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Interview : Pascal Férat, président du Syndicat Général des Vignerons de Champagne (SGV) « Attention de ne pas devenir tellement discrets, qu’on ne nous connaisse plus ! »
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Interview : Pascal Férat, président du Syndicat Général des Vignerons de Champagne (SGV) « Attention de ne pas devenir tellement discrets, qu’on ne nous connaisse plus ! »

Par Vitisphere Le 28 janvier 2011
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Interview : Pascal Férat, président du Syndicat Général des Vignerons de Champagne (SGV) « Attention de ne pas devenir tellement discrets, qu’on ne nous connaisse plus ! »
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ascal Férat (54 ans, viticulteur coopérateur à Vertus - coopérative La goutte d’or – marque Paul Goerg) est devenu il y a un an le nouveau président du syndicat des vignerons champenois, en remplacement de Jean-Mary Tarlant, qui avait lui-même succédé à Patrick Le Brun un mois plus tôt. Viticulteur, enseignant, syndicaliste, mais aussi président de coopérative, Pascal Férat entend clore cette période d’incertitudes et donner à la viticulture champenoise des perspectives d’avenir.

Que s'est-il passé au SGV l'année dernière, et où en est-on aujourd'hui ?

Tout est rentré à 99,8% dans l’ordre, il y a eu un épisode malheureux qu’on essaye d’oublier. Aujourd’hui, je travaille pour l’avenir de la profession et de notre syndicat, et pour accompagner les souhaits de mes adhérents. Nous étions partis de la situation d’un président qui avait un fonctionnement propre, qui n’était pas de l’inspiration du conseil d’administration ni du bureau de l’époque, ce qui a créé des heurts. Comme un autre président a été nommé en interne, par les mêmes personnes qui avaient déstabilisé l’ancien, ça n’a pas été considéré come légitime, il fallait retourner sur une élection à la base. Les vignerons ont réélu leur conseil d’administration, qui a réélu un nouveau président. Aujourd’hui, mon but est de remettre tout en marche, et que les gens se causent, à toutes les échelles et tous les niveaux, entre les corps constitués, y compris dans l’interprofession. C’est dans le dialogue qu’on arrive à sortir le meilleur, pas en disant non systématiquement parce que c’est un indépendant ou quelqu’un qui est dans la coopération qui propose. Ma première mission a été de recruter un directeur qui vient du monde extérieur, Alain d’Anselme, qui n’avait pas tout le poids du passé. Il a travaillé avant dans le milieu agricole, où il a par exemple mis en place tous les protocoles français et européens sur le bio-éthanol.

Comment voyez-vous l'économie actuelle des vins de Champagne ?

Par rapport à la crise de l’an dernier, elle est en redémarrage dans les volumes, mais on peut rester dubitatif sur la valeur : certains produits de Champagne sont restés à des valeurs assez basses, issues de la crise. Il y a eu des démarques acheteurs, des prix sacrifiés dans les magasins, mais on n’a pas encore la notion exacte des volumes qu’ils ont représenté. On en saura plus à la fin du mois de janvier. Cependant on voit avec satisfaction que le consommateur revient facilement vers le Champagne dès qu’il y a des bons moments : les gens ne veulent pas rester dans une sinistrose trop marquée, dans tous les pays du monde, on a envie de refaire la fête, et on se retourne vers le champagne. Au niveau des exploitations, les vendeurs à des maisons de négoce se retrouvent dans une meilleure position, avec 10500 kilogrammes à la vendange, au lieu de 9700 l’année dernière, avec des prix qui ne se sont pas dégradés, à mon avis ils sont même supérieurs de 2%. Ceux qui commercialisent ont été un peu plus défavorisés, avec des ventes à la propriété en baisse de 5%, mais c’est à contrebalancer avec l’année précédente, où les récoltants manipulants n’ont pratiquement pas baissé en volumes de ventes. Sur les deux années difficiles, ils s’en sortent très bien, et ont bien résisté à la baisse des prix. Quant aux coopératives, elles n’ont pas de souci majeur. Le vignoble a donc bien résisté, on a amputé fortement les vendanges, assaini très vite le marché. On a fait le partage entre les années fastes, et cette difficulté qui a obligé tout le monde à taper dans ses économies, et aujourd’hui, on sent bien que les chiffres se raffermissent.

Que pensez-vous de la stratégie de prix cassés des négociants et des coopératives à laquelle on a assisté l'année dernière ?

