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Bertrand Girard, directeur général de Val d’Orbieu « Il faut créer de la valeur, sinon nos vignerons vont continuer à mourir, et pour ça il faut se tourner vers le client »
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Bertrand Girard, directeur général de Val d’Orbieu « Il faut créer de la valeur, sinon nos vignerons vont continuer à mourir, et pour ça il faut se tourner vers le client »

Par Egmont Labadie Le 29 septembre 2011
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Bertrand Girard, directeur général de Val d’Orbieu « Il faut créer de la valeur, sinon nos vignerons vont continuer à mourir, et pour ça il faut se tourner vers le client »
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ertrand Girard (voir photo), directeur général du groupe Val d’Orbieu, a pour volonté de mieux faire connaître cette entreprise qui a la particularité d’associer les métiers du négoce (plus de 50% des volumes commercialisés), de la coopération (10 000 hectares en apport total) et de la cave particulière (55 domaines et châteaux actionnaires de la coopérative). Un positionnement qui confère une place de choix pour observer les marchés du vin, mais qui nécessite aussi des clarifications stratégiques.  Voici, retranscrits sous forme d’interview, les propos qu’il a récemment tenus sur tous ces sujets lors d’une table ronde organisée avec la presse viticole et économique.

Que représente le groupe aujourd'hui ?

Le groupe Val d’Orbieu est le premier groupe coopératif viticole français (hors producteurs d’effervescents et hors unions de coopératives) si on considère le vignoble d’un peu plus de 10 000 hectares, le chiffre d’affaires de 175 millions d’euros, mais pas en nombre de viticulteurs (1600, dont un tiers vit uniquement de la viticulture), parce qu’il y a des bassins où les apporteurs ne sont pas à 100%, contrairement à chez nous.

En France, nous sommes la première entreprise viticole qui a intégré un vignoble de 10 000 ha (c’est à dire que le vignoble nous appartient en propre), des outils industriels et des dispositifs commerciaux, ce qui nous met dans les dix entreprises mondiales comme Gallo ou Concha y Toro. Nous ne faisons pas autant de chiffre d’affaires que Castel ou les Grands chais de France, mais ils ne possèdent pas autant d’hectares en propre que nous.  Le groupe est engagé dans la viticulture durable depuis 1992, les 1600 vignerons ont un classeur où on leur dit quelles sont les bonnes pratiques dans la vigne et dans le chai, notre site de Narbonne est certifié ISO 14001 depuis 2001, et le bio représente 100 ha certifiés, et 100 ha en conversion (soit au total 2% du vignoble).

Nous avons les onze centres de vinification que sont nos coopératives du Languedoc, deux sites industriels à Narbonne et Béziers employant chacun une centaine de personnes. De plus, 55 domaines et châteaux sont sociétaires de la société holding coopérative Val d’Orbieu, qui s’occupe du conditionnement et de la commercialisation de leurs vins, mais dont les techniciens suivent aussi les vinifications. Environ 500 000 hl de vin viennent des vignes possédées en propre, et nous commercialisons 1,3 million d’hectolitres, donc nous achetons la différence. Nous faisons partie des cinq ou six entreprises françaises qui produisent plus de 100 millions de bouteilles. Enfin, le résultat net consolidé de la holding en 2010 a été de 1,1 million d’euros.

Entre coopération, caves particulières et négoce, est-ce que Val d'Orbieu ne pratique pas un peu trop le mélange des genres ?

Dans le conseil d’administration de la holding, il y a les onze présidents de cave, et sept représentants des domaines indépendants, qui sont tous sociétaires (et également fournisseurs) de cette coopérative dite de « second degré ». Les logiques économiques des coopérateurs et des indépendants ne sont pas forcément différentes, il y a une véritable complémentarité de discours, parce qu’on est sur des métiers, des marchés et des segmentations totalement différents. De même en terme de commercialisation, 50% est issu de notre production, 50% est acheté. Mais ce n’est pas si conflictuel que ça, parce qu’on ne vend pas que des vins du Languedoc, et les marchés sont assez différents.

