e Tribunal de Grande Instance de Paris a été saisi en référé par l'Association Nationale de Prévention en Alcoologie et Addictologie, qui souhaitait voir suspendue la campagne « J&B so british », arguant que cette campagne d'affichage, également déclinée sous la forme d'un jeu sur Internet et relayée via Facebook, contrevient aux dispositions de la loi Evin. Maître Olivier Poulet, avocat au Barreau de Rennes qui pratique le droit de la publicité des boissons alcoolisées depuis de nombreuses années et membre de la Sphere Conseil de Vitisphere, présente les avancées de cette décision.
Tribunal de Grande Instance de Paris Jugement du 6 janvier 2012 n° 11/59895
Statuant en référé, le Tribunal de Grande Instance de Paris a rendu une nouvelle décision intéressante à plus d’un titre en ce qui concerne l’application de la loi Evin. Elle précise le régime applicable à Internet et comporte aussi un intéressant développement sur les filtres âge mis en place. Elle complète ensuite la doctrine sur le contenu des messages.
© cabinet olivier poulet – janvier 2012
1° Les jeux Le TGI ne conteste en aucune manière la possibilité de proposer un jeu dans le cadre d’une page de publicité pour une boisson alcoolisée. Le quizz proposé par J&B comportait certes des questions se rapportant à la boisson alcoolisée mais de manière assez basique sur l’origine géographique ou historique du produit. Et les lots n’étaient pas des bouteilles de whisky. A aucun moment le juge ne rejette le jeu comme technique publicitaire pour les boissons alcoolisées. Avec l’arrêt de Cour de Cassation dans le dossier « glenfiddich », cette décision valide définitivement la possibilité d’organiser un jeu par exemple sous forme de quizz.
2° L’utilisation de Facebook Le TGI valide l’utilisation de Facebook pour la publicité pour des boissons alcoolisées dans la mesure où l’internaute, majeur, peut choisir les contenus qu’il visualise. La même juge qui déclarait dans la décision « ricard des rencontres» que « le fait de passer par le réseau social Facebook ne constitue pas seulement un service de communication en ligne, mais amène la société Ricard à faire de la publicité de manière intrusive puisque l’intégralité des informations publiées sur Facebook à l’exception du profil peut être consulté », visant le mode d’affichage sans choix possible pour le destinataire d’informations en provenance de l’émetteur, déclare ici « que le jeu ne constitue pas un mode de publicité intrusif puisque c’est l’utilisateur qui télécharge lui-même l’application, ni interstitiel, puisque le jeu n’apparaît pas de manière intempestive ». Il n’y a pas contradiction mais complément d’analyse. Ce que dit le TGI dans la décision « J&B », c’est que dès lors que l’internaute a le choix de ne pas télécharger le jeu ou de ne pas le faire apparaître, ce jeu n’est pas intrusif ni interstitiel. L’analyse est juste. C’est à contrario ce que disait la décision « ricard » qui critiquait le fait pour l’internaute de ne pas pouvoir s’opposer à l’affichage de l’information comportant la marque de boisson alcoolisée. Le juge affirme aussi, par principe, la possibilité d’utiliser Facebook dès lors qu’un filtre d’âge est mis en œuvre.
3° Les filtres âge Le TGI valide les filtres âge pour l’accès au contenu « alcool » comme obligation de moyen à la charge des opérateurs. Le juge, examinant le filtre mis en place par J&B, reconnait qu’il est facilement contournable puisque l’internaute peut déclarer un faux âge et qu’il n’y a aucune possibilité de contrôle. Mais reconnait aussi qu’en annonçant de manière officielle que le jeu n’est pas accessible aux moins de 21 ans (pourquoi 21 ?), le producteur rempli son « obligation » de ne pas destiner son jeu à la jeunesse. La décision ne se prononce par contre pas sur la forme du filtre : date de naissance à inscrire ou simple affirmation de majorité.
Le contenu des publicités1° Nouvelle reconnaissance du caractère créatif et artistique des publicités. Le TGI reconnait que la publicité qui est autorisée permet la créativité et l’imagination. Reprenant une argumentation antérieure, la juge déclare « que la publicité implique nécessairement le recours à des agences de publicité qui font preuve d’imagination créative aux fins de valoriser le produit ». C’est dans ce contexte qu’il faut examiner la conformité au code de la Sante Publique. Cette décision rappelle utilement que la publicité a pour but de valoriser un produit, et non de la dénigrer. Et que ce ne sont pas un fond blanc et une simple vue du produit qui sont les seuls modes d’expression autorisés.
2° Modalités de rattachement au thème de l’origine géographique du produit. Pour le TGI, la représentation d’un horse guard, d’un drapeau et d’expressions telles que « so british » et « né à Londres » sont autant d’éléments rattachant à l’origine géographique du produit. A ce titre le message est conforme aux dispositions légales. Pour mémoire un homme en kilt avait aussi été reconnu comme acceptable par le TGI dans l’affaire « william lawson » pour illustrer le thème de l’origine puis rejeté par la Cour d’Appel et la Cour de Cassation, étant précisé que l’accroche de la publicité donnait au message un second sens moins conforme. Dans sa présente décision, le TGI veille à ce que l’ensemble ne porte pas à confusion et ne puisse pas constituer une incitation à la consommation.




