es vendanges seront précoces, plus précoces encore qu’en 2003. La France déploie son programme de lutte contre les changements climatiques. La culture du vin et de la vigne vivent à leur rythme. Dans une interview au site echobio, le couple d’agronomes héros du film de Coline Serreau, « Solutions locales pour un désordre global », Claude et Lydia Bourguignon, continuent de labourer le sillon. L’Alsace s’interroge sur son « complexe du terroir ». Le vin nature gagne du terrain en même temps qu’il interroge. Néanmoins c’est l’été. Il y a les terrasses où il faut être vu, et celles, de plus en plus nombreuses, où l’on boit du vin. La féminisation du vin a aussi sa version hard, et l’on est autorisé à parler vulgairement du vin. Peut-être vit-on une époque charnière où le vin n’est plus à bien des égards le civilisateur qu’il a été, dépouillé de ce rôle par le marketing et la disparition des rituels. Bonne semaine.
Catherine Bernard
Le sillon du labourImperturbablement, sourds aux affolements temporels, Claude et Lydia Bourguignon, ex-agronomes de l’Inra, prêchent la bonne parole. Cette semaine sur le site Echobio. Selon eux, 70% des sols en Europe sont à l’agonie. A la question : « À la campagne, vu de l’extérieur, les cultures ont l’air saines, vivantes. Qu’est-ce qui cloche ? », ils répondent : « Ce beau visuel est trompeur. En réalité, on observe une baisse de rendement au niveau mondial, depuis 1984. Les statistiques de la FAO le montrent. À quel prix obtient-t-on ces cultures si belles, si carrées ? Au prix de l’utilisation de beaucoup trop d’engrais chimiques et de produits phytosanitaires. Tant que les sols vivent sous perfusion, ils se maintiennent en vie mais c’est artificiel ». Que faire ? « Nous disons aux producteurs de reprendre possession de leur capital, de leur terre. Mais c’est un discours à contre courant. Nous vivons dans une civilisation de la peur. La liberté, ça se paie très cher. C’est aussi le regard citoyen qui doit changer. Personne ne devrait jamais dire : “Je veux payer mon alimentation le moins cher possible”. Il faut accepter de payer au juste prix les produits agricoles. Les dépenses ont été déplacées vers le médecin, mais une alimentation de qualité éviterait cela ! ».
Le complexe du terroir, le vin natureAuteur d’un blog sur les vins d’Alsace, Eric Langermann est un amateur au sens littéral, une espèce un peu en voie de disparition. En page d’accueil, il annonce : « Comme beaucoup d'autres Français, j'ai grandi dans l'illusion de savoir ce qu'est un bon vin...mais je n'en restais pas moins paumé devant le rayon vin de supermarché quand j'étais invité chez un tonton "qui s'y connait en vin". J'ai laissé tomber cette vanité stérile pour passer aux sensations épicuriennes du vin de qualité...et je recommence tous les jours avec le même plaisir, car ces sensations sont accessibles, se partagent et grandissent en nous ! ».
Il propose cette semaine une réflexion intéressante, laquelle fait écho à la problématique languedocienne. Il commence ainsi : « En Alsace, on a un mal fou à sortir de la notion de vin de cépage. Cette notion est tellement ancrée dans les habitudes que je me demande si elle n'est pas une des raisons du manque d'ambition de la viticulture alsacienne ». Après quelques détours, il poursuit : « à partir du moment où l'on est dans un contexte de vin de gastronomie, ou de vin de cru ou de climat, c'est comme on veut, la notion de cépage devient totalement accessoire, et reprend sa place originelle ». Pour illustrer son propos il prend un exemple, limpide, celui de Schoenenbourg: « Le terroir accueille aisément le cépage Riesling. Mais l'expression du vin typique du Schoenenbourg ne correspond pas à l'archétype d'un Riesling caillouteux, pétrolé, super sec et citronné comme on l'imagine ! On a donc une association cru + cépage qui "fonctionne", sans que pour autant on ne verse dans les stéréotypes de l'expression variétale du cépage. Le cépage est alors vecteur de terroirité ».