Le site de Narbonne des Vignerons de Méditerrannée fait de la marque, quelques domaines et châteaux, mais aussi du vin en vrac. Alors que Trilles à Maureilhan (à côté de Béziers) fait spécifiquement des grandes séries (premiers prix, MDD, Tetra Paks). On vend par exemple en vrac 15% de notre production, qui n’est donc pas embouteillée par notre outil industriel. Pour les 85% restants, qui sont conditionnés, on a des marques (15% du volume total), des gammes domaines et châteaux (15%) et des gammes de marque de distributeur et de premier prix (70% du volume pour 65% de la valeur). Nous exportons à 30% en volume, 35% en valeur. A la taille où on est, à 180 millions d’euros de chiffre d’affaires,  si vous regardez tous les acteurs mondiaux du vin, tous font tous les métiers. Nous sommes une « entreprise coopérative », on est 1600 entrepreneurs à la base.

Mais comment arbitrez-vous entre obligations d'une coopérative et obligations d'un négociant, en particulier sur les prix d'achat ?

Mon travail est de faire que chaque adhérent puisse vivre décemment de son exploitation. Ma question est : Est-ce qu’on a le bon curseur de rémunération par rapport à l’équation économique et dans la chaîne de la valeur ?

L’année dernière on a vraiment envoyé des signes forts en rémunérant beaucoup mieux que l’année précédente : le revenu vigneron de notre base augmente de 10 à 20 % sur la dernière campagne. Pour 2011, la récolte n’est pas finie, il faut avoir une vision globale des marchés, mais il faut une cohérence des prix par rapport à la segmentation, et leur lecture par le consommateur, en particulier les vins de cépage en MDD par rapport à l’AOP. Comment cette hiérarchie du prix va-t-elle rester intelligible par rapport au consommateur, en particulier dans les autres marchés que la France ? C’est donc trop tôt pour dire s’il y aura une nouvelle augmentation, mais ce serait une bonne tendance de maintenir les niveaux de l’année dernière, pour pérenniser la rémunération. Quant à nos achats, ils se font de façons très diversifiées, de l’achat ponctuel aux contrats. La contractualisation peut être un bon moyen pour stabiliser les relations à 3-4 ans.

Qu'est-ce qui a changé depuis un an chez Val d'Orbieu ?

Depuis que je suis là, j’ai mis en œuvre une force de vente générale d’environ 25 personnes, qui doit commercialiser les vins que produit le groupe, et chacun suit un marché. On a récemment créé la filiale Oriental+ en Asie (pour plus de détails, cliquer ici). Nous avons également fait l’acquisition à 50% de Grand Terroir, une société qui ne fait que des domaines et châteaux et réalise un chiffre d’affaires de 10 millions d’euros. Ça répond en partie à la question des conflits d’intérêts : il n’y en a pas, parce qu’on amène des solutions commerciales distinctes. C’est une société de négoce qui est spécialisée dans les domaines et châteaux du Languedoc Roussillon et du Rhône, qui fait 5 à 6 millions de cols, et qui est spécialisée dans le sourcing des châteaux. Ils conditionnent et commercialisent en France (en distribution notamment) et dans 162 pays, avec une force commerciale de 2 personnes. On pense qu’ils ont une capacité pour écouler une partie de nos domaines et châteaux, en plus de ce qu’ils ont déjà.

Enfin, parmi les nouvelles sociétés, nous avons créé Sud’vin cet été  non pour vendre le vrac qui existe déjà, mais pour développer un flux de vrac complémentaire, avec des installations à Narbonne.

Du côté du management, j’ai choisi d’avoir un comité de direction resserré, avec des grandes directions. Parmi les nouveaux arrivés, il y a en particulier Jacky Maria, un grand spécialiste de l’industrie-embouteillage, du  conditionnement et de la logistique du vin. Il a travaillé dix ans chez William Pitters, c’était le bras droit de Monsieur Magrez, et sa dernière mission était le lancement du site industriel de Chapoutier.