On ne peut pas dire si ce sont les grandes marques ou les coopératives, la part de l’un, la part de l’autre…Certains négociants, les opérateurs des grandes marques, déplorent la situation, et certains gros vignerons ont peut-être fourni quelques bouteilles…Mais c’est un risque pour l’image, et je ne souhaite pas alimenter les pourvoyeurs de ces circuits, je fais tout pour que ça s’arrête le plus vite possible, qu’ils ne trouvent plus de matière. C’est dégradant, c’est une gangrène pour l’appellation, on met des années à monter par le haut, et on détruit ça en quelques minutes, sous couvert d’une crise. Il est évident qu’elle a fait mal, mais après dix ans de prospérité, si on ne peut pas résister à une crise, il faut se poser des questions. On a vu des bouteilles sacrifiées alors qu’on était à peine rentrés dans la crise…Quelle en est la raison, pourquoi céder à de telles facilités, alors que de l’autre côté les banques, qui avaient de l’argent, en proposaient à des taux défiant toute concurrence ? Les raisons sont à chercher dans l’économie des entreprises, mais aussi dans des circuits de distribution qui sont peut-être trop puissants, trop demandeurs vis à vis de certains. Et si ces derniers ne suivent pas ces acheteurs, le lendemain, ils sont morts. Beaucoup ne devraient pas être dans ces conditions, il faut essayer de se poser la question de savoir comment ne pas être trop dépendants, mieux s’organiser…ça fait partie des réflexions d’aujourd’hui.

Où en est le climat des relations entre le vignoble et les négociants ?

Il n’est pas plus mauvais, mais pas mieux qu’avant. Nous avons une interprofession qui fonctionne très bien, dans laquelle nous avons le souci de trouver consensus, mais ça devient de plus en plus dur avec tous les regroupements. Le nombre d’acteurs négociants est de moins en moins important, et moins il y en a autour de la table, plus la discussion devient difficile à obtenir, même s’il n’y a pas aujourd’hui péril en la demeure. Le dossier actuel, pour lequel on s’est donné quatre à cinq mois de mise au point, est le nouveau système qui va réguler notre réserve individuelle. On souhaite maintenir ce système dans l’état actuel, que la réserve soit toujours en appellation, et qu’elle serve de régulateur de l’économie individuelle, en cas d’accident sur l’exploitation, et que si on s’est trompé dans les décisions interprofessionnelles, que la Champagne se trouve en surchauffe, on puisse réalimenter le système. C’est un parfait régulateur, un système d’assurance, mais il a quelques imperfections, et certains s’en servaient comme un droit à produire, en utilisant par exemple le déblocage automatique en cas de modification des surfaces, ce à quoi nous voulons mettre fin. J’ai réussi à convaincre tout le monde qu’il était urgent de stopper ça, sinon ça aurait été difficile, en fin d’expérimentation après la vendange 2011, d’aller débattre ça avec l’INAO.

Comment voyez-vous le marché mondial des effervescents ?

La consommation mondiale des effervescents est en progression annuelle, il y a de la place pour tout le monde. Nous représentons 10% du marché, et avec l’augmentation dans le futur, nous ferons peut-être 6 à 7%. Notre souci n’est pas d’alimenter toute la demande mondiale en effervescents, mais par contre de rester l’élite. On est seuls aujourd’hui, mais il y a des pays lourdement armés financièrement, comme la Chine, qui va planter énormément de vignes…La qualité des produits et la position sur le marché dépendent aussi des moyens qu’on met derrière, et de la visibilité. Plus on présente une part de marché faible, plus on devient discrets. Attention de ne pas devenir tellement discrets, qu’on ne nous connaisse plus ! Il faut qu’on puisse continuer à s’intéresser à nous, à fournir des budgets, à exister dans les magazines, sinon d’autres vont prendre notre place, parce qu’ils auront la masse. Quant à monter encore en gamme de prix, on s’aperçoit qu’on a souvent atteint une limite, et les nouveaux grands consommateurs de demain, le Japon et la Russie, s’intéressent à notre produit, mais encore de très loin, il faut que ça rentre dans leurs habitudes de consommation, ce ne sont pas des pays qui étaient habitués à ce style de produits, il y a donc encore des années à passer devant nous. Tout ceci justifie notre projet d’élargissement de l’aire d’appellation, mais on ne veut pas le faire n’importe comment, on prend le temps de le faire pour que ce soit juridiquement solidement bordé. Le dossier avance, mais on ne voit pas l’atterrissage avant 2017. On ne sait pas de combien la production augmentera par rapport à aujourd’hui, parce qu’on n’est pas rentré dans la révision parcellaire, qui va débuter à la fin 2011.

Selon vous, quels sont les chantiers de l'avenir pour le Champagne ?

