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Interview : Christophe Hebinger, pépinière Hebinger « La démarche de sélection massale se démocratise aujourd’hui »
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Interview : Christophe Hebinger, pépinière Hebinger « La démarche de sélection massale se démocratise aujourd’hui »

Par Egmont Labadie Le 19 janvier 2012
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Interview : Christophe Hebinger, pépinière Hebinger  « La démarche de sélection massale se démocratise aujourd’hui »
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epuis sa création dans les années 70,  la pépinière alsacienne Hebinger s’est progressivement spécialisée dans la sélection massale, même si le matériel clonal représente encore 25% de ses ventes. Depuis 25 ans, elle a commercialisé 10 millions de plants dits « standard » (les plants issus de sélection clonale sont quant à eux dits « certifiés »). Elle commercialise 1 million de plants par an, à 70% en Alsace,  et emploie 5 permanents et 35 saisonniers.

Christophe Hebinger nous explique les attentes de ses clients, les contraintes de sélection et de production  et l’état de la réglementation d’un type de plants dont le marché est à nouveau en développement.

 

Quel est l'intérêt des sélections massales ?

Nos clients alsaciens se sont rendus compte qu’avec les sélections clonales ils avaient des vins de moins bonne qualité, présentant  moins de structure, moins de complexité. Ils étaient conscients que leurs vieilles vignes pouvaient donc apporter un complément de qualité, et ils voulaient les rajeunir pour voir ce que ça donnerait. Des chercheurs de l’Inra avaient aussi constaté dans des sélections de clones de pinot noir en Bourgogne, que à la dégustation c’était presque toujours le mélange des meilleurs clones, un peu différents les uns des autres, qui donnait le meilleur vin. Et la sélection massale va dans ce sens : on a automatiquement un mélange naturel de types différents du même cépage. Pour confirmer ces intuitions, certains viticulteurs ont même fait un travail sérieux et précis d’essais de vignes pour moitié en sélection massale, pour moitié en clone, vinifiées séparément sur plusieurs années, et sont maintenant en train de surgreffer tous leurs clones en sélection massale.

De plus, au delà de la seule approche qualitative, notre attachement à la diversité nous a permis aussi de sauver le porte greffe 34 EM, qui avait des réussites faibles au greffage, mais qui est moins fructifère qu’un SO4, moins sensible à la carence magnésienne, nettement plus résistant à la sécheresse, et donne un très bel équilibre fruit/végétation.

Quelles sont les demandes des viticulteurs ?

Soit on réalise des sélections privées : les viticulteurs m’emmènent dans leurs parcelles, et je reproduis pour eux ce que je sélectionne, la plupart du temps en ajoutant un peu de clones pour permettre les comparaisons ; ces sélections privées se multiplient, parce que de plus en plus de viticulteurs sont sensibles à la conservation de la diversité de leurs vieilles vignes. Le travail a commencé en Alsace, mais on travaille aujourd’hui dans la plupart des régions françaises, d’abord la Bourgogne, mais aussi la Champagne, la Vallée du Rhône, le Languedoc, la Loire, le Jura…Les demandes viennent de plus en plus loin, et d’un peu partout, souvent de viticulteurs bio, qui sont très sensibles à la sauvegarde de la diversité, mais pas seulement. De même, au départ c’étaient surtout des domaines haut de gamme, mais la démarche se démocratise aujourd’hui : l’Alsace est actuellement à presque 50% de ses plantations en sélection massale, alors qu’elle était à 100% de clones vers 1985 (NDLR : à titre de comparaison, 94% des greffes-boutures en 2010 pour l’ensemble du territoire français sont clonales selon France Agri Mer).

La deuxième modalité, ce sont les sélections publiques agréées, auxquelles je donne le nom du propriétaire de la parcelle dont elles sont issues, comme la sélection Adam. Ces sélections publiques concernent les cépages alsaciens, pour lesquels nous avons aussi une bonne clientèle allemande, ainsi que le pinot noir de Bourgogne.

On nous demande également de réaliser des traitements spécifiques, par exemple en biodynamie, d’autres encore nous demandent d’inoculer le trichoderma (un champignon qui colonise l’intérieur de la plante et occupe l’espace que pourraient prendre les autres champignons responsables des maladies du bois). L’efficacité de ce traitement n’est pas encore statistiquement mesurée, mais la protection est relativement intéressante. 

 

Quelle est la méthode de sélection des plants dans les vieilles vignes ?

On vérifie d’abord que la parcelle n’est pas issue d’une plantation en clones, pour être certain qu’il n’y a pas d’uniformité. Et comme il y a 40 ans, c’étaient majoritairement les clones qui étaient utilisés, on travaille donc souvent des vignes de plus de 50 ans. Quand la vigne est très âgée, on ne sélectionne que les plus vieux pieds, parce qu’on part du principe que si un pied arrive à cet âge, il donnera certainement plus de possibilités de refaire un pied qui pourra bien vieillir.

