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Denis Dubourdieu « Le goût du vin doit être complexe, localisable et contemporain »
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Denis Dubourdieu « Le goût du vin doit être complexe, localisable et contemporain »

Par Vitisphere Le 11 mai 2011
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Denis Dubourdieu « Le goût du vin doit être complexe, localisable et contemporain »
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ors des dernières Rencontres Nationales des Vignerons Indépendants, le Professeur Denis Dubourdieu s'est livré à une démonstration magistrale sur la notoriété et la création de valeur en matière de vin.

Anciens et Nouveaux Mondes

Denis Dubourdieu commence par un constat de convergence entre les tendances observées à la production de vin (la restriction du nombre de cépages utilisés, l'indutrialisation des procédés d'élaboration et la banalisation des mentions valorisantes) et la chute des prix et des marges des producteurs. Dans un contexte de concurrence mondiale, la production de vin, en particulier dans le Nouveau Monde, s'est développée avec l'objectif de produire des vins à faible coût. Il faut pour cela trois facteurs essentiels, réunis dans un certain nombre de pays producteurs, notamment dans l'Hémisphère Sud : un climat chaud sec, des possibilités d'irrigation et une main d'oeuvre à faible coût. Les vignobles qui ne possèdent pas tous ces avantages sont condamnés à une valorisation maximale de leur production pour couvrir des coûts nécessairment plus élevés. Cette valorisation passe impose la maîtrise d'une combinaison complexe de savoir-faire techniques, commerciaux, financiers et... de beaucoup de temps.

Vin et art : un parallèle

La valeur nait de la rencontre de quatre communautés également exigeantes en terme de qualité. Denis Dubourdieu dresse sur cette thématique un parallèle avec le domaine de l'art. En matière d'art comme de vin, les différentiels de valeur pouvant aller de 1 à 2000 à format égal. Dans les deux cas, les quatre communautés en question sont celles des producteurs, des amateurs, des marchands et des critiques. L'artiste, comme le vigneron, est mu par l'inspiration mais aussi poussé par son public à la qualité. Quant aux marchands, s'ils ne savent ou ne veulent pas trouver des clients exigeants, ils ne peuvent plus vendre qu'un prix, qui est alors forcément bas. Quant à la critique, longtemps inexistante en matière de vin, elle est plus ancienne dans l'art et on peut d'ailleur mettre en parrallèle la hausse des prix du vin et l'essor de la critique. Attention toutefois à l'excès inverse : à trop miser sur la critique, a faire du vin pour la critique le producteurs s'égare... car le vin est d'abord le fils du client. Des vins rares et chers appéciés d'une clientèle fortunée et exigeante existaient déjà dans l'Antiquité (12 siècles avant JC en Grèce et 2 siècles avant JC à Rome). Denis Dubourdieu cite le Falerno, produit en Campanie, dans le sud de l'Italie, qui a été le vin le plus célèbre et le plus cher du monde sur la plus longue durée de temps de l'Histoire, avant de disparaître avec l'Empire Romain.

Les paramètres de la valeur du vin dans la conscience du consommateur

Ces paramètres sont interdépendants. Ils comprennent : - l'image : enracinée dans une histoire et/ou une tradition, mais résolument contemporaine aussi. « Il n'y a pas de création de valeur dans les écomusées », rappelle Denis Dubourdieu. - le prix : trop bas, il est destructeur de l'image. - le goût : l'essentiel est de plaire... mais sans complaire ! Des efforts de séduction flattent leur destinataire (le consommateur) puis l'agacent et le poussent sur un spectre de sentiments négatifs qui vont jusqu'à l'aversion instinctive. Le goût doit être complexe, pour ne pas lasser : « la complexité aromatique est l'antidote de la lassitude, vaut mieux vivre avec des gens un peu trop compliqué qu'avec des gens un peu trop simples pour que la vie ne semble pas trop longue ! » rappelle Denis Dubourdieu. Le goût doit être localisable : on parle ici d'origine géographique, mais aussi des savoir-faire viticoles et oenologiques associés. Il doit être difficile à reproduire, donc inimitable, surtout par un concurrent pouvant le reproduire à moindre coût. Il doit être contemporain, tout comme l'image même du vin, enraciné pour n'être que plus vivant et à l'écoute de son temps. - le potentiel de garde : les vins chers sont des vins capables des vieillir.Vendre un vin cher c'est vendre son futur gustatif et commercial. La capacité de vieillissement se traduit par le talent, présent à tout age, de faire raisonnablement plus jeune que son Etat-civil, sans artifice, tout en étant plus émouvant et plus unique que quelques années auparavant. Les vins de prix défient le temps comme nous aimerions le faire. Les appellations qui ont joué sur la jeunesse de leurs vins l'ont payé cher en terme d'image et de valeur globale de leur production. « N'oublions pas que nos amis britanniques désignent les vins achetés en primeur sous le nom de futures », dit Denis Dubourdieu. - le respect de l'environnement : parce que nous sommes ce que nous buvons, nous voulons boire un environnement préservé, un jardin épicurien intact. Denis Dubourdieur cite à ce propos Claude Fischler et son ouvrage, L'Homnivore, le Goût, la Cuisine et le Corps : « Nous sommes convaincus, magiquement, intimement, que nous sommes ce que nous mangeons. Dès lors, si nous ne savons plus ce que nous mangeons, le risque est grand que nous ne sachions plus qui nous sommes. » Poussée à l'extrême, cette logique amène le consommateur à sanctionner, avec certains excès, le seul soupçon de résidus (même à l'état de traces inoffensives) et les procédés industrialisés, perçus comme dangereux et hors des préoccupations éthiques du temps.