Quelle est votre vision du marché du vin ?

Du côté de la production, la compétition va être extrêmement rude aujourd’hui, en Angleterre, aux Etats-Unis, en Allemagne, en Chine. Dans ma vie professionnelle j’ai vécu sous différents  angles les marchés, et aujourd’hui on est à un point d’orgue de la rudesse, avec une nouvelle mappemonde de la production du vin. L’Australie a des gros problèmes, le Chili plante beaucoup, l’Argentine est une force montante, en particulier aux Etats-Unis avec le malbec, l’Afrique du Sud a ses propres soucis de gestion interne, avec l’humidité par exemple, l’Espagne va avoir une production stable cette année, l’Italie a bien su s’organiser dans la coopération et faire des monstres de commercialisation. L’Allemagne a une récolte décevante cette année, mais je suis surpris par le riesling allemand, il y a de bons vins, et ça marche bien à l’export en particulier aux Etats-Unis.

Cette rudesse vient de la base viticole mondiale, mais aussi des acteurs de la distribution qui se posent beaucoup de questions de rentabilité. Les marchés français et anglais sont détenus par 5, 10, 15 enseignes, et la moitié des ventes se font pendant les foires aux vins. C’est la réalité économique quotidienne !

De plus on est dans une consommation dans les pays occidentaux extrêmement plate. Le revenu moyen des gens en Europe stagne. Les sorties dans les grands marchés occidentaux ne sont pas rapides. Selon mes informations, la France est à 27 litres par an et par habitant, contre 50-55 il y a 20 ans. L’Australie est à 20 litres, l’écart se réduit, les Etats-Unis sont entre 15 et 20, et sont quasiment les premiers consommateurs aujourd’hui en volume. Il y a des marchés dynamiques en Asie, mais ça ne compense pas la massivité des marchés de consommation européens. Cependant l’épicentre économique du monde est bien plus aujourd’hui autour du Pacifique que de l’Atlantique : il y a l’émergence franche de nouveaux consommateurs comme la génération millenium aux Etats-Unis, soit 40 à 50 millions de personnes de 25 à 45 ans avec une rémunération correcte, également la classe moyenne chinoise. C’est une population qui comprend le vin pas forcément avec la clé d’entrée de l’appellation, plutôt le cépage, donc c’est compliqué à analyser. Il faut qu’on sache aussi ce qui va plaire au consommateur demain.

J’ai habité vingt ans de ma vie à l’étranger, Espagne, Maroc, Chine, Etats-Unis…Cet ancrage de notre territoire français mis dans une perspective mondiale, c’est extrêmement important pour donner une confiance stratégique à un groupe comme Val d’Orbieu qui dans ses gènes est un coopérateur, que ce soit sur la solidarité, la production, le raisin, le paysage…J’aime bien cette équation générale, mais il faut se poser la question des réponses à apporter.

Quelles sont alors les priorités stratégiques pour Val d'Orbieu aujourd'hui ?

Il faut créer de la valeur, sinon nos vignerons vont continuer à mourir, et pour ça il faut se tourner vers le client parce que c’est celui qui achète qui a raison : c’est pas parce que mon vin est bon qu’il plaît au consommateur,  mais il y a aussi des vins bons pour certaines occasions, pour des situations, pour des planètes différentes. Nous devons aussi écouler notre vin, mais ne pas vendre à pas cher pour vider les cuves ; garder notre leadership sur des marchés où le nombre de clients est limité (France, Angleterre) ou sur des marchés complexes (Etats-Unis, Chine) ; enfin être une référence pour les vins de l’Atlantique à la Méditerrannée, de Bordeaux jusqu’à la Corse.

