professionnelles. Ils ont remis un rapport, des propositions, et cela s’est traduit par un texte législatif, le « paquet lait », qui n’est pas encore voté (pour en savoir plus cliquer ici).
Ce groupe de travail proposé par la Commission européenne sur les droits de plantation peut très bien ne déboucher sur rien, comme sur des propositions législatives qui seront éventuellement intégrées dans la PAC et l’OCM uniques. On peut imaginer que les conclusions seront rendues fin 2012, au moment de l’évaluation de l’OCM par la Commission. C’est une bonne nouvelle, parce que la commission ouvre pour la première fois le débat, alors que rien ne l’y oblige, un vote des états membres ayant déjà eu lieu sur la question. Maintenant il y aura un lieu de débat, plus seulement un moment de lobbying.
Sur le fond, comment voyez-vous les données de ce problème ?On mélange souvent l’outil communautaire et sa gestion nationale, qui peut être très différente selon les pays. Le principe communautaire, c’est l’interdiction de plantation nouvelle, et pour vérifier qu’il n’y en a pas, on a mis en place un droit de plantation. La réserve permet de recycler les droits qui disparaissent, pour que le potentiel de production ne décroisse pas.
Ensuite, les pays peuvent avoir des logiques différentes. Par exemple, avec le réchauffement climatique, l’Angleterre et certains pays nordiques se voient potentiellement en croissance, et ne veulent pas d’un système qui leur interdit de planter. En France, on considère que notre potentiel est suffisant, et depuis qu’on a la réserve nationale, ça nous a apporté une grande souplesse de renouvellement. Dans certains autres pays, où la gestion est régionalisée, l’augmentation du potentiel peut être très contrainte, voire verrouillée. Tout ceci peut créer des dissensions entre états membres ou au sein des états membres sur la manière d’envisager l’avenir.
On n’échappera probablement pas à une révision des dispositifs. En France, la question est de savoir qui pilotera les nouvelles ouvertures : quel sera alors le rôle des ODG, des interprofessions, des comités de bassin ? On touche donc ici à la question de la gestion économique, et au débat plus global sur la régulation, dont le négoce veut être partie prenante ; avec toutes les questions que comporte ce type de sujet : évolution du potentiel et évolution du prix (les producteurs seront-ils prêts à accepter des augmentations de 5 ou 10% de la production, qui pourraient avoir une influence sur les prix ?), contractualisation…
Autre question, quelle sera la croissance du potentiel de certaines zones par rapport à d’autres, et qu’est-ce qu’on fait pour les vins sans IG, pour lesquels il n’y a pas actuellement de dispositif dédié d’autorisations nouvelles, puisque cela n’existe que pour les AOC et les IGP ? C’est aussi toute la question des zones mixtes : quand on est en zone d’AOC dans un bassin, et qu’on veut planter des IGP ou des vins sans IG, comment fait-on pour avoir des droits, alors qu’on va impacter le potentiel de la région ?