Le terroir et les limites qu'il repousse

A l'arrivée, l'effet terroir apparaît comme la capacité avérée d'un territoire à produire, grâce au savoir-faire humain, un goût typique apprécié d'un marché qui en reconnaît durablement la singularité et la valeur. Ainsi le consommateur participe de l'effet terroir. Quant à la typicité du goût, sans sa démonstration, le terroir est hypothétique et virtuel. Le triptyque encépagement/typicité/terroir se fait gage de l'expression de l'âme du lieu quand des cycles végétatifs longs autorisent la pleine expression des cépages : les raisins insuffisamment mûrs ou au contraire sur-mûris ne permettent pas d'obtenir des vins typiques ni de garde. Quant aux procédés de vinification, les vins ne doivent en aucun cas en être l'expression, ils doivent être des outils à la disposition des producteurs et des oenologues. A défaut, ceux-ci se cantonnent à être de « small masters of small wines »... Les cycles végétatifs longs se rencontrent dans les zones limites de culture, en terme de lattitude et/ou d'altitude ; le terroir est quant à lui le plus souvent un handicap naturel surmonté : pente, sol rocheux... « Les pionniers ont sué et les héritiers parlent de cadeau de la nature! », constate Denis Dubourdieu. De la difficulté, naît la complexité et l'intérêt : « quand la vigne est facile à cultiver, le vin est ennuyeux à déguster ». On le sait, de la Champagne (où il fallut trouver « un procédé pour rendre les vins buvables et convaincre des acheteurs et clients influents que c'était la meilleure chose au monde ») à Chablis et aux pentes de l'Hermitage... Quant à Bordeaux : « Bordeaux est le vignoble le plus humide du monde pour produire des vins rouges. Il a fallu choisir les sols aux plus faibles réserves, choisir les cépages les plus adaptés et veiller chaque année à établir une contrainte hydrique (notamment par la gestion de la surface foliaire, la densité de plantation...) avant la fin de la véraison, sans quoi on a affaire à un petit millésime. »

Le goût des vins de Bordeaux

Denis Dubourdieu livre les qualités des vins de Bordeaux qui font leur caractère typique et inimitable, traditionnel et contemporain, apprécié d'un marché qui en reconnaît durablement la singularité et la valeur... - Une couleur intense, évoluant lentement. - L'absence de chaleur alcoolique. - Les arômes de fruits frais rouges et noirs associés à des notes florales de rose épanouie, se transformant en bouquet empyreumatique (pour les vins à dominante cabernet) ou truffé (pour les vins à dominante merlot). - Les tannins veloutés en attaque, soyeux en finale, sans astringence. - La sucrosité sans sucre. - Une étonnante jeunesse. Il distingue encore trois familles de vins de Bordeaux : - Les grands : très bons et très chers, très typiques ; le grand luxe, pour tout dire. L'entrée dans ce club est une question de prix et de mode de distribution « et il faut en gagner des croisades pour passer de bourgeois à duc à Bordeaux ! » - Les bons : presque aussi grands, beaucoup moins chers. « Le bon, c'est celui qu'on met avec les grands dans un dégustation à l'aveugle et qui n'est pas démasqué de manière statistiquement significative. Ces vins sont l'avenir du marché des vins de Bordeaux et ce qu'il recherche. » - Les petits : on distinguera ceux qui sont vendus pour le goût qu'ils ont (correct à moindre coût) et ceux qui le sont pour celui qu'ils n'ont pas (et qui profitent de la notoriété de Bordeaux alors qu'ils n'en ont pas les caractéristiques évoquées ci-dessus).

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