es entreprises familiales, qu'elles soient contrôlées ou détenues à 100% par la famille, représentent une très grande partie des entreprises françaises. Selon les définitions retenues, la proportion varie entre la moitié et 90%. En Aquitaine, première région productrice au monde de vins d'appellation, les dynasties familiales sont très présentes. Elles dessinent pour certaines des réussites impliquant plusieurs générations. Pourtant, la transmission reste un moment de fragilité pour la plupart des entreprises viticoles. Elles sont soumises à des enjeux particuliers car le cadre familial constitue, dans un contexte économique particulièrement tendu, à la fois un frein et un atout.
Auteur :
Armand BAJARD, Enseignant-chercheur, membre de l'équipe 'Marchés des Vins et des Spiritueux' à BEM. armand.bajard@bem.edu
Environ un quart des entreprises viticoles françaises pourraient changer de propriétaire dans les cinq ans à venir. Même si le papy boom n'a pas eu les effets dévastateurs prédis il y a cinq ans, le contexte économique et l'inadéquation de l'offre et de la demande sont sources d'inquiétudes. Tout d'abord, le contexte économique a entrainé un net renforcement des critères bancaires pour l'attribution des financements, avec une exigence de fonds propres élevés. Pour autant, l'exigence initiale peut bien souvent constituer un atout sur le long terme, en garantissant des structures financières pérennes. Ensuite, les investisseurs sont plus regardants et négocient durement les prix. Si les transactions les plus spectaculaires atteignent des sommets (récemment plus de 2 millions d'euros par hectare pour Les Carmes Haut Brion), les vignobles dits génériques ont vu des réajustements significatifs des prix dans un contexte de faible rentabilité. Ces derniers attirent difficilement les repreneurs. L'inadéquation entre l'offre et la demande peut être expliquée par les attentes des acquéreurs, portant sur des entreprises plutôt bien établies avec des perspectives de croissance; les entreprises cédées réalisent souvent moins de 1,5 million d'euros de chiffre d'affaires et emploient moins de 5 personnes.
Le cadre familialLe caractère familial peut être un des facteurs explicatif de la situation financière. Les recherches sur l'entreprise familiale ont montré une prise de risque moindre dans ces entreprises, entrainant certes des performances moindres en situation de croissance, mais aussi une meilleure résistance en temps de crise. Ce lien reste à étudier plus en détail dans le secteur viticole. Cependant, les spécificités du cadre familial ont été étudiées notamment par Céline Bessière dans une enquête ethnographique centrée sur des jeunes viticulteurs qui reprennent une exploitation dans la région de Cognac. La volonté de transmission familiale est forte et le contexte viticole, supposé conservateur, ne place ni les familles ni les entreprises à l'abri des difficultés économiques et des évolutions de la société. Fort de ce constat, les viticulteurs commencent à s'organiser. La préparation de la phase de transmission passe notamment par la professionnalisation de la gouvernance de ces entreprises et par la formation des repreneurs.