Parti du Beaujolais et d’un petit gang de vignerons, le vin nature poursuit sa trajectoire ascendante. Wine Business International, peu soupçonnable de dérive baba-écolo, fait parler cette semaine un sommelier et un australien, de ces vins que l’on peut aussi voir comme une niche, entre la cavalerie des vins de cépage et ceux de terroir. Voici ce qu’en dit Gérard Basset, couronné meilleur sommelier du monde en 2010 et propriétaire de l’établissement Terra Vina dans le Hampshire au Royaume Uni : « Dans notre restaurant, les vins nature figurent sur une page distincte de la carte des vins. Nous expliquons clairement ce qu’ils sont. Dès lors, les clients qui les commandent ne sont pas surpris et apprécient de les découvrir. (…) Je pense que la tendance vers ces vins va aller en se renforçant car de plus en plus de gens sont sensibles aux procédés naturels».
Sexe et vulgaritéTandis que le marché et les medias se font les chantres de la féminisation du vin, les Autrichiens montrent peut-être le vrai visage de ce vrai-faux phénomène. « Après les Dieux du stade, les déesses de la vigne », nous appâte Bourgogne Live. La video nous montre une brochette de jeunes femmes en petite tenue posant devant des barriques. « Depuis 2006, Ellen Ledermüller-Reiner publie à la veille des vendanges un calendrier un peu spécial qui buzze dans les medias autrichiens. Il n’est pas question ici de champions de rugby français ou de pompiers new yorkais mais de jeunes et charmantes vigneronnes autrichiennes. Toutes d’ailleurs ne travaillent pas forcément dans les vignes mais plutôt à l’accueil des visiteurs ». Le calendrier est érotique, s’effeuille, mais en l’espèce le synthétique a remplacé la feuille de vigne, laquelle nous dit Bourgogne Live, « est un voile de pudeur sur une action ou une chose embarrassante ou déplaisante, en référence métaphorique à la Genèse biblique (3:7), où Adam et Ève utilisent des feuilles de figuier pour dissimuler leur « nudité » après avoir mangé le fruit de l’arbre de la connaissance du bien et du mal, prenant ainsi conscience de leur « indécence ». La référence culturelle n’enlève rien aux idées derrière la tête. Pragmatique, Wine Spectator nous informe que le calendrier est en vente au prix de 36$. On notera que selon le magazine, l’objet existe depuis 2004, mais était jusqu’alors présenté dans une version mixte, « jusqu’à ce que l’éditeur découvre que les jeunes femmes rencontraient un plus large succès auprès de la gent masculine ». Sic.
Dans le même genre, TF1 a jugé bon de rapporter cette information que l’on ne saurait juger capitale : « Qualifier un vin de merde relève de la liberté d’expresion », termes d’un arrêté de la Cour européenne des Droits de l’homme. L’auteur du délit, qui n’en est donc pas un, est un journaliste hongrois, Péter Uj. Dans un article il avait écrit : « un brevage "aigre, éventé oxydé", en un mot : un "vin de merde." On ne sait pourquoi TF1 a jugé bon de diffuser cette appréciation juridique. Est-ce une invitation à l’extension ? Le quotidien 20 minutes reprend aussi l’information, sans commentaires, et souligne : « Si l'objet de l'article, un vin réputé, n'était pas nommé, on reconnaissait toutefois aisément le Tokay qui fait la fierté des magyars ». Il est loin le temps où Voltaire, évoquant la censure, disait que l’on pouvait tout dire, si tant est qu’on le faisait avec élégance.
L'été, terrassonsAu palmarès des Top 10, il manquait celui des terrasses où il faut être vu, ces dernières ayant remplacé les loges d’opéra. On trouvera la liste sur le site drinkbusinness. Vu et être vu est selon le site « un passe-temps procurant une grande satisfaction », bien que cette activité soit plus ou moins répandue selon les pays. La France semble s’adonner avec une certaine ardeur à ce passe-temps, deux terrasses, celles de La Croisette à Cannes et des Deux Magots à Paris, figurant parmi les dix. On peut y ajouter par cousinage, une troisième, celle du Café de Paris à Monaco. Drinkbusiness ne précise pas si le contenu du verre a son importance.