Il y a beaucoup d’écoles sur cette question, et c’est pour y répondre que je lance au niveau syndical le « projet d’entreprise Champagne » à partir de ce mois-ci. On va voir comment on souhaite que la Champagne soit dans 15 à 20 ans, et à partir de là, on va se doter des outils qu’il faut en interne pour mettre ça en musique. Je mets ce projet en place au niveau interne syndical, comme au niveau des Champagnes de vignerons. Des consultants extérieurs vont travailler avec le syndicat pour servir de relais, poser les questions sur le terrain, faire travailler les sections locales, les vignerons, avoir la remontée la plus correcte possible des réflexions et des informations pour alimenter le discours en interne. J’espère avoir une vision correcte de la situation d’ici mi à fin 2012. Parrallèlement, au niveau interprofessionnel, nous allons lancer aussi le « projet d’entreprise Champagne », sur l’ensemble de la Champagne, négoce et vignoble. Ce travail va faire ressortir beaucoup de sujets, et va donner naissance à une mini-réorganisation de nos politiques champenoises en interne. Au chapitre de ces sujets importants, il y a le problème du foncier, qui connaît des problèmes à tous les étages. Le prix du foncier pose des problèmes familiaux, dans les successions, les reprises d’exploitation, c’est la rançon de notre gloire. Quand vous avez deux ou trois enfants, une exploitation de cinq hectares, tout le monde veut sa part ici, ça coûte trop cher, ça vaut trop cher. Il y a vingt ans, il y avait un enfant qui se mettait exploitant, les autres frères et sœurs partaient travailler à l’extérieur, ça fonctionnait. Aujourd’hui, c’est compliqué. Je vois le désarroi, le déchirement des familles, dès qu’on arrive à des phases de succession, c’est le grand souci de l’époque…J’aimerais bien qu’on trouve des solutions et des orientations pour que ça fonctionne bien, et que ça n’atomise pas trop le vignoble. Non pas que je veuille uniquement des grosses exploitations, loin de là, mais des exploitations qui peuvent en vivre, parce que demain dans le vignoble champenois, s'il n’y a que des doubles actifs, ce ne sera plus tout à fait la même chose.

Où en est-on sur la question des pesticides dans la population vigneronne ?

Chaque génération a connu son évolution, quand j’étais gamin, j’entendais le conflit entre le tracteur et le cheval, le tracteur qui allait tasser toutes les vignes, que plus rien n’allait pousser, etc. On a connu des tas d’évolutions, qui ont provoqué des conflits de génération, des heurts familiaux, mais je pense que c’est sain et ça permet de dialoguer. Par contre, il y a une prise de conscience au niveau champenois, on avance très fort et très vite au niveau environnemental, en lutte raisonnée durable, et mon objectif est d’emmener l’ensemble de la viticulture champenoise dans ces démarches. C’est indiscutable, et tous les points d’évolution qu’on pourra faire, on va les faire, et à court terme. Les Champenois sont très volontaires, même s’ils râlent un peu en façade, en définitive, quand ils ont compris que c’était dans l’intérêt général, en moyenne tout le monde le fait, et tout est appliqué, contrairement à beaucoup d’autres régions d’ailleurs, mais il faut y aller par la pédagogie, pas par le forceps. Si vous arrivez à convaincre les gens que c’est la seule voie possible, et en même temps que c’est la seule voie raisonnable pour une appellation comme la nôtre…Quelque part, ils savent aussi qu’ils sont un peu leaders mondiaux sur les vins, et à partir du moment où un leader veut montrer l’exemple, tout le monde le fait. Mais il faut aller dans le bon sens, vous n’emmènerez pas 100% des Champenois dans la viticulture bio, c’est pas raisonnable, le label bio est très contesté ici, on sait très bien que ça n’ira pas beaucoup plus loin. On arrivera peut-être à monter ça à 5%, mais par contre si on met 34000 ha en viticulture durable et raisonnée, le débat est plus fort. L’objectif est d’arriver à respecter tous les engagements du Grenelle dans les plus brefs délais. On a déjà des points de progrès énormes, malgré la viticulture septentrionale, alors que les textes ne font pas de distinction entre le nord et le sud de la France, mais nous on prend ça à bras le corps. On vient par exemple, au niveau du CIVC, en partenariat avec la région Champagne-Ardennes et le pôle de compétitivité Industrie et Agro-Ressources (AIR) de développer un programme qui s’appelle Anaxagore, de recherche en bio molécules issues de nos propres vignes et de nos propres sous-produits, pour travailler nos propres intrants, fabriquer nous-mêmes des molécules issues de nos raisins : des produits de traitement pour la vigne, mais aussi pour le vin, ce qui nous permettra en même temps de valoriser au mieux tous nos sous-produits au lieu qu’ils soient détruits, parce que tout ce qu’on transforme, on ne le retrouve pas dans la nature, et donc on essaye d’optimiser toute la transformation de notre produit à tous les étages, pour les utiliser nous-mêmes, ou les vendre à d’autres.

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