Concrètement, nous avons plusieurs axes stratégiques pour créer la valeur. D’une part nous devons nous différencier, en repensant nos packagings et nos gammes, en vendant mieux nos domaines et châteaux, grâce à Grand terroir, mais aussi à une nouvelle force de vente dans le secteur traditionnel, ou en repensant nos vins « icônes » : la cuvée Mythique,  qui a été notre vin icône il y a 15 ans, ne correspond plus à la définition actuelle de ce mot. Il faut aussi que nous maîtrisions les coûts sur les premiers prix et les MDD, par la maîtrise du cahier des charges de production des jus, et par la performance de l’outil industriel, qui est en train d’être revu. Le but est de spécialiser les sites par métier, mais aussi d’améliorer la cadence des lignes de 30%, d’accroître la cuverie de 25%, enfin d’accroître la surface logistique pour avoir des stocks tampon pour les grands donneurs d’ordre qui sont très exigeants sur ce point.

Nous devons également nous spécialiser dans le vrac, qui est un vrai métier. Nous réfléchissons aussi aux niches, comme le marché chinois, l’oenotourisme, la vente au caveau.

J’aimerais à terme qu’on fasse 50% en France et 50% à l’export, mais en augmentant le chiffre d’affaires export par le biais du fer de lance que sont les marques, les domaines et les châteaux. Il faudrait que ces derniers progressent de 10-15% par an pendant les trois à quatre prochaines années.

Pourquoi le vrac est-il un élément important de votre stratégie ?

On veut se positionner comme un assembleur de vin qui a une réponse pertinente pour les acheteurs de vin en vrac français et étrangers, mais il faut organiser cette activité avec une structure spécifique, pour vendre des vins qui viennent de ce qu’on produit, mais aussi de ce qu’on achète. Etre un vraqueur n’a pas une connotation brillante quand on parle de vin, mais la matière première est un sujet, dans la nouvelle mappemonde de la production, extrêmement aigu à traiter, parce que pour la première fois l’année dernière depuis 15-20 ans, on a eu une offre mondiale un peu déficitaire, ce qui a augmenté les prix de 15 à 20%. Rien que dans le Languedoc, il y a 30 ans, on produisait 40 millions d’hl, 20 ans, 30 millions, 10 ans, 17-18 millions, l’année dernière 11,5 millions, cette année 12-13. On est dans des niveaux de production pas énormes, l’Espagne va faire une récolte moyenne, l’Italie a bien cadré ses marchés, donc le sujet du vrac est un vrai curseur : c’est utile pour nous parce qu’on est acheteurs, mais pour moi c’est un vrai baromètre des cours de la « commodité » sur les marchés. La fonction de Sud’vin est d’être ce capteur de tendances, de prix, quelques soient les régions. Nos volumes de vrac sont aujourd’hui entre 150 et 200 000 hl, je veux qu’on soit reconnu comme acteur qui sait faire du vrac, qui sait être un assembleur, après il y a des années où on va en faire 50, d’autres 200. L’objectif de 300, mais passer de 200 à 300 ce n’est pas très ambitieux pour un spécialiste du sujet.

Est-ce un hasard si votre développement dans le vrac correspond à l'émergence de la catégorie des Vins de France sans origine et avec mention de millésime et de cépage ?

Il ne s’agit pas de faire uniquement du Vin de France sans indication géographique, ça dépendra de la demande. On ne mesure pas encore les conséquences de la nouvelle réglementation des vins sans IG, mais elle impacte fortement l’offre aujourd’hui, et c’est une nouvelle donne. Le segment sur les marchés internationaux est à l’évidence pertinent : sur les marchés européens hors France il a du sens dans certains pays ; en France il n’y pas encore de certitudes.

C’est un bon véhicule, une réponse pertinente à des marchés, ça permet de faire un vin sans contrainte forte par rapport au système des appellations, et d’amener ça de façon très marketée au consommateur américain. Mais il n’y pas de réponse figée, ça dépend des marchés.  La gamme Saint Martin est un de nos premiers vins markétés, où le vin est très bien maîtrisé, mais elle existe avec et sans nom de cépage. Notre gamme de vin de France de cépages représente actuellement 10 à 15 000 hl, mais on le ne valorise pas assez, on devrait le vendre sous notre marque pour créer plus de valeur.

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