D’autre part, on cherche à avoir beaucoup d’individus différents, sinon on se rapproche fortement du principe du clone. Donc on considère qu’une bonne sélection massale part sur 300 à 400 pieds différents dans la vigne mère, tout en sachant qu’un certain nombre de ces pieds sont déjà des jumeaux.

Certains viticulteurs cherchent surtout à sauvegarder un maximum de diversité, et nous disent qu’il faut sélectionner large, en n’éliminant quasiment que les pieds qui représentent des faiblesses, ou qui ne paraissent pas en très bonne santé, et en ne conservant que les pieds qui présentent bien, quel que soit finalement leur niveau de production et de qualité. On installe donc ensuite une petite parcelle rajeunie, et on refait un travail de sélection plus ciblé, orienté vers tel et tel niveau de qualité, de comportement, des grappes plus lâches, plus petites, plus grosses selon les demandes, ou plus précoces. Il nous arrive même de faire du travail avec le réfractomètre, on cherche à avoir les degrés les plus élevés, ou dans d’autres cas même des degrés moins élevés. Certains recherchent une production plus importante, mais le plus souvent  c’est une demande d’une sélection moins productive, parce que les clones sont en général plus productifs que les sélections massales.

Quelles sont les spécificités du travail en sélection massale pour le pépiniériste, et leurs incidences sur les prix ?

Certaines personnes considèrent la sélection massale comme un retour en arrière, mais c’est grâce à une technologie de pointe qu’on arrive à répondre à des demandes très spécifiques des clients. J’ai créé moi-même le logiciel de suivi de production, qui permet de tracer le travail effectué. Je peux à tout moment remonter sur l’origine de toutes les parcelles de porte-greffes et de greffons utilisés, mais également sur un travail qui n’est pas impeccable, à n’importe quelle étape de la production. 

Du point de vue économique, la production de petits lots (3000 greffes en moyenne chez nous) coûte très nettement plus cher  qu’un grand lot : à chaque changement de variété, l’atelier est arrêté, ce qui représente une perte de temps à multiplier par les 18 ou 20 manipulations que nécessite la production d’un plant de vigne. En conséquence, un lot de 3000 greffes nécessite 30% de temps de travail de plus que pour des lots de 50 000 à 60 000 plants (qu’on peut réaliser pour l’export par exemple). Pour les sélections privées, le prix final va être en moyenne de 15 à 20% de plus, mais un gros volume (5000 à 8000 plants) peut être quasiment égal au prix classique. Pour les sélections publiques, les volumes sont plus importants, on pratique les mêmes tarifs qu’en sélection clonale, le supplément de coût de départ ayant été lissé sur les volumes.

Autre spécificité, les sélections massales ne sont pas certifiées par les organismes comme l’IFV, l’ENTAV, l’INRA, et il n’y a pas de licence, donc si un client est insatisfait, le pépiniériste est directement responsable de sa sélection, c’est donc un engagement totalement différent !

 

Quel est aujourd'hui le régime réglementaire de la sélection massale ?

La réglementation précise que la sélection massale est une tolérance, justifiée tant que les clones ne permettent pas de satisfaire tous les besoins qualitatifs et quantitatifs, ce qui est le cas pour les cépages dont le nombre de clones est très limité. Ce statut s’expliquait à l’époque par la peur des viroses, mais on s’est rendu compte qu’en visuel, on arrivait à peu près à éviter les viroses les plus dangereuses, telles que le court noué, et même on s’est aperçu que certaines petites viroses, peu dangereuses, pas visibles à l’œil nu, peuvent apporter des grappes un peu plus petites, un peu plus lâches, plus résistantes à la pourriture…Je pense qu’il faudrait modifier les textes pour autoriser une sélection plus libre comme la sélection massale, et non pas la laisser en tolérance.

Du point de vue de l’agrément, il est possible de faire agréer des parcelles standard issues de sélections massales à la suite d’un contrôle de France Agri Mer. Les contrôles sont simplements visuels : il faut qu’il n’y ait pas plus de quelques pourcents de symptomes de maladies à virus dans la parcelle pour qu’elle soit agréée. On peut ensuite diffuser ce matériel de la même manière que du matériel certifié, à la différence que les sélections massales ont une étiquette jaune, la couleur bleue étant réservée pour les clones.

Du point de vue des aides européennes à la restructuration, elles ne sont pas ouvertes pour la replantation en sélection massale, pourtant ces aides proviennent des impôts de tout le monde…

Quant à la commercialisation à l’intérieur de l’Union Européenne, il n’y a pas de limite, des gens sont venus me voir d’Allemagne, de Suisse, d’Italie, d’Espagne, et des pays de l’Est, sauf la Serbie qui a posé des barrières sanitaires à l’importation.

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